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Devenir famille d’accueil : métier ou vocation ?

La famille d’accueil pour personnes âgées est une solution d’hébergement familiale et locale. Une famille (qui reçoit un agrément du Conseil Départemental) héberge jusqu’à trois personnes âgées en leur offrant gîte et couvert dans une ambiance familiale et chaleureuse. Cette solution peu connue est disponible dans toute la France.

Je vous invite à une visite guidée qui vous aidera à en comprendre le fonctionnement et l’attrait.

Nous avons réalisé ce dossier avec l’aimable contribution de Manon Cerdan, directrice qualité de CetteFamille.

La famille d’accueil : solution méconnue

L’année dernière, une amie m’a parlé d’une initiative dingue qui promeut la famille d’accueil.

Elle les avait vu pitcher à un événement et à cette occasion, elle a découvert que :

  • Ce mode d’habitat partagé accompagné existe depuis près de 30 ans,
  • Il est ouvert à tous, à condition d’avoir un projet d’accueil qui tienne la route,
  • Il pourrait apporter une solution durable, bienveillante et frugale au problème de l’isolement des personnes âgées.

Oui, l’isolement. L’isolement, c’est cela le problème.

C’est le problème qui touche toutes ces personnes âgées qui n’ont pas de raison médicale d’aller en Ehpad mais qui vivent dans une maison trop isolée pour rester sereinement à domicile.

Pourquoi l’isolement est un problème ?

Imaginez Yvette, une femme de 85 ans, veuve, qui vit seule dans une belle ferme dans la Drôme. Elle a trois enfants, mais le premier vit à Paris, le deuxième à Tokyo et le troisième à Marseille. Marseille, c’est pas loin, mais c’est quand même trois heures de route, sans compter les embouteillages.

La ferme de la Drôme, elle est un peu isolée, et le premier voisin est à 2 kilomètres. Le premier commerce à 5 kilomètres. Le premier médecin à 40 kilomètres. Et 40 kilomètres, en Drôme, ça ne se fait pas en moins d’une heure.

Le facteur passe tous les jours, ainsi que l’aide à domicile, mais le premier n’a pas le temps et la deuxième reste seulement 2 heures le matin et elle revient le soir pour le coucher. Alors que fait-elle Yvette, durant les 18 heures de la journée qu’elle passe seule ? Et bien elle regarde la télé.

C’est bien la télé, mais ça n’est pas un projet de vie très réjouissant, même quand on a 85 ans. Surtout quand on a 85 ans.

Il y aura toujours des promoteurs acharnés du maintien à domicile, mais la réalité du terrain, c’est que le maintien à domicile a une limite :  l’isolement.

Habitat partagé : des solutions méconnues

Le problème, c’est que peu de gens savent qu’il existe des alternatives à l’Ehpad et à l’isolement.

Tenez, prenez par exemple Paul-Alexis Racine Jourdren, le co-fondateur de CetteFamille. Lui non plus, il ne savait pas trop quelles alternatives à l’Ehpad il pourrait trouver quand, pour aider un ami, il s’est mis à faire les recherches qui l’ont amené à découvrir l’existence de l’accueil familial. Alors comme il trouvait cette idée géniale, il a décidé de créer une entreprise sociale et solidaire qui ferait la promotion de l’accueil familial et aiderait aussi bien les familles accueillantes que les personnes âgées ou handicapées souhaitant être accueillies

Moi aussi, j’ai trouvé l’idée géniale, c’est pourquoi l’un des premiers articles que j’ai publié sur Sweet Home était consacré à CetteFamille.

Dans le cadre de mon dossier sur l’adaptation de la société au vieillissement, j’ai souhaité rencontrer une nouvelle fois l’équipe de CetteFamille pour qu’ils m’aident à écrire un article pratique destiné aux personnes qui souhaitent devenir accueillant familial.

Rendez-vous a donc été pris avec Manon Cerdan, directrice Innovation médico-sociale et Qualité chez CetteFamille. Manon m’a expliqué dans le détail comment on devient famille d’accueil et je vous propose de découvrir sans tarder ses explications.

Comment devient-on famille d’accueil ?

Alexandre Faure : Comment pouvez-vous décrire la famille d’accueil type ?

Manon Cerdan : C’est très souvent une famille qui habite une maison en milieu rural. Le projet est souvent porté par des couples de 50 à 55 ans qui ont déjà eu une vie professionnelle. Très souvent, les femmes qui fondent une famille d’accueil ont déjà travaillé dans le secteur médico-social et éprouvent l’envie d’accompagner différemment.

Il n’y a pas de limite d’âge pour devenir famille d’accueil et il arrive que des familles qui ont bénéficié de l’agrément “Aide sociale à l’enfance” pour accueillir des mineurs décident, en deuxième partie de carrière, de se consacrer à des personnes âgées ou handicapées. La difficulté n’est pas moindre, mais la charge émotionnelle est différente.

Etre famille d’accueil, c’est une aventure de couple. Certes, c’est souvent la femme qui a eu cette expérience médico-sociale qui sera identifiée comme la porteuse de projet, mais pour créer cet esprit de famille qui fait l’intérêt de la famille d’accueil, il faut que les deux conjoints s’investissent.

Critères d’éligibilité pour devenir famille d’accueil

Alexandre Faure : Quels sont les critères d’éligibilité ?

Manon Cerdan : Pour devenir accueillant familial, les porteurs de projets doivent obtenir un agrément du Conseil départemental. Le référentiel d’agrément est un document national unique qui garantit une égalité de traitement entre tous les accueillants familiaux candidats, quel que soit le département où ils habitent.

Si vous consultez le référentiel, vous constaterez qu’il insiste beaucoup sur la qualité du projet d’accueil. C’est en effet le critère principal sur lequel les autorités départementales vont se pencher. Elles souhaitent s’assurer de la solidité des porteurs de projet.

Durant le processus d’agrément, la famille va devoir démontrer ses capacités relationnelles et professionnelles. Elle devra montrer qu’elle sait faire preuve d’empathie et être à l’écoute. Elle doit aussi montrer qu’elle saura s’organiser et coordonner les intervenants qui rendent visite à ses locataires : infirmière, kiné, médecin, etc.  Enfin, elle devra savoir faire preuve de diplomatie dans ses échanges réguliers avec la famille naturelle des personnes âgées qu’elle héberge.

C’est pour cela que le projet d’accueil est bien plus important que la qualité de l’habitat, même si celui-ci fait également l’objet d’un contrôle lors de la demande d’agrément.

Au niveau de l’habitat, les candidats doivent disposer d’une chambre de 9 mètres carrés pour accueillir des personnes seules, 16 mètres carrés pour des couples. Elles peuvent accueillir jusqu’à trois personnes. Les conditions de circulation et d’accessibilité aux pièces d’eau et aux pièces communes seront étudiées.

Comment se déroule la candidature ?

Alexandre Faure : Comment se déroule la candidature ?

Manon Cerdan : Le futur accueillant commence par remplir un dossier de candidature qui lui sera transmis par le Conseil départemental.

Le porteur de projet va :

  • Donner toutes les informations requises,
  • Il va s’engager à suivre une formation. Cette formation qui est obligatoire depuis 2017 est destinée à professionnaliser le métier d’accueillant familial,
  • Il va également s’engager à accepter le suivi médico-social et les visites de contrôle que peut faire l’assistante sociale,
  • Il va désigner ses remplaçants, c’est à dire les personnes qui prendront ses locataires en charge lorsqu’il s’absente. Cela peut-être un proche qui vient dépanner pour une absence de courte durée ou bien une autre famille d’accueil qui héberge ses locataires s’il s’absente plus longtemps, par exemple pour partir en vacances.

Le dossier est à envoyer au Conseil départemental qui dispose d’un délai d’instruction de quatre mois. Une fois que le dossier administratif est validé, une visite est organisée pour s’assurer de la conformité du lieu de vie et des aptitudes de la future famille d’accueil pour accorder l’agrément. C’est en général une assistante sociale qui s’en charge, parfois aussi des infirmières  ou des psychologues du Conseil départemental.

Alexandre Faure : En quoi consiste la formation obligatoire ?

Manon Cerdan : C’est une formation en trois temps :

  1. 12 heures de formation préalable au premier accueil, où les familles apprennent les premiers secours, le cadre juridique et institutionnel et les bases du métier. C’est en général le Conseil départemental qui s’en occupe directement.
  2. 42 heures de formation initiale complémentaire pour approfondir le cadre réglementaire, travailler sur la gestion des relations avec les personnes accueillies, les équipes départementales, les médecins, etc. Cette formation aborde tout ce qui va concerner la relation d’aide à proprement parler : l’aide à l’hygiène, les transferts, le change, les animations, le respect de l’intimité et tout ce qui va être en lien avec la posture professionnelle. Enfin, cette formation aborde les relations avec la famille naturelle et la gestion des conflits.
  3. 12 heures de formation continue, qui se déroulent après quelques temps, mais toujours dans les cinq ans que dure l’agrément.

J’ajouterais que le fait que de plus en plus de professionnels du médico-social deviennent accueillants familiaux contribue grandement à la professionnalisation de cette activité.

Les qualités requises pour devenir famille d’accueil

Alexandre Faure : Quelles sont les qualités requises pour devenir accueillant familial ?

Manon Cerdan : Il en faut essentiellement trois :

  • Patience,
  • Empathie,
  • Organisation

Alexandre Faure : Est-ce qu’il y a des départements plus enclins que d’autres à accepter les demandes ?

Manon Cerdan : Non, le dispositif est national. Il y a bien sûr des départements où l’offre est plus étoffée, notamment dans les Hauts de France, car le dispositif a été utilisé pour lutter contre la précarité et le chômage. Le dispositif souffre surtout d’un manque de visibilité important et il y a donc plus de cessations d’activité que de nouveaux agréments.

C’est un métier très peu connu et il y a pourtant beaucoup de personnes qui seraient prêtes à le faire. Le problème n’est donc pas de susciter les vocations mais plutôt d’aider les personnes qui souhaitent se lancer.

Il y a une forte dichotomie entre les zones urbaines et rurales.

Manon Cerdan
CetteFamille

La plupart des familles d’accueil vivent en zone rurale, nous en connaissons quelques unes en zones périurbaines mais les familles d’accueil en zone urbaine sont extrêmement rares, notamment à cause du prix de l’immobilier.

Alexandre Faure : Comment les bénéficiaires choisissent-ils leur famille d’accueil ?

Manon Cerdan : Les deux critères prédominants sont :

  • La proximité du lieu où vivent la personne âgée et/ou sa famille. Il faut que la maison soit dans un rayon d’une vingtaine de kilomètres autour de l’ancien logement de la personne âgée.
  • Le prix de l’hébergement, même si celui-ci est inférieur au prix d’un Ehpad.

Le premier rôle de CetteFamille c’est de faciliter la rencontre et de faire en sorte que la première famille visitée sera la bonne. En effet, nous voulons éviter que la personne âgée ou sa famille soit échaudée par une première visite qui ne marcherait pas et renonce à recourir au dispositif.

Pour réussir cette rencontre, nous faisons confiance à nos équipes locales de terrain. Ces équipes sont constituées de professionnels du secteur médico-social et plus particulièrement de l’aide à domicile, ainsi que des assistantes sociales. Comme elles travaillent sur un territoire, elles connaissent chaque famille d’accueil et sont donc à même de savoir chez quelle famille chaque nouveau bénéficiaire se sentira le mieux.

Qui sont les bénéficiaires de la famille d’accueil ?

Alexandre Faure : Quel est le profil des bénéficiaires ?

Manon Cerdan : Nous sommes essentiellement contactés par les proches aidants de personnes âgées, pas nécessairement en perte d’autonomie, mais toujours isolées. Ce sont des personnes qui ont des angoisses de 17 heures, ou qui ne supportent plus d’être seules la nuit ou qui ont peur de faire des chutes et de ne pas pouvoir se relever. Des personnes qui n’ont pas besoin d’une assistance médicale permanente et pour qui l’EHPAD n’est pas la solution la plus indiquée.

Actuellement, nous avons peu de demandes pour des personnes fortement dépendantes, c’est à dire en GIR 1 ou 2. Mais compte tenu de la professionnalisation du secteur et de l’expérience médico-sociale de nombre d’accueillants, il n’y a pas de restriction, à condition que l’accueillant familial se sente en mesure de recevoir la personne âgée.

Rémunération de la famille d’accueil

Alexandre Faure : J’aimerais que nous parlions de la rémunération de la famille d’accueil. Comment est-elle calculée ?

Manon Cerdan : Le contrat d’accueil, qui est passé entre l’accueillant familial et la personne accueillie est un contrat de gré à gré. Il y a des minimums prévus par la loi mais il y a aussi une partie librement négociée. Cependant, il y a des restrictions pour les personnes qui bénéficient de l’aide sociale à l’hébergement (ASH). Dans ces cas de figure, le contrat doit respecter les plafonds de l’aide sociale qui sont encadrés par le règlement départemental d’aide sociale.

Pour la personne bénéficiaire, une fois déduites toutes les aides : l’APA, le crédit d’impôt de 50% et éventuellement l’allocation logement, le reste à charge moyen s’élève à 1000 euros.

Alexandre Faure : Combien de places d’accueil proposez-vous chez CetteFamille ?

Manon Cerdan : Il y a 6000 places répertoriées sur le réseau. La disponibilité dépend énormément des territoires. L’Île-de-France, par exemple est un secteur en tension.

Alexandre Faure : Quels sont les avantages d’un accompagnement par CetteFamille pour une famille d’accueil ?

Manon Cerdan : Il y a trois avantages à rejoindre notre réseau.

UN : Cela permet de ne pas être isolé, de pouvoir compter sur le réseau pour répondre aux questions que peuvent se poser les familles.

DEUX : Nous aidons également les familles en prenant en charge la gestion administrative.

Cela consiste à centraliser les paiements pour garantir à l’accueillant qu’il reçoit bien l’intégralité de sa rémunération mensuelle. Avec CetteFamille, l’accueillant familial est ainsi certain d’être déclaré et de cotiser correctement.

Cela consiste également à réaliser tous les actes administratifs. Le contrat et ses éventuels avenants ainsi que les bulletins de rémunération.

Ces bulletins sont parfois complexes à réaliser, pour les proches des personnes accueillies, car il y a beaucoup de variables en fonction des situations individuelles et des événements qui peuvent se produire pendant le mois : les produits utilisés, les hospitalisations ou les absences qui sont à déduire et qui auront un impact sur les postes de rémunération.

Nous comptons 2% du prix de l’accueil pour prendre en charge la gestion administrative, cela représente en moyenne 30 euros par mois. Cela couvre également la responsabilité civile de la personne accueillie et de l’accueillant automatiquement.

TROIS : Enfin, nous veillons à ce que les accueillants puissent retrouver rapidement une nouvelle personne à accueillir à la suite d’un départ afin qu’ils puissent exercer leur activité dans les meilleures conditions possibles.

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