Professionnalisation de l’habitat partagé : Pourquoi est-ce crucial ?

Depuis 2021, le nombre de projets d’habitats partagés et accompagnés a augmenté grâce aux financements publics. Ces projets doivent être professionnalisés pour devenir durables. Professionnaliser ce secteur, c’est former les équipes et établir des normes de qualité. En investissant dans ce secteur, nous pouvons assurer sa croissance et le bien-être de la communauté.

Le rapport publié par l’Observatoire de l’habitat inclusif en octobre 2022 faisait état de 15 716 bénéficiaires de l’Aide à la Vie Partagée (AVP) et 1657 projets recensés, dont 997 projets nouveaux, c’est-à-dire créés depuis le lancement de l’AVP en 2021. Cette créativité est stimulée par les nombreux concours et financements publics organisés sur tout le territoire.

Bien que la CNSA, la Caisse des Dépôts et le gouvernement se réjouissent d’une telle effervescence autour de l’habitat partagé, plusieurs décideurs publics et privés s’inquiètent cependant de la pérennité de certains projets et doutent qu’ils ne voient jamais le jour. La question qui se pose est de savoir s’il s’agit d’une majorité ou d’une minorité de projets. Et, en creux, je m’interroge sur le professionnalisme des porteurs de projets. Les concours invitent tous les entrepreneurs à se lancer dans l’aventure, avec une mise de fonds dérisoire pour un projet immobilier. Ils vont donc attirer des profils divers, variés, mais peu de professionnels de l’habitat partagé.

Pourtant, la question de la professionnalisation de ce secteur naissant est cruciale et nécessite une réflexion minutieuse. Il est important de garantir que les individus travaillant dans ce domaine possèdent les compétences et l’expertise nécessaires pour fournir des services de haute qualité.

Cela peut être réalisé par divers moyens, tels que l’offre de programmes de formation, l’établissement de normes de l’industrie et la fourniture d’opportunités de mentorat.

En investissant dans le développement de ce secteur, nous pouvons nous assurer qu’il continue de croître et prospérer, profitant à la fois aux personnes qui y travaillent et à la communauté dans son ensemble. Il est également important de dialoguer et de collaborer régulièrement avec les parties prenantes pour garantir que le secteur soit sensible aux besoins et aux défis en évolution.

Dans cet article, je vais vous expliquer dans le détail pourquoi cette professionnalisation est indispensable et comment l’accompagner.

Professionnalisation de l’habitat partagé

Dans le développement de l’offre actuelle, on constate un écart entre le nombre de projets et la professionnalisation des porteurs de projets. Quelle que soit la manière dont on analyse le marché actuel, la plupart des porteurs de projets en habitats partagés ne sont pas des professionnels de la gestion d’un habitat partagé.

Cette contradiction pose question parce qu’un habitat partagé, cela ne se gère pas comme une association d’entraide, cela ne se gère pas non plus comme un village de vacances, un hôtel ou un gîte rural.

La professionnalisation de l’habitat partagé

Dans le développement de l’offre, on constate un écart entre le nombre de projets et la professionnalisation des porteurs de projets. Il est évident que la plupart des porteurs de projets en habitats partagés ne sont pas des professionnels de la gestion d’un habitat partagé, qui nécessite une approche spécifique.

La question qui se pose est donc la suivante : comment professionnaliser ce secteur pour assurer sa pérennité ? Les options sont :

Les plus pénalisés sont les colocataires qui se voient contraints de trouver une solution de substitution quand leur habitat partagé disparaît.

Étude d’un cas de requalification

Nous allons étudier un fait divers qui s’est produit dans la commune de Valorbiquet (14). Une colocation créée au printemps 2021 a été requalifiée en EHPAD et contrainte à la fermeture en octobre 2022.

Cette colocation, baptisée « Logis Vivre Ensemble », était gérée par une infirmière, ancienne cadre de santé en EHPAD. Elle accueillait six personnes âgées de 77 à 92 ans, dont certaines étaient dépendantes ou souffraient de maladies neurodégénératives. L’infirmière, Valérie Levieils, avait acheté une grande habitation pour lancer ce projet qu’elle jugeait nécessaire. Les seniors y trouvaient leur bonheur.

C’est une colocation familiale conviviale, avec une bonne entente et du lien social. – Valérie Levieils

La fondatrice assurait le gîte, le couvert et les soins, seule.

Cependant, le CD a assimilé la maison à un EHPAD, en expliquant que les personnes qui n’étaient pas assez autonomes devaient bénéficier d’une prise en charge supérieure à ce que Valérie Levieils pouvait apporter seule.

  • Les espaces extérieurs n’étaient pas sécurisés,
  • Le bureau était dans une pièce ouverte où n’importe qui pouvait avoir accès aux dossiers médicaux,
  • Les médicaments n’étaient pas dans un endroit inaccessible, fermé à clé.

Que faut-il retenir de cette décision ?

Valérie Levieils a commis plusieurs erreurs qui ont conduit à la fermeture. Ce qui est un moindre mal, parce que cette situation anormale aurait pu conduire aussi à un accident ou un problème de santé pour l’un des colocataires.

Madame Levieils est une infirmière diplômée d’Etat (IDE) et cadre de santé. C’est donc une professionnelle de sa pratique.  Pourtant, sa connaissance des personnes âgée ne lui a pas évité de commettre des erreurs impardonnables dans la gestion de son projet d’habitat partagé. Des anomalies qui nous paraissent évidentes à la lecture du procès-verbal ne lui ont pas sauté aux yeux. Déni, mauvaise foi, méconnaissance ? Comment expliquer un tel problème et surtout, comment éviter à nos concitoyens de se fourvoyer “de bonne foi” en emménageant dans des lieux qui ne sont manifestement pas adaptés à leur état ?

Les conséquences de l’amateurisme dans l’habitat partagé

Selon une étude réalisée par la DGCS en 2016, beaucoup de projets d’habitat partagé sont très fragiles. La DGCS s’est appuyée sur des données fournies par les conseils départementaux pour analyser les forces et faiblesses de plusieurs centaines de projets.

Les rapporteurs constatent que le premier frein au développement des projets, était d’ordre juridique parce que – en 2016 – il n’existait pas un régime juridique pour l’habitat inclusif. Ce problème a été résolu avec la loi Élan.

Le deuxième problème était d’ordre économique et financier. Beaucoup de projets étaient économiquement très fragiles. Ils n’avaient pas de modèle économique et dépendaient des financements publics pour exister. Il suffisait d’un petit incident pour gripper le mécanisme et abattre le projet.

Ce problème menaçait une part significative des projets lancés par des associations, des CCAS, des communes ou des porteurs de projets indépendants.

  • Soit ces projets ne voyaient jamais le jour parce que faute de financement, ils n’arrivaient pas à acquérir un foncier, construire ou rénover un bâti.
  • Soit ces projets voyaient le jour, mais ils s’effondraient avant la fin de la troisième année d’exploitation parce que l’habitat inclusif n’avait pas la trésorerie suffisante pour assurer sa pérennité.

Globalement, ce n’était pas une structure très professionnelle. Et donc, c’est plutôt logique que le Conseil départemental en a demandé la fermeture.

Le problème était exacerbé par les vacances locatives, situation qui se produit quand un logement vide ne trouve pas de nouvel occupant. Par exemple, l’habitat était prévu pour six personnes, mais ils n’étaient que cinq. Les gestionnaires avaient énormément de mal à trouver des habitants pour faire le plein. Or, le budget avait été calculé sur un habitat plein, et donc l’écart de trésorerie condamnait le projet à très brève échéance.

Pour la professionnalisation de l’habitat partagé

Cette question de faillite, qui débouche sur la même pénalisation des colocataires, est à nouveau un problème lié au professionnalisme des structures.

Causes du problème

Tant qu’on ne fera la promotion que d’un modèle qui repose sur des petites structures familiales, associatives ou communales, on ne pourra pas développer des systèmes suffisamment solides pour pouvoir résister à la première tempête financière venue.

En Normandie, Madame Levieils est une infirmière diplômée d’Etat (IDE) et cadre de santé. C’est donc une professionnelle de sa pratique, ce qui ne l’a pas empêchée de commettre des erreurs impardonnables. La professionnalisation de l’habitat partagé ne remet pas en question les savoir-faire individuels, mais souligne la nécessité d’acquérir des compétences en matière de gestion d’un logement collectif accueillant un groupe de personnes vulnérables et fragiles.

Projets professionnalisés, risques d’échec maîtrisés

Un projet professionnalisé, porté par une structure qui fait de l’habitat inclusif au niveau national, qui a ouvert plus de 50 habitations et a développé un mode opératoire bien rodé, ne sera pas confronté à la problématique que rencontrent les habitats isolés.

Il offrira aux territoires et aux citoyens une solution pérenne, durable, qui bénéficiera à plusieurs générations de personnes âgées ou de personnes handicapées, sans que la menace d’une fermeture ou d’une requalification pèse sur la structure.

Les pistes de professionnalisation

Pour professionnaliser l’habitat partagé, plusieurs pistes peuvent être envisagées. Tout d’abord, il faudrait envisager la mise en place de formations spécifiques pour les porteurs de projets, afin de les sensibiliser aux enjeux de la gestion d’un habitat partagé. Des formations sur la gestion financière, l’animation de groupe, la médiation, la gestion des conflits, et la gestion de l’espace pourraient être envisagées.

Ensuite, il serait utile de développer un réseau national ou régional des acteurs de l’habitat inclusif pour permettre un partage de bonnes pratiques et une mutualisation des expériences. Ce réseau pourrait également permettre une meilleure coordination entre les différents acteurs, ainsi qu’un accès facilité à l’expertise.

Enfin, il serait également possible d’envisager la mise en place d’un label qualité pour les structures d’habitat partagé professionnelles qui répondent à des critères précis en matière de gestion, d’animation, de sécurité et de qualité de vie des occupants.

Ces pistes de professionnalisation permettraient de renforcer la pérennité des projets et de garantir la qualité de vie des occupants.

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