ehpad du futur

A quoi Ressemblera l’Ehpad du Futur ?

Si Marty McFly prenait sa DeLorean pour aller voir dans cinquante ou cent ans à quoi ressemble l’Ehpad du futur, que pensez-vous qu’il découvrirait ?

  • La même chose qu’aujourd’hui, avec plus de robots ?
  • Des personnes âgées incluses dans la cité, vivant à domicile grâce à des services automatisés pour les assister dans leur quotidien ?
  • Plus du tout d’Ehpad vu que la vieillesse aura disparu puisque l’espérance de vie sera passée de 80 à 500 ans ?

Avouez qu’il est difficile de se projeter dans un tel futur !

Entre utopies fantasmagoriques, dystopies réac et espoir transhumanistes il n’est pas évident de savoir à quelle sauce les vieux seront mangés.

Être mangés, c’est d’ailleurs le triste sort qui leur est réservé dans le chef d’œuvre dystopique de 1973, Soleil Vert.

L’Ehpad du futur, ce qu’on peut lui souhaiter, c’est de ne pas ressembler à l’Ehpad d’aujourd’hui.

Le modèle est à la peine et quelques décennies de plus sans rien changer, ce n’est pas envisageable.

L’Ehpad doit changer car l’Ehpad fait peur

Oui l’Ehpad, ça fait peur. Pas à vous, pas à moi. L’Ehpad ça fait peur aux gens qui sont en âge d’y rentrer. C’est l’une des raisons pour lesquelles tant de Français déclarent vouloir vieillir chez eux.

C’est le choix de neuf Français sur dix.

Mais pourquoi ?

Certes, ils sont attachés à leur maison, leurs souvenirs, leur quartier, les commerces, le petit parc si bucolique avec sa petite fontaine et le banc sur lequel leur soupirant a fait sa demande en mariage il y a des années de cela…

Mais surtout, les personnes en âge d’aller à l’Ehpad sont attachées à l’autonomie que leur domicile personnel leur procure. Même dépendant, rester à la maison confère une autonomie qu’ils sacrifient irrémédiablement en entrant en institution.

Oui, mais de là à avoir peur, c’est excessif !

Et bien pas tant que cela. J’ai posé la question à mon ami Oliver Lefébure. Olivier fait de la stimulation cognitive individuelle.

Olivier accompagne des personnes âgées en Ehpad et à domicile. Je lui ai demandé : « Les personnes qui vivent isolées à domicile, quelle est leur plus grande crainte ? » et voila ce qu’Olivier m’a répondu :

Leur plus grande crainte, je dirais même leur hantise, reste d’être envoyées en EHPAD, d’être déracinées. Les gens aimeraient vieillir et mourir chez eux.

Olivier Lefébure
Interiew complète : Olivier l’ami des personnes âgées

L’Ehpad du futur c’est…

L’Ehpad du futur, je ne peux pas vous dire à quoi il ressemblera précisément car je n’ai pas une DeLorean trafiquée par Doc Emmet Brown* pour aller voir !

Toutefois, j’ai quelques idées. En interrogeant les abonnés à ma newsletter et en posant la question à tous les professionnels que je rencontre, trois tendances se dégagent :

  1. L’Ehpad du futur ne s’appellera pas Ehpad,
  2. Ce sera un lieu organisé pour les résidents et non pas pour les soignants. Il ne ressemblera ni à un hôpital, ni à un hôtel.
  3. L’Ehpad du futur sera inclusif. Il sera installé en cœur de cité.

Je vous propose de détailler cela.

L’Ehpad du futur ne s’appellera pas Ehpad

Et tant mieux ! Ehpad, c’est vraiment très moche comme nom, ça ne vend pas du rêve !

C’est l’acronyme de Etablissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes. Le nom a été inventé par la loi du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale.

Cette loi définit deux types d’établissements. L’Ehpad et l’Ehpa (établissement d’hébergement pour personnes âgées). Avant cela, l’Ephad était appelé maison de retraite médicalisée et l’Ehpa, maison de retraite. Aujourd’hui, on connaît aussi l’Ehpa sous le nom de résidence autonomie, un terme inventé par la loi ASV du 28 décembre 2015. Avant cela, les Ehpa étaient appelés des logements foyer.

Et avant cela encore, nos aïeux connaissaient ces institutions sous le nom peu glorieux d’hospices.

Ce qui différencie l’Ehpad de l’Ehpa c’est le niveau maximum de dépendance admis. En Ehpa, on accepte les personnes âgées jusqu’au Gir 3 alors qu’en Ehpad, toutes les personnes âgées quel que soit leur Gir sont admises.

Mais le principal problème n’est pas là. Le problème des Ehpa c’est qu’il y en a de moins en moins. L’ouverture de nouveaux établissements est soumise à l’autorisation des autorités sanitaires et sociales et ces dernières années, on compte les autorisations sur les doigts d’une main.

Cette politique restrictive dictée par des impératifs budgétaires contribue au maintien à domicile mais elle a aussi pour conséquence de flécher les personnes âgées souhait rejoindre un établissement médico-social vers l’Ehpad, même lorsqu’elles sont faiblement dépendantes.

Car oui. Même si on souhaite rester à domicile, il y a des situations où le maintien dans un domicile personnel n’est pas une option.

Dans de telles situations, il existe une dizaine de solutions alternatives à l’Ehpad, aussi séduisantes que méconnues. Par exemple :

  • Famille d’accueil,
  • Habitat partagé accompagné,
  • Béguinages,
  • Cohabitation intergénérationnelle solidaire,
  • Résidences service senior

Abandonner le terme d’Ehpad et clarifier les alternatives aurait pour effet de rendre plus lisible l’offre de logement.

Le développement de cet habitat alternatif est un souhait exprimé par les Français dans la concertation nationale grand Age et Autonomie. Cependant, il est aujourd’hui pénalisé par un manque criant de visibilité. Pour nombre de personnes âgées, la seule alternative au domicile individuel, c’est l’Ehpad !

L’Ehpad du futur sera pensé pour et par ses résidents

Héritage du passé, l’Ehpad d’aujourd’hui ressemble un peu trop souvent à un hôpital. L’Ehpad n’est pas pensé pour le confort de ses résidents mais pour optimiser le travail des soignants.

De l’agencement des espaces au choix des matériaux en passant par le mobilier, les équipements et même la couleur des murs tout dans l’Ehpad rappelle l’hôpital. Je vous mets d’ailleurs au défi de distinguer l’un de l’autre si j’organisais un blind test !

Or un Ehpad, ce n’est pas un hôpital. C’est un lieu de vie et non un lieu de soins.

Une autre dérive touche les nouveaux établissements privés commerciaux : Certains ressemblent à des hôtels de luxe, avec une décoration si chiadée que les résidents ont du mal à se sentir chez eux.

De l’avis d’une amie à moi, cadre de santé dans un établissement récent, les résidents ont du mal à s’approprier l’espace. Il y a ceux qui n’osent pas toucher à l’agencement de la chambre et ceux à qui on interdit tout simplement d’y apporter leur mobilier.

Passer de l’hôpital à l’hôtel c’est bien, mais ce n’est pas encore la réponse attendue par les personnes âgées.

L’Ehpad du futur s’adaptera à ses résidents

Pensons design.

  1. Imaginons des réponses à des problèmes réels.
  2. Écoutons ce que demandent les personnes concernées. En l’occurrence, les résidents des Ehpad.
  3. Pas la peine de s’apitoyer devant les reportages télé à charge d’Elise Lucet, le modèle qu’elle dénonce appartient de toute manière au passé.
  4. Il vaut mieux regarder dans le futur.

Je vous propose de découvrir le travail formidable d’une architecte française appelée Fany Cérèse. 

Fany Cérèse a écrit une thèse consacrée à l’approche design thinking dans l’aménagement des Ehpad.

Elle part du constat que bien que les Ehpad soient des lieux de vie et non des lieux de soins, ils sont trop souvent agencés pour faciliter le travail du personnel et non pas pour aider les résidents à s’y sentir bien. 

L’architecte a travaillé dans plusieurs établissements dont elle a réagencé l’aménagement intérieur en associant systématiquement les résidents à son travail.

L’objectif de sa thèse est de démontrer scientifiquement les bienfaits d’une architecture de type domestique en maison de retraite. L’idée est de pouvoir convaincre un secteur – celui du médico-social – qui se médicalise un peu plus chaque jour et qui voit sa culture de plus en plus empreinte du monde soignant, souvent issue de l’hôpital. Car il s’agit ici de prendre soin et non de soigner les personnes accueillies. Il s’agit de les accompagner chez elles, la maison de retraite n’étant pas une succursale de l’hôpital, qui lui, est un avant tout un lieu de travail ergonomique pour que les professionnels du soin puissent accomplir leurs actes de soin.

Ce que j’aime beaucoup dans son travail, c’est qu’il montre que la dépendance n’est pas nécessairement liée à la personne, mais bien souvent à son environnement. Elle écrit : 

 » Si une personne âgée logée dans un appartement au 3ème étage sans ascenseur ne peut plus faire ses courses, cela ne signifie pas pour autant qu’elle ne serait pas capable de les faire dans un environnement adapté. Selon la gérontologue Colette Eynard (2006), la dépendance n’est pas un état, c’est une «relation entre une personne et son environnement matériel et affectif » (on n’est pas « dépendant », on est dépendant de quelqu’un ou de quelque chose). La notion d’interdépendance est donc plus intéressante. »

Fany Cérèse

Le design thinking à l’œuvre

Dans le cadre de sa démarche design thinking, Fany Cérèse explique par exemple que le meilleur moyen de comprendre pourquoi tous les résidents veulent s’asseoir sur le même fauteuil dans un salon qui en offre une vingtaine, c’est de s’asseoir dedans pour constater ce qu’il offre de plus que les autres. 

L’approche de Fany Cérèse consiste à trouver des réponses architecturales qui rassurent les résidents et leur donnent une impression de confort, d’intimité, de chez soi, totalement absente de l’Ehpad d’aujourd’hui. 

Pour aller (beaucoup) plus loin, lisez la thèse de Fany Cérèse. Elle est disponible en libre accès sur le site theses.fr. Le travail de l’architecte est aussi bien construit qu’un bon roman, avec de super photo, des schémas pédagogiques et une approche scientifique et architecturale. 

L’Ehpad du futur sera inclusif, intégré à la cité

« L’institutionnalisation des personnes âgées dépendantes et leur concentration entre elles   génèrent des situations parfois indignes, qui, réciproquement, sont source d’un sentiment d’indignité de ces personnes. Leur exclusion de fait de la société, ayant probablement trait à une dénégation collective de ce que peut être la vieillesse, la fin de la vie et la mort, pose de véritables problèmes éthiques, notamment en termes de respect dû aux personnes. »

Comité consultatif national d’éthique (CCNE)
Avis n°128 du 16 mai 2018 : Enjeux éthiques du vieillissement

Beaucoup trop d’Ehpad sont encore construits en périphérie des villes. Comment réussir une société inclusive sans penser une organisation des territoires plus adaptée ?

L’avis du CCNE dont je vous ai donné un extrait va très loin en préconisant notamment une Ehpad hors les murs qui consisterait à « imposer » un ou deux étages Ehpad dans tout nouveau projet immobilier.

Cette approche connue sous le nom de logement diffus est déjà utilisée pour améliorer la mixité sociale des quartiers en mêlant logement social et « pas social » dans un même projet immobilier.

Oui, j’entends déjà les Cassandre objecter que :

  • « ça va coûter plus cher »,
  • « il n’y a déjà pas assez d’aides soignantes pour les Ehpad, comment on ferait pour répondre au besoin de tous ces résidents à domicile ».
  • « Les vieux n’aiment pas cohabiter avec les jeunes, ils n’ont pas le même rythme ».

Bref, la rengaine mille fois entendue qui justifie l’existence des institutions collectives que nous connaissons si bien et dans lesquelles les personnes âgées ne veulent pas aller !

Il y a un immense paradoxe dans le statu quo actuel

D’un côté nous avons l’Ehpad.

  • Il ne séduit personne.
  • On y entre à reculons.
  • Il coûte très cher.
  • Le rapport qualité / prix est rarement favorable.
  • Il souffre aussi de problèmes organisationnels et manque de moyens.

De l’autre côté, toutes ces voix qui réclament des alternatives.

Ou plutôt qui demandent à ce que les alternatives existantes soient mieux mises en avant, qu’il soit plus facile de créer de tels projets immobiliers et que les personnes âgées soient mieux informées à propos des choix possibles.

En conclusion, l’Ehpad du futur c’est…

Interviewé par des journalistes dans le cadre de l’émission « Dans Quelle France On vit » diffusée en décembre 2018 sur RMC Story, voici ma réponse à cette pertinente question.

Extrait de Dans quelle France on vit / Décembre 2018

Mais il y a une autre définition qui fait sens.

L’Ehpad du futur, c’est un habitat pensé en fonction des attentes de ses résidents, installé dans un endroit où il fait bon vivre et qu’on a juste envie d’appeler… sa maison !

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