anti alzheimer

Le déremboursement des Anti-Alzheimer en question

Les médicaments anti Alzheimer ne sont plus remboursés par l’Assurance Maladie depuis le 1er août 2018. L’Assurance Maladie va faire une économie de 90 millions d’euros par an. Les malades qui souhaitent poursuivre leur traitement vont devoir débourser 30 euros par mois. Le déremboursement a été acté par la ministre de la santé Agnès Buzyn après avis de la Haute Autorité de Santé. Le débat sur l’efficacité de ce traitement fait rage depuis une dizaine d’année. Cette fois-ci, c’est le camp des opposants au traitement qui l’a emporté. Comme bien souvent dans ce type de débat, les arguments passionnels prennent le pas sur les arguments rationnels. Il m’a donc paru important de remettre les choses au clair sur le sujet en expliquant clairement la position de chaque camp.

Un petit rappel sur la maladie d’Alzheimer

  • C’est maladie neuro-dégénérative.
  • Elle affecte principalement les personnes âgées de plus de 75 ans.
  • On ne peut pas guérir la Maladie d’Alzheimer.
  • Des traitements peuvent ralentir la progression de la maladie et prolonger l’espérance de vie du malade.
  • Ces traitements utilisent des médicaments : les anti Alzheimer. Il en existe quatre
    • Donépézil,
    • Galantamine,
    • Rivastigmine,
    • Mémantine.

« Les quatre médicaments disponibles sur le marché visent à freiner l’évolution de la maladie et à réduire certains troubles du comportement. Les effets sont visibles. Les proches comme les médecins notent une amélioration « modérée mais significative », dans les activités quotidiennes, le langage, le raisonnement, la mémoire. Dans quelques cas, il y a même une amélioration durable de l’attention et de l’autonomie ! » (France Alzheimer)

Le parcours de soin du malade d’Alzheimer est précisément fléché

Le médecin généraliste qui détecte les symptômes de la maladie envoie son patient à une consultation mémoire où des spécialistes établissent un diagnostic définitif. Pour en savoir plus je vous invite à lire notre article consacré au dépistage de la maladie d’Alzheimer. Le traitement du malade est établi conjointement par les spécialistes de la consultation mémoire et le médecin de famille.

Le traitement ne se limite pas à l’approche médicamenteuse. Outre le choix de la bonne molécule anti-A, il prévoit le recours à des thérapies douces, une adaptation du domicile et la sensibilisation des proches et du malade.

La décision de ne plus rembourser les anti Alzheimer est tombée en juin 2018 après dix années de batailles d’experts.

La ministre de la santé Agnès Buzyn se base sur l’avis émis par la commission de transparence de la Haute Autorité de Santé (HAS). Le président de la commission est le médiatique professeur Olivier Saint Jean. Début 2018, le Professeur Saint jean a publié un essai qui nie l’existence même de la maladie d’Alzheimer. L’ouvrage a été opportunément publié quelques semaines avant la sortie de l’avis.

« On y lit les idées personnelles d’un personnage guidé par la reconnaissance du public faute de celle de ses pairs, aux liens d’intérêts médiatiques et dont le discours obscurantiste simpliste, donc facilement audible, nous replonge dans les époques reculées de la « démence sénile » et de la médecine contemplative. Difficile de faire entendre une autre parole dans ce contexte. » (Julien Vernaudon / Mediapart)

Déjà en 2016, la commission s’était illustrée en déclarant à propos des anti-A  : « Ils ont sûrement plus tué de patients qu’ils n’ont jamais aidé la mémoire d’autres ». Une sentence brutale et grave, en partie reprise par Agnès Buzyn, et pourtant démentie par les données de pharmacovigilance*.

Les arguments de la HAS pour dérembourser les anti-A

  1. Les anti Alzheimer sont des médicaments à visée symptomatique qui ne modifient pas l’évolution de la maladie,
  2. Existence d’effets indésirables potentiellement graves,
  3. Efficacité uniquement symptomatique, modeste (au regard des essais cliniques, la différence est significative mais faible, les intervalles de confiance sont proches sur les courbes). Evaluée sur la bases de scores (MMSE, BADLS…), avec comme critère primaire souvent l’évolution du score MMSE, soit l’impact cognitif.
  4. Données disponibles uniquement sur le court terme (la majorité des essais cliniques sont inférieurs à six mois mois et les plus longs ne dépassent pas un an,
  5. La pertinence clinique et la transposabilité en vie réelle ne sont pas assurées, de par la composition des cohortes de patients souvent plus jeunes et moins polymédicamentés, avec moins de comorbidités qu’en « vie réelle »,
  6. Les effets sur les troubles du comportement, la qualité de vie, le délai d’entrée en institution, la mortalité, la charge de la maladie pour les aidants ne sont toujours pas établis,
  7. Il n’est pas possible de vérifier si les conditions d’utilisation des médicaments, telles que définies par la Commission de la Transparence en 2011 (réévaluation attentive de la prescription à six mois, décision en réunion de concertation pluridisciplinaire au-delà d’un an) ont été mises en œuvre.

Il est possible que la HAS veuille également :

  • Faire diminuer le risque iatrogène (intoxication médicamenteuse provoquée par l’utilisation simultanée de plusieurs médicaments incompatibles).
  • Limiter les hospitalisations pour iatrogénie (troisième cause d’hospitalisation des personnes âgées).

Enfin, la perspective de faire économiser des ressources à l’Assurance Maladie, directement (médicaments) et indirectement (hospitalisations pour iatrogénie) est évidemment à mettre dans la balance.

Les arguments en faveur du remboursement des anti-A 

  1. Il n’existe pas d’autre alternative médicamenteuse à une maladie qu’on ne sait pas « guérir » et au développement inéluctable. Il est donc difficile de se passer d’une alternative thérapeutique médicamenteuse, même à efficacité minime lorsque c’est la seule. 
  2. Bien prescrits (bon moment, bonne posologie, suivi des interactions et suivi de l’évaluation selon les recommandations…), ces traitements sont efficaces.
  3. La plupart des pays frontaliers Européens recommandent ces molécules dans la prise en charge de la maladie d’Alzheimer (mais les modalités de prescriptions et suivis divergent).

Le choix de la ministre de la Santé : dérembourser

La ministre de la santé a précisé :

  • Qu’aucune donnée n’est disponible à moyen ou à long terme,
  • Que les effets sur les troubles du comportement, la qualité de vie, le délai d’entrée en institution, la mortalité ne sont pas établis.
  • Que les données accumulées depuis la commercialisation des médicaments confirment le risque de survenue d’effets indésirables parfois graves (syncopes, réactions cutanées sévères…) et/ou de nature à altérer la qualité de vie des patients (troubles digestifs, cardiovasculaires, neuropsychiatriques…).

Le problème, c’est que cette décision ne laisse aucune alternative aux malades.

Les personnes qui suivent actuellement un traitement médicamenteux risquent de l’arrêter. Soit par doute sur son efficacité, soit parce qu’ils n’ont pas les moyens de le payer.

La décision risque de dissuader les dépistages. L’absence de traitement risque de dissuader les personnes de se faire dépister. Pourtant, le diagnostic des maladies neuro-dégénératives est essentiel pour aider les malades et leurs proches.

Enfin, deux Anti-A ( rivastigmine et donépézil) ont un effet médical bénéfique sur deux autres maladies neuro-dégénératives : la maladie à corps de Lewy et la maladie de Parkinson. Le déremboursement est particulièrement problématique pour ces affectations car il n’existe pas de produit de substitution. Les psychotropes, souvent vus comme des alternatives aux Anti A ont un effet aggravant sur la maladie de Parkinson.

Je laisse au professeur Olivier de Ladoucette le mot de la fin :

« On soumet une triple peine aux malades d’Alzheimer, qui est non seulement d’avoir une maladie terrible, mais en plus on leur dit que le traitement qu’on leur propose est dangereux et inefficace, et pour ceux qui voudraient quand même persister, ils vont devoir payer la note de leur traitement » (Olivier de la Doucette, professeur psychiatre et gériatre à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière).

(*) En France, une fois les médicaments mis sur le marché, en cas d’effets indésirables graves repérés, ceux-ci doivent être communiqués aux Centres Régionaux de Pharmacovigilance par le professionnel de santé ayant détecté ces effets. Ces centres doivent faire remonter l’information à l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). Elle a pour mission de prendre les mesures nécessaires en cas de dangerosité d’un médicament. Or, aucun signal de dangerosité n’émane de cette instance. Les données de pharmacovigilance ne vont absolument pas dans le sens de la prise de position de la Commission de la Transparence. Si les traitements sont employés en tenant compte des précautions d’emploi, l’argument du péril grave ne tient pas. (Julien Vernaudon / Mediapart)

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