exosquelette et samuel corgne

ErgoSanté par son créateur

Selon l’International Federation of robotics, le marché de l’exosquelette est promis à une formidable croissance d’ici 2022. Principalement utilisé dans l’industrie pour soulager le travail répétitif des employés, l’exosquelette pourrait arriver très vite dans les maisons des seniors. 

Aujourd’hui, les troubles musculo squelettiques (TMS) représentent 87% des maladies professionnelles. Le mal de dos représente à lui seul 20% des accidents du travail. Les articulations du haut du corps sont particulièrement touchées par les TMS, notamment celles des bras et de la main, ainsi que le bas du dos.

Accidents du travail, absences répétées, baisse de productivité, les TMS coûtent près de 2 milliards d’euros pour les entreprises, à travers leurs cotisations accidents du travail et maladie professionnelle. Pour les salariés, les TMS peuvent entraîner des séquelles à vie. 45% des TMS entraînent des incapacités permanentes. Pour les salariés âgés de plus de 50 ans souffrant de TMS, c’est un risque de perte d’emploi et de désinsertion professionnelle.

L’exosquelette ou dispositif d’assistance physique présente de nombreux avantages pour préserver la santé des employés et améliorer le confort au poste de travail. Cet outil aide à réduire la pénibilité du travail, notamment les tâches répétitives ou peut compenser une invalidité. Ce dispositif est conçu pour soulager le dos, la nuque, les articulations du haut du corps (épaule, bras, poignet, main) ou du bas du corps, notamment les genoux. 

Si les exosquelettes ont d’abord été pensés pour le secteur de l’industrie, c’est sans grande difficulté qu’on peut trouver l’extension de cet outil dans :

  • Les milieux hospitaliers pour l’usage des aides-soignants, infirmiers, médecins…
  • Dans le domicile des personnes âgées pour soulager des douleurs chroniques et préserver leurs capacités physiques. 

Actuellement, une vingtaine d’entreprises dans le monde fabriquent des exosquelettes. Mais la demande pourrait exploser d’ici quelques années. Ce dispositif qui s’arme aujourd’hui de technologie et d’IA de plus en plus poussées. Il s’adapte pour toutes personnes en perte de mobilités. Cela concerne les employés souffrant de TMS, les personnes en situation de handicap, mais aussi les personnes âgées en perte d’autonomie, ou encore ceux atteints de maladies chroniques comme la sclérose en plaque ou la maladie de Parkinson.

Certains pays vont plus loin encore. Ils inscrivent la production d’exosquelettes dans leur stratégie politique face au vieillissement de la population. Le Japon qui compte la plus grande population de personnes âgées a réorienté sa politique de robots assistants. Depuis quelques années le Japon investi largement dans la production d’exosquelette. L’objectif est d’équiper les 7 millions de travailleurs qui ont entre 60 et 65 ans.

Source Amelie.fr

Pour comprendre l’évolution et la portée de ce marché, Sweet Home a rencontré Samuel Corgne, fondateur et CEO d’ErgoSanté depuis 2012.

Quelles sont les origines d’ErgoSanté ?

Samuel Corgne : En 2011, j’ai été confronté déjà à titre personnel, et aussi dans l’entreprise, aux sujets du handicap. Je me suis rendu compte qu’il ne suffisait pas d’avoir de la bonne volonté pour intégrer dans le monde du travail des personnes en situation de handicap. Il fallait aussi un contexte, d’une certaine manière. 

C’est là où nous avons eu l’idée de créer une espèce de pharmacie de la médecine du travail pour permettre de transcrire les préconisations de la médecine du travail pour l’emploi des personnes handicapées en outils concrets.

Par exemple, si quelqu’un a très mal au dos, nous allons lui faire un siège sur mesure. Si quelqu’un ne voit pas, nous allons essayer de trouver des systèmes de lecture et de retranscription à voix haute etc. Du coup, nous sommes devenus un acteur majeur du maintien dans l’emploi des personnes handicapées.

Plus globalement, ça part aussi du constat que malgré tous les progrès de notre société, de notre civilisation, l’homme est de plus en plus cassé par le travail. C’est pour ça que nous voulions concevoir, fabriquer et distribuer des postes de travail, des solutions techniques pour réduire la pénibilité au travail des hommes valides et non valides.

L’activité se développe bien. Maintenant, nous avons un peu plus de 130 salariés et le chiffre d’affaires évolue très favorablement aussi. Nous développons aussi des exosquelettes. Ces exosquelettes étaient d’abord dédiés au monde du travail. Mais de plus en plus, nous travaillons sur la silver économie. En particulier sur des exosquelettes qui permettent d’adoucir la vie des personnes âgées à domicile.

Comment en êtes-vous venus au marché des exosquelettes ? 

Samuel Corgne : Les exosquelettes, c’est quelque chose de fantasmagorique qui souvent, fait appel dans l’imaginaire à l’homme augmenté. En 2014, j’ai essayé de sourcer des exosquelettes existants. Il y en avait peu, mais systématiquement, quand nous intégrions ces exosquelettes chez nos clients, le fabricant passait en direct.

Je pense que ça venait du fait que le marché n’était pas du tout mature. Les coûts de développement étaient très élevés et ces sociétés voulaient absolument faire de la vente sans intermédiaire pour essayer de reconstituer de la marge. Cette manière de fonctionner n’était pas éthique pour moi. Ça ne collait pas avec ma manière de faire du business, c’est-à-dire de la manière la plus équitable possible. Pour que tout le monde s’y retrouve et de faire les choses honnêtement.

J’ai essayé de réfléchir plutôt à un cahier des charges. Qu’est-ce que pouvait être un exosquelette selon les éléments que j’avais tirés ?

À l’époque, vu qu’il y avait très peu d’offres. J’avais pensé à un exosquelette dit « couteau suisse », c’est-à-dire très configurable, qu’on ne porte pas toute la journée. Par exemple, dès qu’on a besoin d’une assistance pour percer quelque chose, travailler les bras en l’air, se pencher, porter quelque chose, on le configure de manière différente. Je me suis dit que comme ça, il n’y a qu’un seul outil avec une utilisation très vaste. Ce qui permet déjà d’évangéliser le marché sur ce que peuvent être les dispositifs d’assistance physique. En 2018 ou 2019, nous avons sorti notre premier exosquelette.

Quelle a été l’évolution du marché ?

Vu que le marché a évolué et que la concurrence aussi a évolué, nous avons pu constater que les exosquelettes se concentraient sur deux ou trois postures contraignantes. De toute façon, il suffit de regarder la répartition des troubles musculo-squelettiques (TMS). Ça donne le plan d’action pour la répartition de marché. Les problèmes de dos en se penchant, et les problèmes d’épaule en travaillant soit les bras en extension, soit les bras en l’air..

Nous avons donc réfléchi à quels étaient les freins à l’acceptation. Souvent, c’est le prix, bien sûr, le poids, et le fait que ce soit très ostentatoire. Il y a encore des réflexes très primaires dans le monde du travail, quasi comme dans une meute de loups. Du coup, si nous voulions que ce soit accepté, il fallait que ce soit efficace et discret. Ce qui est un peu aux antipodes d’un exosquelette d’une start-up qui lui doit être hyper visible. Nous, nous n’avions pas le besoin de lever des fonds, nous nous sommes donc concentrés sur l’efficacité.

Je pense que nous avons mis un gros coup de pied dans la fourmilière, parce que notre deuxième exosquelette, nous l’avons sorti à moins de 1 000€. Le premier produit concurrent était à 5 000 ou 6 000€. C’est le Hapo du dos à moins de 1 000€ HT. C’est sûr que ça a fait grincer un peu des dents pas mal de concurrents. Mais bizarrement, tout le monde s’aligne.

In fine, c’est peut-être moins bien pour les marges, mais c’est bien pour l’utilisateur. Parce que le marché de l’exosquelette, je pense, existera à partir du moment où il franchira la porte des maisons des individus. Donc, ça peut être la porte des personnes âgées. Tant que ça restera dans le monde du travail, on effleurera le marché. Le vrai besoin, il est quand même à la maison.

Vous constatez une plus grande demande ?

Samuel Corgne : J’ai le sentiment qu’on voit l’exosquelette comme un outil et clairement, c’est une extension du transhumanisme. Le transhumanisme, c’est l’augmentation de l’homme par la technologie. Ce n’est pas l’amélioration, c’est l’augmentation. Et augmenter les capacités physiques alors que de plus en plus de gens sont fracassés par le travail, c’est une espèce de non-sens absolu. 

C’est pour ça que j’ai pris le contre-pied et que j’ai la paternité de « l’homme préservé ». Notre exosquelette n’est pas là pour augmenter les capacités physiques de l’homme, mais il est là pour les préserver. J’essaie plutôt de trouver des dispositifs qui soulagent les gens. 

Par exemple, pour une personne âgée, pour qu’elle continue à faire un peu de jardin pendant quelques années. Vous connaissez un peu la dégringolade liée à l’âge, le diabète, la sédentarité, les problèmes de genoux, les problèmes de dos. Ça vous fiche dans un fauteuil, et après, c’est le début de la fin, d’une certaine manière. Je pense que ces exosquelettes, ce sont des petits dopages mécaniques qui permettent d’améliorer la vie quelques années : continuer à faire son jardin, pouvoir porter ses petits-enfants, etc. Surtout au niveau des genoux et du dos, ils permettent de se préserver un petit peu. Ce n’est pas pour porter plus qu’avant, c’est juste limiter le poids de l’âge. 

L’enjeu sur une diffusion BToC, c’est sur quels prescripteurs s’appuyer ?

Samuel Corgne : Nous nous sommes beaucoup appuyés sur les médecins du travail. Ça peut être des organismes comme la CARSAT, mais il y a pas mal d’évangélisation à faire au niveau de ce que sont réellement les exosquelettes. En fait, je pense que c’est le moment d’arrêter l’utilisation du mot « exosquelette ».

Vous avez pensé aux organismes de services à la personne qui pourraient, eux, l’utiliser pour leur travail ?

Samuel Corgne : C’est déjà utilisé. Il y a des secteurs où les gens ne se posent même pas la question. Par exemple, au CHU d’Alès, juste à côté d’Anduze, ils s’en servent, et en particulier, ils s’en servent vraiment beaucoup sur les blocs opératoires. Et ce n’est pas tant pour les mouvements, c’est pour les postures. Par exemple, quand ils se penchent pour avoir les yeux sur le champ opératoire pendant toute la durée de l’opération. Cette petite flexion, au bout d’un moment, tétanise le dos et ils utilisent des exosquelettes dans ce cadre-là. Il y avait aussi des organismes comme l’ADMR qui utilisent des exosquelettes.

Après, il y a des problèmes de financement, mais ça avance un petit peu. Je pense qu’en 2022, les financements seront opérationnels. Nous avons fait voler ces histoires de financement en faisant tout simplement des études scientifiques publiées, parce que sinon, tout ça reste du bla-bla de commerciaux. C’est pourquoi nous mesurons tout ce que nous faisons dans notre laboratoire interne. Je pense que ces études publiées, donc validées par les pairs, ont pour vocation d’améliorer la prise en charge financière de ce genre de dispositifs.

A propos d’ErgoSanté

En 2011, j’ai été hospitalisé 3 mois à la suite d’une hernie discale. Il m’a fallu ensuite réapprendre à marcher, c’est là que j’ai pris conscience du handicap dans le milieu du travail. C’est ainsi qu’est née ErgoSanté.

Samuel Corgne

Ergo Santé est un acteur majeur dans la distribution de matériel ergonomique et d’exosquelettes, avec 16 agences en France. Leur mission consiste à faciliter l’intégration et le maintien dans l’emploi de tous grâce à du matériel adapté et ergonomique pour préserver la santé des employés.

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