A qui profite la loi ELAN

A qui profite la loi ELAN ?

Dans cet édito, j’ai envie de vous parler de la décision de l’Etat d’abaisser à 10% le nombre de logements adaptés aux handicapés.

Cette disposition de la loi ELAN semble aller à l’encontre de l’intérêt général, alors pourquoi l’adopter ?

La loi ELAN (Evolution du Logement, de l’Aménagement et du Numérique) est la grande loi logement de 2018. Présentée en conseil des ministres le 4 avril 2018, elle entrera en vigueur avant l’été. Dans l’ensemble, la loi ELAN essaye de simplifier les démarches des français, comme l’atteste son préambule :

« Notre politique du logement est encore trop pensée pour les besoins d’hier, et pas assez pour ceux d’aujourd’hui, encore moins ceux de demain. Si bien que le logement, qui devrait être au service des individus, participer pleinement à leur autonomie, à leur mobilité et à leur épanouissement, est trop souvent une source de préoccupations, un frein, parfois même un obstacle. « 

Préambule de la Loi Elan

Dans le détail, la loi ELAN vise également à simplifier les démarches des promoteurs immobiliers :

  • La loi assouplira les règles d’urbanisme,
  • Elle limitera les recours abusifs contre les permis de construire
  • Les normes d’accessibilité seront simplifiées « pour envisager la conception de logements évolutifs davantage en phase avec la demande ».

Cette dernière disposition  se traduit par un abaissement la part de logements adaptés aux handicapés de 100 à 10% !

La plupart des français préfèrent habiter dans un domicile « privé que dans une institution. C’est vrai des handicapés comme des personnes âgées. Ce choix du domicile ne peut se faire qu’à condition que le domicile soit adapté à l’état de santé de son occupant. Or, un nombre important de personnes âgées ou d’adultes handicapés renoncent à leur domicile et rejoignent une institution car ils ne peuvent pas adapter leur logement.

  • Soit parce que cela coûte trop cher et qu’ils s’y prennent trop tard pour bénéficier du crédit d’impôt sur l’adaptation du domicile,
  • Soit parce qu’ils sont locataires et que leur bailleur refuse la demande de travaux nécessaires.

La loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées aurait dû permettre de remédier à ce problème.

Son article 41 impose de rendre accessibles tous les logements dans les constructions neuves (les règles d’adaptation des logements construits avant 2005 sont un peu plus complexes).

« Les dispositions architecturales, les aménagements et équipements intérieurs et extérieurs des locaux d’habitation, qu’ils soient la propriété de personnes privées ou publiques, des établissements recevant du public, des installations ouvertes au public et des lieux de travail doivent être tels que ces locaux et installations soient accessibles à tous, et notamment aux personnes handicapées, quel que soit le type de handicap, notamment physique, sensoriel, cognitif, mental ou psychique (…). Ces dispositions ne sont pas obligatoires pour les propriétaires construisant ou améliorant un logement pour leur propre usage. »

En limitant à 10% la part des logements adaptés dans le parc français, la loi ELAN réduit cette obligation à la portion congrue pour les locaux d’habitation. Pourquoi ? Et à qui cela doit-il profiter ?

La loi ELAN doit profiter aux citoyens

Selon Jacques Mezard, le ministre de la cohésion des territoires, on rencense 3% de personnes handicapées en France. Un pourcentage qui, à ses yeux, ne justifie pas de construire 100 % de logements accessibles.

Voici un ministre bien peu au fait des chiffres réels de la dépendance et du handicap. En effet, les hypothèses les plus optimistes évaluent à 12 % la part de français en situation de handicap ou de perte d’autonomie.

En outre, l’ adaptation des équipements aux personnes dont la mobilité est la plus réduite profite à tout le monde. Les aménagements réalisés pour les personnes en fauteuil roulant comme les plateforme d’autobus rabaissées, les rampes d’accès aux immeubles et les ascenseurs larges simplifient également la vie aux personnes âgées qui se déplacement difficilement, aux parents avec poussette, aux livreurs, déménageurs, touriste avec valise, etc. Adapter la ville aux citoyens les moins mobiles contribue à une meilleure circulation de tout le monde sans porter préjudice à ceux qui n’en ont pas besoin.

La loi ELAN va aussi profiter aux professionnels de l’immobilier…

La loi ELAN va directement faciliter le travail des promoteurs immobiliers. Ils auront une réglementation de moins à respecter.

La loi ELAN va indirectement avantager les organismes qui commercialisent des logements adaptés aux personnes âgées. Ainsi, on peut supposer que les résidences senior services sauront tirer avantage de la situation. Ces structures dédiées aux seniors peu ou pas dépendants offrent un lieu de vie aménagé pour répondre aux besoins spécifiques des personnes fragilisées. La capacité d’accueil en résidences services senior devrait tripler d’ici à 2020. Or, une résidence service a besoin d’être complète pour être rentable car les coûts fixes (restauration, animation, loisirs) sont mutualisés entre les résidents. Donc plus rapidement la résidence sera remplie, plus rapidement elle dégagera des bénéfices. Et dans la mesure où le parc de logements privés adaptés va se réduire, le fléchage des clients potentiels vers cette forme d’habitat devrait devenir plus aisé. Cela fait déjà plusieurs années que les promoteurs de résidences services tentent de démontrer que leur solution est la seule réponse réaliste au souhait de 90% des français de vieillir à domicile.

La loi ELAN pourrait indirectement aider les organismes de promotion de l’habitat inclusif de faire valoir leurs solutions.

L’habitat inclusif est une forme d’habitat participatif réunissant des adultes handicapés ou en perte d’autonomie. Malgré des différences structurelles ou philosophiques, ces projets ont pour points communs :

  1. Ils associent les résidents au fonctionnement du collectif,
  2. Les moyens sont mutualisés (aides à domicile, équipements, lieux de vie),
  3. Les habitats sot ouverts sur l’extérieur et favorisent les échanges,
  4. Les collectivités locales hôtes sont favorables à ces projets

Ce dernier point est important. Dans tous les cas étudiés, les collectivités locales ont été parties prenantes actives et facilitatrices. Il y a aujourd’hui dans les collectivités locales une vraie volonté de développer des services et des équipements en faveur des personnes âgées et handicapées.

Quand bien même la loi ELAN restreindrait le nombre de logements obligatoirement adaptés, il existe dans la société civile des acteurs qui souhaitent promouvoir et accompagner des projets immobiliers et de services en faveur des publics fragilisés.

Citons par exemple

  • Le club des six et Vivre en béguinage. Deux opérateurs privés qui construisent des résidences pour adultes fragilisés.
  • Le réseau de l’habitat partagé et accompagné HAPA. Il favorise le développement d’habitats partagés et accompagnés à destination de personnes vulnérables.
  • Le collectif Lachpa. Il aide et accompagne les porteurs de projets d’habitats inclusifs. Lachpa organise d’ailleurs un appel à projets destiné aux proches aidants.

La loi ELAN ne résoudra pas le problème de l’adaptation de l’ancien

L’enjeu du domicile n’est pas de construire de nouveaux logements adaptables, c’est de trouver comment adapter les logements existants.

Le neuf ne représente qu’une goutte d’eau dans le parc immobilier privé français. Les logements neufs construits depuis la loi de 2005 représentent environ 8% des quelques 34 millions de logements Français. Les autres logements, antérieurs à la loi de 2005, ne sont pas adaptés. Certains ne sont pas adaptables. Non pas qu’il soit impossible d’aménager les intérieurs, mais à quoi bon refaire une salle de bains pour un logement construit au quatrième étage d’un immeuble sans ascenseur. A quoi bon élargir les pas de porte pour une maison rurale construite loin des commerces, des infrastructures et des transports ?

L’enjeu de l’adaptation du domicile va bien au-delà de la querelle de clocher entre promoteurs et détracteurs de la Loi Elan.

Article mis à jour le 3 juillet 2019.

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