comment adapter la société au vieillissement

Comment adapter la société au vieillissement ?

L’adaptation de la société au vieillissement consiste à préparer les Français à vivre dans un monde où l’espérance de vie est élevée. Cela implique de changer notre regard sur l’âge mais aussi sur la définition de notre parcours de vie. Les étapes temporelles déterminées il y a plus de cinquante ans ne sont plus valables.

Nous devons désormais penser la vie en communauté et ne pas imaginer que la situation actuelle, et notamment l’omniprésence des aidants familiaux sont une donnée fixe.

Nous devons arrêter d’associer longévité et dépendance ainsi que retraite et inactivité.

Nous devons nclure la réflexion sur la longévité dans une réflexion plus large sur l’évolution du monde et le contexte actuel.

Il y a, vous le voyez matière à bien des réflexions. L’objectif de cet article n’est pas de poser des dogmes, mais d’ouvrir la réflexion en vous donnant des pistes pour aller plus loin. Pour m’accompagner dans cette réflexion, je vous propose de rencontrer plusieurs acteurs de la Silver économie dont les idées ont nourri cet article.

  • Nicolas Menet, le directeur général de Silver Valley, également sociologue qui publie ce mois-ci un essai consacré à la société de la longévité,
  • Catherine Marcadier Saflix, ancienne DG de France Silver Eco, elle a créé l’année dernière un cabinet qui aide le secteur de la mode à prendre en considération les attentes des seniors,
  • Bernard Jouandin, senior et entrepreneur, il est convaincu que l’adaptation de la société au vieillissement passe par le « Vivre ensemble », il nous explique pourquoi mais aussi comment il compte le démontrer avec un projet d’habitat participatif pour seniors qu’il lance dans la région Nantaise,
  • Mélissa Petit et Elodie Llobet, l’une est sociologue, l’autre experte des questions territoriales liées à l’âge. Elles m’ont consacré un entretien où nous avons longuement abordé le sujet de l’adaptation de la société au vieillissement, notamment sous l’angle des relations entre générations.
  • Jean-Philippe Arnoux, directeur Silver économie et accessibilité chez Saint Gobain, il a animé avec Hervé Meunier (Directeur de Filien ADMR) le groupe de travail lancé par la Filière Silver économie « Des Logements Adaptés pour une vie autonome ». Je l’ai croisé à plusieurs reprises autour de ce thème qui est un élément central dans la réflexion sur l’adaptation de la société au vieillissement.
  • Xavier Delahaye, fondateur de Solid’R Déménagement, il développe une activité d’accompagnateur pour aider les personnes âgées à déménager quand cela devient nécessaire, contribuant à aider ces publics à rejoindre un logement plus adapté.
  • Manon Cerdan, directrice qualité et innovation chez CetteFamille, une start-up sociale qui contribue au développement de la famille d’accueil,
  • Colette Eynard, gérontologue, elle a consacré une grande partie de sa carrière au parcours résidentiel des seniors et à l’habitat groupé, un sujet sur lequel elle est incollable (et incontournable),
  • Luc Broussy, Président de France Silver Eco et de la filière Silver économie, il est l’auteur d’un rapport qui, en 2013 a posé les bases de l’adaptation de la société au vieillissement, incomplètement reprises dans la loi ASV de 2015.
  • Stéphane Sauvé, fondateur de Rainbold Society, il envisage d’ouvrir La Maison de la diversité, un habitat partagé pour seniors LGBT.

Les piliers de l’adaptation de la société au vieillissement

Dans la carte mentale que je vous propose de découvrir, j’ai rassemblé les grands thèmes qui me semblent essentiels à une réflexion sur les modalités d’adaptation de la société au vieillissement.

Parcourons ensemble les branches principales de la carte mentale.

Changer l’image du senior

Alors que, de nos jours, la vieillesse peut être une période de maturité sereine, de désaliénation, de liberté d’expression et d’action, alors que nos vieux sont des soutiens de famille moraux et financiers incontournables, leur immense valeur ajoutée continue à être refoulée en raison de l’âgisme.

Nicolas Menet
Pour une société qui aime ses vieux, Le Parisien du 28 avril 2019

Pour adapter la société au vieillissement, il est nécessaire que nous fassions évoluer nos mentalités et notre perception de l’âge. C’est un travail de longue haleine, qui devra débuter dès l’école.

En effet, j’ai le sentiment que notre perception de l’âge et de l’espérance de vie sont intimement liée à la façon dont ces sujets nous ont été enseigné sur les bancs de l’école.

Pour adapter notre société au vieillissement, je pense que nous devons réfléchir à l’image du senior et aux préjugés que nous avons aujourd’hui à propos des seniors.

Article pour aller plus loin : Un entretien exclusif avec Nicolas Menet à propos de la société de la longévité .

Changer notre rapport au travail

J’ai un problème avec l’âge de départ à la retraite. Ce n’est pas un problème comptable, comme celui qui oppose ceux qui disent qu’il faut travailler plus et ceux qui sont arc-boutés sur l’âge légal de 60 ans.

Non, mon problème, c’est que l’âge de départ à la retraite trace une frontière invisible mais bien réelle entre les actifs et les inactifs.

Devenir retraité, c’est perdre le statut d’actif pour celui d’inactif.

Voilà des décennies qu’on nous répète que la retraite se prend à 60 ans. Qu’à 60 on est vieux et qu’on a droit de se reposer après une vie de labeur. Que ce repos, c’est un droit inaliénable et que tout le monde devrait s’estimer heureux de pouvoir en profiter.

Oui mais dans les faits, ce n’est pas toujours le cas. Tout le monde n’a pas ENVIE de prendre sa retraite à 60 ans. Tout le monde n’a pas ENVIE de s’arrêter de travailler… et tout le monde n’a pas non plus les moyens de le faire vraiment.

La retraite à 60 ans a été inventée à une époque où l’espérance de vie était beaucoup plus courte et le travail beaucoup plus pénible.

On prenait une retraite à taux plein ou presque et on en profitait pendant cinq ou sept ans. Et tout cela semblait normal.

Je ne nie pas le droit à chacun de partir à la retraite, mais je remets en question le fait d’imposer un âge de départ.

Je rêve d’un France qui, à l’instar du Québec ou du Brésil, libéraliserait l’âge de départ à la retraite. Pas seulement pour une question d’activité, mais aussi parce que cet âge de la retraite à 60 ans joue un rôle de couperet entre la période où l’on est actif et celle où on ne doit plus l’être.

Je prends cette position pour quatre raisons :

  • Une raison financière : la décote actuelle entre le dernier salaire d’activité et la pension de retraite est en moyenne de 23%, et encore, c’est pour les gens qui peuvent prendre une retraite à taux plein. Tout le monde n’a pas les moyens de prendre sa retraite. Pourquoi nous obliger à le faire si nous souhaitons et pouvons continuer à travailler ?
  • Une raison de longévité : À l’époque où la retraite a été créée, elle durait en moyenne cinq à sept ans. Aujourd’hui, un retraité de 65 ans a une espérance de vie de 23 ans en moyenne. Il n’a pas nécessairement envie de passer cette double décennie à glander au bord de sa piscine, pourquoi lui interdire de travailler s’il le souhaite ?
  • Un raison d’équité : il y a des activités qui ne sont pas interdites aux personnes âgées. Les fonctions électives notamment. Pourquoi limiter l’accès au travail à certaines activités ?
  • Une raison de liberté : chacun a le droit de décider s’il est apte à continuer à travailler (à condition que le médecin du travail l’atteste, bien sûr).

Adapter notre cadre de vie au vieillissement

Adapter le cadre de vie, cela peut se faire de deux manières.

On peut adapter le cadre de vie des personnes âgées quand le besoin se fait sentir.

C’est la politique actuelle. Elle a le mérite d’exister mais elle a de nombreuses limites. Parmi ces limites citons notamment :

  • La méconnaissance des adaptations nécessaires par les personnes âgées concernées,
  • Des questions de budget,
  • Une carence de professionnels formés et informés,
  • Un écart monstrueux entre ce qui doit être fait et ce qui est réalisé chaque année.

L’Agence nationale de l’habitat (Anah) évalue à deux millions le nombre de logements qui auraient besoin d’être adaptés du fait de l’avancée en âge de leurs occupants et à 40 000 le nombre de logements adaptés chaque année.

Actuellement, la CNAV estime que seulement 6% des logements des personnes âgées sont adaptés à leurs fragilités actuelles ou futures. Dans ces conditions, difficile de permettre à 90% des seniors de vieillir chez eux.

L’adaptation des espaces de vie ne se limite pas à l’habitat, il faut également penser au territoire sur lequel il est construit et aux transports qui le desservent. Il faut également penser à tout le reste. Adapter la société au vieillissement, c’est avoir une approche globale des choses qui devront être adaptées pour répondre aux besoins spécifiques des personnes âgées.

Il y a toutefois une manière plus douce d’y parvenir, c’est de commencer à adapter le cadre de vie aux plus fragiles tout en répondant également aux attentes des autres. C’est ce qu’on appelle le design for all ou design universel.

On peut adapter le cadre de vie à tous en faisant du design for all

Je vais vous prendre trois exemples.

  1. Les plateformes de bus rabaissées : auparavant, pour monter dans le bus il fallait passer une volée de marches. Depuis quelques années, les plateformes sont rabaissées pour permettre aux personnes à mobilité réduite de monter dans le bus. Cette évolution permet aux PMR de monter dans le bus mais elle rend également service à tout le monde et ne nuit à personne.
  2. Les trottoirs atténués aux passages cloutés : auparavant (et c’est encore le cas dans certains pays), les trottoirs n’étaient pas rabaissés au niveau du passage clouté ce qui rendait la traversée complexe pour les personnes à mobilité réduite. Le rabaissement des trottoirs facilite la circulation pour les PMR et toutes les personnes qui tirent ou poussent un objet à roulettes (caddie, valise, poussette, trotinette…),
  3. La lampe Lumaïna : Cette lampe développée par la société Aïna a été conçue pour répondre aux besoins spécifiques des personnes âgées en Ehpad mais elle se révèle adaptée aux besoins de bien d’autres personnes, âgées ou non, et peut être adoptée par tout un chacun (je vous invite à découvrir comment cette lampe a été conçue dans mon entretien avec Florence Mathieu).

Articles pour aller plus loin :

Présenter la longévité comme un atout

Il y a un gros travail de communication à réaliser pour gommer l’image erronée de la vieillesse.

Il faut absolument arriver à changer le logiciel et ne plus présenter le grand âge comme celui de la dépendance et de la maladie.

L’une des manières d’y parvenir serait de ne plus séparer dépendance et handicap dans les politiques publiques (on rappelle que la seule différence entre les deux, c’est l’âge du bénéficiaire, selon qu’il a plus ou moins de 60 ans) ou même dans les modes de prise en charge.

Articles pour aller plus loin :

Adapter la société au vieillissement en développant le vivre ensemble

Le rapport Broussy de 2013 se veut un « Pacte Social entre les générations ». L’adaptation de la société au vieillissement passe nécessairement par l’acceptation du vieillissement comme quelque chose de normal et de sain.

Cela implique de sortir de l’image « vieux = dépendant », mais aussi de dépasser les rapports parfois caricaturaux qu’on range sous l’appellation intergénérationnelle.

Je pense qu’il faut développer les relations intergénérationnelles mais qu’il faut aussi arrêter la surenchère et la caricature. Il y a déjà plusieurs générations qui se côtoient chez les seniors, il faudrait peut-être commencer par leur permettre de développer des relations entre eux sans pousser l’intergénérationnel à ouvrir une crèche dans chaque Ehpad ou créer des immeubles intergénérationnels pour réunir les étudiantes et les octogénaires.

Non pas que ces idées ne soient pas intéressantes, mais elles ont un petit quelque chose de caricatural qui fait surtout rêver ceux qui n’y sont pas confrontés.

Dans les faits, il y a très peu de projets intergénérationnels « extrêmes » qui fonctionnent. Par exemple, il y a à peine 1000 cohabitations intergénérationnelles seniors – étudiant en France.

C’est pourquoi je préfère le concept de Vivre Ensemble qui a le mérite de ne pas conditionner les expériences communautaires à l’âge des cohabitants.

Articles pour aller plus loin

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