Vieillir en afrique

Vieillissement en Afrique, l’état d’urgence !

Oubliez tous les fantasmes que vous aviez sur le vieillissement en Afrique. Découvrez comment le continent se prépare à la transition démographique. Dans ce dossier, l’équipe de Sweet Home vous dit tout sur les enjeux et perspectives du vieillissement, dans une région du monde que nos contemporains contemplent trop souvent avec des lunettes de Bisounours.

En Occident, et tout particulièrement en Europe, l’image du vieillissement sur le continent africain est faussée par la persistance des deux mythes de la jeunesse et de la solidarité.

Les mythes sur le vieillissement en Afrique

L’ensemble de nos médias renforce cette idée d’une population uniquement jeune. Ils faussent notre perception en nous imprégnant d’une vision où les femmes et les hommes qui atteignent la force de l’âge s’évanouissent, faute d’être plus abondamment représentés.  

Le second mythe, encore plus ancré dans les esprits que le premier, est celui de la solidarité africaine en regard de l’individualisme des sociétés occidentales. C’est le mythe de la personne âgée centrale, respectée, objet de tous les égards. D’une solidarité familiale robuste, établie culturellement et indéboulonnable, symbole d’une identité africaine essentialisée, s’opposant à la vieillesse occidentale incarnée par ses maisons de retraite.

Mais ce sont deux idées reçues qui ne résistent pas à l’épreuve des faits. L’opposition Occident – Afrique est loin d’être aussi prononcée que l’on s’imagine. Il importe donc de déconstruire ces fictions par l’examen des études et des chiffres, et de parvenir à une analyse et une vision raisonnées du vieillissement ; à une meilleure maîtrise de la transition démographique particulière à l’Afrique.

Vieillissement de la population et dépendance

L’espérance de vie augmente dans le monde entier depuis plusieurs décennies. En Europe, elle a commencé sa croissance avec la révolution industrielle. Les leviers d’amélioration sont :

  • Les progrès médicaux et sanitaires,
  • La facilité d’accès à ces progrès,
  • La diversification des régimes alimentaires,
  • et la diminution de la pénibilité du travail.

Ces progrès touchent également l’Afrique. Leur arrivée sur le continent a été plus tardive et l’évolution de l’espérance de vie plus rapide. L’allongement de l’espérance de vie sur le continent africain n’est pas uniquement lié à la très forte natalité et au recul de la mortalité infantile. Les facteurs cumulés de l’amélioration de la situation sanitaire pour tous les âges de la vie et du recul de la pénibilité du travail ont également fortement contribué à ce que les personnes âgées vivent plus longtemps.

Les chiffres de la Banque Mondiale sont sans appel. En vingt ans, de 1995 à 2015, l’espérance de vie est passée de :

  • 77 à 81 ans en France, soit 4 ans
  • 68 à 74 ans en Afrique du Nord, soit 6 ans
  • 50 à 61 ans en Afrique Subsaharienne, soit 11 ans

Or, comme partout ailleurs, qui dit vieillissement, dit perte d’autonomie et dépendance.

Old-Age Dependency Ratios, AFRAN Network - The Oxford Institute of Population Ageing, 2013
Old-Age Dependency Ratios, AFRAN Network – The Oxford Institute of Population Ageing, 2013

Ainsi, la population âgée commence à augmenter et avec elle commencent à se poser des problèmes qui, par un temps, étaient étrangers au continent. L’attraction des pôles urbains, par exemple, qui concentrent le développement économique (mais également sanitaire et social) et l’isolement des zones rurales est un phénomène récent, avec des conséquences fortes sur les populations âgées. C’est un changement de paradigme auquel le continent n’est pas préparé.

Lire aussi : Comment calculer l’espérance de vie

Isolement des zones rurales et délitement des solidarités familiales

A côté de cette évolution démographique caractérisée par l’augmentation de la population jeune et le vieillissement accéléré de la population actuelle, les rapports intergénérationnels sont en pleine mutation.

La prise en charge des personnes âgées par leur famille est en train de disparaître en Afrique. Les actifs adoptent par rapport à leurs aînés les mêmes comportements qu’en Europe. La personne âgée n’est plus considérée comme un sage mais comme un poids.

Si vieillissement rime ordinairement avec dépendance, on assiste paradoxalement à un délitement des solidarités familiales et à l’émergence de situations souvent préoccupantes comme l’isolement des personnes âgées, surtout en milieu rural. Auparavant, les personnes âgées étaient considérées comme une ressource et non pas comme un problème ou un poids. Les familles en prenaient soin et s’en occupaient. Aujourd’hui, les choses ont changé. De nombreuses familles se transfèrent des campagnes vers les villes. Leurs anciens ne veulent pas se déplacer et demeurent seuls dans les villages.

Plus dramatique encore, l’apparition de situations extrêmes comme des cas trop fréquents de violences faites aux femmes âgées. HelpAge International s’est alarmé de cas en Tanzanie et l’OMS en Afrique du Sud. On déplore aussi des situations d’abandon de personnes âgées (citons ce cas de maison de retraite construite à Huambo, en Ouganda, par les frères capucins pour des personnes âgées abandonnées à la périphérie de la ville).

Dans un contexte où peu d’aînés bénéficient d’une retraite, l’arrêt d’activité n’est pas marqué. Ce sont le plus souvent les conditions de santé qui déterminent la participation à la vie économique et sociale d’une personne âgée.

Lire aussi : Comment bien vieillir au Congo Kinshasa

La plupart de ces seniors cessent progressivement de travailler au fil de l’amoindrissement de leurs forces, ou plus brutalement si un problème de santé survient. Et lorsque la maladie vient s’en mêler…

Répercussions du VIH sur les personnes âgées

L’Afrique est le continent le plus violemment touché par l’épidémie du SIDA. Cette situation est connue. Ce que l’on sait moins, en revanche, c’est que les personnes âgées sont triplement affectées par cette maladie. Physiquement. Mais aussi socialement, et économiquement.

D’abord, l’infection et la thérapie antirétrovirale exacerbent toute une gamme de maladies qui surviennent chez les personnes âgées, notamment les maladies cardiovasculaires, le diabète et l’ostéoporose.

De plus, les difficultés d’accès aux soins du fait de systèmes et réseaux de santé limités ne favorisent pas la prise en charge des malades.

Ensuite, beaucoup de personnes âgées se retrouvent contraintes d’élever leurs petits-enfants quand leurs enfants décèdent du VIH. En Afrique du Sud, où presque une personne sur cinq est séropositive, le lien entre les personnes âgées et les jeunes est particulièrement intime. Le pays compte environ 3.7 millions d’orphelins – dont la moitié ont perdu leurs parents à cause du SIDA – et 8 pour cent de tous les enfants sont élevés par leurs grands-parents.

Enfin, les personnes âgées qui sont souvent économiquement dépendantes de leurs enfants sont particulièrement vulnérables lorsque tous les enfants sont morts du SIDA. Ainsi, lorsqu’on est malade, lorsqu’on doit élever des petits-enfants et/ou lorsqu’on est affaibli économiquement, le VIH vient superposer des strates de complexité au problème parfois déjà compliqué du bien vieillir. Loin d’être anecdotique, cette question tend à devenir centrale pour plusieurs états d’Afrique australe.

Politiques publiques inégales et fragiles

Déclaration tripartite de Yaoundé sur la mise en œuvre du Socle de Protection Sociale et Plan d’action international de Madrid sur le vieillissement attestent de la prise de conscience du problème de la « gérontocroissance » par les états africains. Cependant, et exception faite des pays qui ont mis en place un régime de retraite universel, la question de l’adaptation de la société au vieillissement n’est pas à l’agenda des gouvernements africains. Malgré l’amélioration de la longévité, la population africaine est très jeune (la part des moins de vingt-cinq ans y est prépondérante), ce qui explique en partie la difficulté à opérer la bascule.

Les systèmes de retraite et de protection sociale ne touchent qu’une partie minime des besoins. La santé publique et l’offre de soins en général sont loin d’amener la santé à la portée de tous. Les personnes âgées dépendantes n’ont que peu accès aux soins de santé moderne. En l’absence de politique publique spécifiquement dédiée aux seniors, il reste usuel pour l’heure de se reposer exclusivement sur ses proches dans la vieillesse. Les systèmes de soutien familiaux se construisent autour des descendants et d’autres proches, mais sont en recul. Les états peinent à compenser ce phénomène.

Pour expliquer cette absence de politique, il faut comprendre également qu’il y a une méconnaissance locale et internationale des évolutions démographiques. De nombreux états ne disposent tout simplement pas de données fiables ou complètes pour évaluer les besoins de leur population. Comment mettre en place des politiques publiques en l’absence de données démographiques et statistiques précises ?

Comment résoudre une équation dont on ne connaît pas les inconnues ?

La connaissance factuelle du phénomène reste l’un des enjeux du vieillissement de la population en Afrique.

Silver Géographie du continent africain

En lien direct avec les politiques publiques déployées, les conditions de vie des aînés sont extrêmement contrastées d’un bout à l’autre du continent. Dans la plupart des pays, l’ensemble des personnes âgées ne bénéficie, à l’heure actuelle, d’aucune politique publique de soutien. On peut néanmoins délimiter quatre « silver-zones » susceptibles de refléter le contraste du continent.

Une première zone part de l’Afrique du Sud (où la situation est parmi les meilleures), regroupe les états d’Afrique Australe et remonte vers l’Éthiopie (l’ambitieuse, nous y reviendrons), en passant par le Kenya (ce qui correspond en gros l’Afrique anglophone, mais pas exclusivement). Elle comporte des situations et des maturités inégales, mais existantes. Il faudrait encore rajouter le Nigeria dans cet ensemble.

A l’île Maurice, en Afrique du Sud et dans quelques autres états de ce premier ensemble, tous les citoyens de plus de 60 ans ont droit à une retraite minimale, et ce, même en l’absence de cotisations. Citons par exemple l’Older Persons Cash Transfer (OPCT), projet pilote d’allocation vieillesse au Kenya, ou encore le Social Assistance Grants for Empowerment (SAGE), programme d’assurance vieillesse en Ouganda, qui est cité en exemple un peu partout dans l’écosystème des ONG, bien que l’on peine à trouver un bilan neutre et impartial du programme.

Cet ensemble se distingue aussi des trois autres parce qu’il est le seul où les seniors représentent une population convoitée, avec parfois un pouvoir d’achat élevé.

La deuxième zone correspond au monde arabe et s’étend sur tout le Maghreb et l’Égypte, où la situation est intermédiaire, mais en réel progrès. Au Maghreb, les régimes contributifs couvrent partiellement la population. Les situations sont contrastées, avec une couverture qui ne concerne que 20 à 38 % des personnes de plus de 60 ans. Il y existe aussi de fortes disparités au niveau infranational. Au Maroc par exemple, où le poids relatif des 60 ans et plus sera équivalent dans 30 ans à celui de la population âgée en France aujourd’hui, une très faible part des personnes âgées résidant en milieu rural (et des femmes en général) perçoit actuellement une pension de retraite.

La zone qui correspond à l’Afrique noire francophone forme le troisième ensemble. On y constate des avancées notables. Le Sénégal, par exemple, a déployé le plan SESAME, qui a pour mission d’assurer aux sénégalais âgés de 60 ans et plus une prise en charge des soins de santé éligibles, au niveau des structures de santé publiques. Le Burkina Faso a quant à lui mis en place un système de retraite par répartition, même si le pays rencontre des difficultés de financement en raison du faible nombre de cotisants. Le système connaît aussi des difficultés administratives liées aux différences de statuts entre les agents d’états et les bénéficiaires des autres régimes. Des avancées aussi en Côte d’Ivoire, qui se heurtent au problème du financement. Le coût d’un système universel de retraite minimale y serait équivalent et en concurrence avec le budget de la santé publique, conduisant parfois à des arbitrages délicats.

Enfin, le reste du continent forme la quatrième « silver-zone », de loin la plus fragile. La mise en place d’un système de retraite nécessiterait pour le Cameroun, à titre d’exemple, de mobiliser 10% de ses recettes fiscales. Signalons d’importants efforts au Burundi, au Malawi.

Au global, l’accès à un revenu minimal est loin d’être garanti. Seuls quelques pays ont mis en place un système de retraite non contributif. Sur la plus vaste partie du continent, la grande majorité des personnes âgées ne bénéficient pas de pension de retraite.

Mégalopoles et Smart Cities

La ville est au cœur de toutes les préoccupations africaines. Dans l’équation tripartie qui associe développement des infrastructures, essor économique et progrès socio-sanitaires, l’urbanisation occupe une place centrale. Maîtriser l’urbanisme reste en effet la meilleure façon de canaliser la croissance, car les villes africaines explosent littéralement. Le Caire (7e ville par sa population au classement mondial), Lagos, Gauteng (Johannesbourg-Prétoria), Kinshasa, Luanda, Khartoum, Alger, Nairobi, Ibadan, Dar es Salam, Accra et Alexandrie. Au total 12 agglomérations africaines dépassent les 5 millions d’habitants (contre 9 en Europe de l’Ouest et de l’Est réunies).

Alors que deux individus sur trois seront citadins en 2050 – contre un sur deux actuellement – 60 % de la population africaine résidera en métropole, contre 39 % aujourd’hui, d’après l’ONU-Habitat.

Les plus grandes zones urbaines par population – Africapolis
Les plus grandes zones urbaines par population – Africapolis

Confrontés à cet immense défi, les pouvoirs publics africains mettent la « ville intelligente » au cœur de leur stratégie, pour concilier urbanisation, révolution numérique et durabilité. C’est ainsi que le Sommet Afrique-France pour les villes et les territoires durables de juin 2020 se consacre à des sujets comme la lutte contre l’isolement des personnes âgées enclavées à l’extérieur des zones urbaines. Il est nécessaire de repenser la ville africaine (et française) de manière durable. Construire des territoires inclusifs. Concrètement, on parle d’extension de l’électrification des villes, conduisant à plus de mobilité, d’accès abondants à internet, de numérisation des échanges, de mesures et de données.

Aujourd’hui par exemple, la digitalisation et les fintechs apportent une infrastructure financière qui permet le désenclavement des zones rurales – et notamment des personnes âgées qui y sont recluses. On pense à la célèbre Konza Technology City, baptisée « Silicon Savannah », de Nairobi, au Kenya ; une ville nouvelle entièrement dédiée à la technologie. Avec des start-up, des bureaux, des universités mais aussi des logements. Cette prise de conscience s’est également concrétisée par le lancement en 2014 de l’Alliance Smart Africa sous l’égide du président rwandais Paul Kagamé.

Kigali Innovation city, une autre cité numérique destinée elle aussi à accueillir les leaders mondiaux du secteur, un incubateur, une université américaine… et à transformer la capitale rwandaise en un véritable pôle numérique régional. La course à l’innovation est plus que lancée entre le Kenya et le Rwanda.

Concernant notre sujet du vieillissement, citons encore l’Etat mauricien qui fait appel aux investisseurs privés pour ses « smart cities. » Elles comportent un large volet d’aménagement du territoire et de création de maisons de retraites. De belles perspectives business pour les investisseurs européens.

Dans l’écosystème des smart cities, on pourrait citer également des programmes plus modestes de gérontologie environnementale (architecture) comme le village de retraite en Côte d’Ivoire conçu par la japonaise Emi Kiyota.

Last, but not least, nous devons évoquer les programmes de logements sociaux et seniors et de nouvel urbanisme en Éthiopie où le Premier Ministre entend faire d’Addis-Abeba le nouveau Dubaï.

Retour des cerveaux, initiatives pour la coordination, et émergence de plateformes

On l’aura compris, la question du bien vieillir en Afrique est étroitement liée à l’essor économique du continent. C’est une condition nécessaire au développement d’infrastructures physiques et numériques.

Tout aussi important est le rôle des villes qui permettent de désenclaver les territoires isolés, à commencer par les populations âgées. L’un des enjeux du boom digital reste donc de suppléer aux manquements de l’économie traditionnelle. La tendance actuelle du retour en Afrique « des cerveaux » plaide en faveur d’une opportunité de développement pour les pays africains émergents. Selon Jacana Partners, une société panafricaine de capital-investissement, près de 70% des étudiants africains ayant obtenu un MBA dans les dix meilleures écoles américaines et européennes prévoient de rentrer chez eux et de travailler en Afrique après l’obtention de leur diplôme. Une autre étude montre que neuf doctorants africains sur dix étudiant à l’étranger envisagent de travailler sur le continent.

Parmi les indicateurs qui sont au vert, il y a aussi les initiatives pour la coordination des secteurs privés et publics qui se multiplient.

Ainsi par exemple, l’organisation Access Accelerated met en œuvre des solutions évolutives et durables contre les maladies non transmissibles (comme les maladies cardiovasculaires, le cancer, les maladies respiratoires chroniques et le diabète) qui touchent beaucoup les personnes âgées. Elle déploie son action dans les pays à revenu faible et intermédiaire en aidant les secteurs public et privé à mieux travailler ensemble.

Enfin, comment ne pas citer l’émergence de plateformes et nouveaux services numériques à la personne. La technologie permet, comme en Europe, de connecter les personnes âgées aux soignants professionnels. Citons Greymatecare, au Nigeria, une startup sous forme de plateforme web de demande de services auprès de personnes âgées.

Montée en puissance du secteur associatif

En complément de ces avancées économiques et numériques, il reste indispensable pour une meilleure inclusion de défendre la représentation des personnes âgées dans toute sa diversité, urbaine et rurale. La mobilisation des personnes âgées au Burkina Faso, en tant que catégorie d’intérêts face aux orientations de la politique de la vieillesse, est un cas d’école en la matière. Depuis une dizaine d’années, on observe en milieu urbain burkinabè l’émergence d’un secteur associatif de promotion et de protection des personnes âgées.

Les associations de personnes âgées au Burkina Faso sont dans une démarche de négociation d’un « droit à jouer » ou de constitution d’un groupe de défense des intérêts de la vieillesse, d’un « pouvoir gris ». Il existe en effet dans ce pays un hiatus entre la situation sociodémographique des personnes âgées dans son ensemble et les associations de protection et de promotion de ces personnes. Vivant en milieu rural, ne bénéficiant ni de pensions de retraite, ni de représentations institutionnelles, une part non négligeable de « vieux » et « vieilles » sont invisibles aux yeux des ministères en charge de la politique de vieillesse et se voient dépendantes d’un contrat intergénérationnel qui, loin d’être figé, est sans cesse négocié et renégocié.

Cette invisibilité se trouve d’ailleurs renforcée par l’absence de recherches et d’interventions de la part des acteurs nationaux et internationaux en direction de ces personnes. L’assise territoriale des associations de personnes âgées étant exclusivement urbaine, les préoccupations qu’elles soulèvent relèvent essentiellement de l’espace urbain. Les retraités ayant initié cette dynamique associative peinent, à l’heure actuelle, à prendre en compte l’ensemble de la population âgée. Ils se sont positionnés au plus près des instances de décisions (conseils municipaux, provinciaux, régionaux, Conseil économique et social, etc.) et se retrouvent dans la position d’interlocuteurs incontournables sur les questions ayant trait à la vieillesse au Burkina Faso.

Dans un passé très récent encore, la présence d’associations ou d’acteurs internationaux était quasiment inexistante dans le pays. Mais à présent la structuration du milieu associatif de promotion et de protection des personnes âgées au Burkina Faso évolue. En l’espace de dix ans, le nombre d’associations œuvrant en faveur des personnes âgées a quadruplé, permettant l’émergence d’une représentativité plus générale.

La présence d’une ONG comme HelpAge International, qui traite explicitement des personnes âgées, a appuyé les ministères chargés des questions relatives aux personnes âgées dans leurs ouvertures vers les aînés non urbains.

Papy-boom africain et Cosmobiles

Enfin, pour parfaire ce tour d’horizon du bien vieillir en Afrique, il faut évoquer la grosse tendance contemporaine des retraités transcontinentaux. Depuis quelques années, on assiste à une accélération du phénomène des Européens qui choisissent de passer leurs vieux jours sur le continent africain – les experts parlent de « Papy-boom africain ».

Cette attractivité de l’Afrique s’explique par la qualité des offres et solutions intéressantes pour l’accueil des seniors européens, qu’il s’agisse de jeunes retraités ou de personnes dépendantes. Le continent africain est la première terre d’exil du troisième âge hors d’Europe, avec une préférence pour les pays du Maghreb, le Sénégal et l’île Maurice. L’Afrique est même devenue le deuxième continent d’accueil.

Avec 40 % du 1,15 million de retraités français qui résident à l’étranger, elle talonne désormais l’Europe (50 %), selon les chiffres 2017 de la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV). Les autres continents — Amériques, Asie et Océanie — arrivent bien loin derrière et se partageant les 10 % restants.

La tendance au départ est à la hausse.

En quarante ans, la proportion de retraités français résidant à l’étranger a quasiment doublé, passant de 4,6 % en 1980 à 8,2 % fin 2017. Et encore, cette donnée ne comptabilise que ceux dont le versement des indemnités est domicilié hors de France. S’y ajoutent donc tous ceux, invisibles dans les statistiques, qui touchent leur retraite en France et passent jusqu’à la moitié de l’année à l’étranger. Ainsi, une offre « Papy-Boom » se développe sur le continent africain, notamment en Tunisie.

Le groupe Carthagea convertit les hôtels clubs de la côte tunisienne en maisons de retraite médicalisées. À Hammamet, par exemple, on propose un accueil dédié pour les publics dépendants à 2600 euros par mois.

Le tarif prend en compte deux allers-retours pour les proches qui bénéficient d’un tarif préférentiel en résidence hôtelière. Mais surtout, là où l’offre est intéressante, c’est qu’elle prévoit un ratio d’un aidant par résident, avec une mobilisation 24 heures sur 24. Porteur de ce projet, Alexandre Canabal prévoit d’ouvrir d’autres établissements pour répondre aux demandes, mais il a besoin de former du personnel. Dans un entretien avec le journal Jeune Afrique, il déclare : « Nous avons recruté tout le personnel disponible de la région et leur avons dispensé une formation spécifique conforme à nos besoins en gériatrie, une expertise qui n’existait pas jusque-là en Tunisie ».

Il existe aussi une population qui remet en cause la division entre pays d’émigration et pays d’immigration qui, jusque-là, était bien ancrée dans les représentations. Les « Cosmobiles », ou « Cosmopolitains mobiles », incarnent l’un des nouveaux visages de la mondialisation où se confondent migration, déplacements et mobilité.

Arrêtons-nous sur le cas de ces ouvriers sénégalais qui ont passé 30 ou 40 ans dans les usines du Bordelais. Parvenus à l’âge de la retraite, ils vivent autant en France qu’au Sénégal. Pour ces hommes, les frontières entre pays d’immigration – la France – et d’émigration – le Sénégal – se brouillent. Ces circulations et installations par intermittence ici et là-bas ont ainsi des effets sur leurs manières de concevoir leur vieillissement.

Les pratiques quotidiennes de ces « Sénégalais » retraités mobiles se complexifient en termes de rapports aux corps, à l’alimentation, à la maladie ainsi qu’à la citoyenneté tout en s’inscrivant dans le cadre de la globalisation.

Perspectives pour la Silver Économie

Pour conclure, rappelons que l’Afrique dans sa globalité est une vue de l’esprit. Le continent est vaste et les situations sont très hétérogènes.

Néanmoins, l’ensemble de ce territoire est parcouru par un dynamisme économique et social particulier, et la question du bien vieillir ressort nettement comme une préoccupation majeure des différents états qui composent le tissu africain.

Le vieillissement en Afrique offre de nombreux débouchés pour les experts français de la Silver économie. Forts de leur expertise développée en France, nos entrepreneurs peuvent apporter une énorme valeur ajoutée aux projets africains.

Quiconque fera le pari de l’Afrique trouvera un marché à fort potentiel et une main d’œuvre importante. L’adaptation de la société africaine au vieillissement a tout d’un marché de rêve pour les entrepreneurs français de la Silver économie.


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1 réflexion sur “Vieillissement en Afrique, l’état d’urgence !”

  1. Je suis africaine et j’ai été sidérée en lisant cet article.
    Pas vrai du tout ça.
    Nous avons contrairement aux occidentaux une éducation familiale bien différente.
    La personne âgée compte énormément et est gage de connaissance, respect et d’union entre les plus jeunes.
    Les rares cas de maltraitance dont vous faites cas sont des spécificités qui surement ont un justificatif.
    Ca ne s’aurait contredire la grande union familiale que nous avons chez nous.
    J’ai été en France et le constat de la discrimination des personnes âgées est tellement sidérant!
    Les maisons de retraite, un mouroir

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