Dfree le coach de votre vessie

Incontinents : DFree aurait pu être le coach de votre vessie !

DFree, c’est l’histoire d’une startup Japonaise qui a rêvé de conquérir le marché français en entrant par la porte de la Silver économie. Hélas, la belle histoire a fait long feu et le projet a capoté en à peine 18 mois. A date, les incontinents n’ont pas de solution technologique miracle pour éviter les fuites.

Nous avons décidé de conserver cette interview du DG France de Dfree, car il y a forcément des enseignements à en retirer.

Message à toutes les victimes d’incontinence urinaire : il existe désormais un objet connecté qui vous aide à reprendre le contrôle de votre vessie. Son nom : DFree

C’est le diminutif de Diaper Free. Ce qui signifie « plus de couches » en anglais.

En effet, avant l’arrivée de DFree sur le marché, il n’existait pas de système préventif pour éviter les fuites urinaires. Tout au plus, les personnes souffrant d’incontinence pouvaient-elles se protéger avec des… couches. Bon en fait, pour les adultes, on appelle cela des protections urinaires (il y a tout un tas de synonymes non stigmatisants, le terme « couche » renvoyant plutôt à la petite enfance).

Les protections urinaires n’empêchent pas les fuites mais elles permettent de les contenir.

Article mis à jour le 26 juin 2019

Comment fonctionne DFree

  1. DFree est équipé d’un capteur qu’on positionne sur l’abdomen.
  2. Il mesure le niveau de remplissage de votre vessie et vous adresser des notifications sur smartphone ou tablette.
  3. Ces alertes vous aident à savoir à quel moment vous devez aller aux toilettes.

Le concept est renversé : vous n’êtes plus surpris par une miction qui se produit sans que vous l’ayez prévue ou ressentie. Bien au contraire, vous apprenez à reprendre le contrôle de votre vessie.

Outre l’avantage d’être alerté au bon moment, DFree vous donne des indications qui vous permettent de mieux savoir à quels moments de la journée se présentent vos envies, et donc de mieux vous organiser pour ne jamais être surpris par une miction imprévue.

L’histoire de DFree

DFree a été inventé par la startup japonaise Triple W en 2015. Après un carton au Japon, la firme distribue désormais son produit en France et aux Etats-Unis.

Primé à de nombreuses reprises, DFree a fait sensation à Las Vegas lors du dernier CES, début janvier 2019.

L’antenne Européenne est installée en région parisienne, à Silver Innov. C’est là que j’ai rencontré l’équipe de Triple W Europe, à l’occasion d’un entretien avec leur directeur général, Yuhei Urabe.

Yuhei Urabe m’a expliqué pourquoi Triple W Europe a choisi de s’installer en France.

La firme Nippone considère que la France est le pays d’Europe où le marché de la Silver économie est, sinon le plus mature, du moins le plus pris en considération. Pour preuves :

  • Une filière industrielle dynamique portée par les pouvoirs publics,
  • Des structures d’accompagnement réputées, à l’instar de Silver Valley, le cluster francilien de la Silver économie dont Triple W est membre,
  • Silver Innov, la première pépinière européenne d’entreprises de la Silver économie

J’ai pris beaucoup de plaisir à réaliser cet entretien avec un ressortissant Japonais car je suis de longue date convaincu que le Japon représente un modèle à suivre.

Voila un pays qui connait en ce moment une situation démographique où les plus de 65 ans sont plus nombreux que les moins de 25 ans. Situation qui devrait se présenter en Europe autour de 2040.

A l’origine de DFree, il y a une fuite imprévue

C’est la mésaventure qui a conduit Atsushi Nakaneshi a créer DFree.

L’histoire commence il y a quelques années en Californie. Atsushi Nakaneshi est étudiant à San Francisco.

C’est le jour de son déménagement que le drame qui va faire basculer la vie de Atsushi se produit. Alors qu’il se rend de l’ancien au nouvel appartement, un énorme carton dans les bras, il est pris d’une terrible, imprévisible et irrépressible envie d’uriner.

Il ne l’a pas sentie venir, il ne l’a pas anticipée, il n’avait même pas imaginé que cela puisse lui arriver…. et faute d’une solution immédiate à son problème imminent, notre malheureux ami, incapable de se contenir, se fait pipi dessus.

En arrivant, penaud, humide et très humilié, dans son nouveau logement, Atsushi pose ses cartons, se lave, se change et s’empresse de chercher une solution à son problème.

  • Cela s’est produit une fois, cela pourrait donc se produire à nouveau.
  • Comment éviter un autre accident ?
  • Existe-t-il un système qui permette de prévoir le moment où la vessie atteint son seuil d’alerte ?
  • Existe-t-il un système qui prédirait le moment d’aller aux toilettes et permettrait à un homme ou une femme sujet à l’incontinence urinaire de se mettre en quête d’un lieu d’aisance avant l’accident ?

A l’heure où Atsushi Nakaneshi fait sa recherche, un tel système n’existe pas. Qu’à cela ne tienne, notre ami décide de le créer. Il faut dire que depuis l’adolescence, Atsushi Nakaneshi caresse le rêve de créer son entreprise. Faisant d’un pépin une pépite, le Japonais voit donc dans cet incident un signe du destin. Il va enfin pouvoir réaliser son rêve.

Gonflé à bloc, Atsushi convainc quelques étudiants de se junior highschool de se lancer dans l’aventure. L’un des co-fondateurs, Masamori, est chargé de créer un prototype.

L’incontinence urinaire touche beaucoup de monde

Les co-fondateurs de ce qui va bientôt devenir la Triple W Corporation organisent une levée de fonds par crowdfunding.

Le résultat dépasse leurs espérances.

Ils pensaient récolter quelques dizaines de milliers d’euros en love money, l’opération leur permet de lever l’équivalent en yens de 200 000 euros.

Le sujet intéresse un public plus large que celui que Atsushi avait initialement identifié. Les donateurs ne sont pas uniquement les amis et la famille. Il y a aussi des handicapés, des personnes âgées, des gens malades (suite à un cancer prostate ou un cancer de la vessie, d’un AVC…) ou des enfants de plus de 5 an.

L’incontinence urinaire se révèle être un sujet à fort potentiel.

Cette première levée permet à l’équipe de concevoir une version plus élaborée du prototype et après deux ans de recherche et développement, DFree est commercialisé sur le marché Japonais.

Dans un premier temps proposé aux établissements sanitaires, DFree est vendu aux particuliers à partir de 2018. La même année, Triple W étend ses activités aux Etats Unis et à l’Europe. La startup propose d’abord sa solution aux Ehpad, mais elle a bien l’intention de développer une offre B2C en 2019.

Sur le marché français, les établissements de santé sont plus ouverts et ont un attrait pour les technologies. Un appareil comme DFree est innovant sans être incroyable pour eux.

Yuhei Urabe
Directeur Général de Triple W Europe

Au Japon, on ne plaisante pas avec l’incontinence urinaire

La mésaventure qui a donné à Atsushi Nakaneshi l’idée de DFree peut faire rire ou sourire, mais au Japon, cette petite histoire a eu un impact énorme.

Au pays du Soleil Levant, perdre la face en se faisant pipi dessus en pleine rue est inenvisageable. Le Japon, c’est le pays où l’on ne se mouche pas en public (c’est inconvenant) et où dans certaines toilettes publiques, on trouve un bouton pour jouer de la musique afin de couvrir le bruit des mictions.

Les Japonais ont quelques longueurs d’avances sur nous en termes de bienséance et la mésaventure de leur compatriote a fait le tour des chaînes de télévision du pays, offrant à Atsushi de belles opportunités pour promouvoir DFree.

En expliquant que l’idée est née après un accident d’incontinence urinaire, une mésaventure qui pourrait arriver à tout le monde, nous avons gagné la sympathie des japonais !

Yuhei Urabe

C’est quoi l’incontinence urinaire ?

L’incontinence urinaire se définit par une perte accidentelle ou involontaire d’urine. L’ensemble des spécialistes s’entendent pour évaluer à plus de 3 millions en France le nombre de personnes sujettes à des épisodes d’incontinence urinaire.

L’incontinence urinaire est définie par toute fuite involontaire d’urine dont se plaint le ou la patiente et dont l’origine est souvent multifactorielle.

On distingue classiquement 3 formes d’incontinence urinaire :

  • L’incontinence urinaire d’effort caractérisée par une fuite involontaire d’urine, par l’urètre (le méat urétral), survenant à l’occasion d’un effort physique, à la toux et aux éternuements. Il s’agit d’une fuite en jet, peu abondante, de survenue brutale au moment d’un effort, le plus souvent en position debout, sans sensation de besoin préalable.
  • L’incontinence urinaire par urgences mictionnelles  caractérisée par une fuite involontaire d’urine, accompagnée ou immédiatement précédée d’un besoin urgent et irrépressible d’uriner aboutissant à une miction ne pouvant être différée et retenue. La terminologie d’incontinence par impériosités ou incontinence par hyperactivité vésicale peut aussi être utilisée.
  • L’incontinence urinaire mixte combine les deux types d’incontinence prédéfinie.

Les trois quarts des personnes souffrant de fuites urinaires ou d’incontinence urinaire sont des femmes.

Les études montrent que peu de personnes sont prises en charge alors même que des traitements existent. La gêne ou la fatalité des sujets face à l’incontinence urinaire les empêchent de consulter.

Les personnes ne souffrant d’aucun trouble vident leur vessie entre 4 et 8 fois par cycle de 24 heures alors que certaines personnes souffrant d’incontinence urinaire vont devoir uriner plusieurs fois durant la nuit ou subir des fuites d’urines lors de certaines activités voire ne pas pouvoir se retenir en attendant d’aller aux toilettes.

En France, pays où le WC public se fait de plus en plus rare, l’incontinence urinaire est terrible frein à l’autonomie. Dans notre pays, cette maladie touche 3 millions de personnes, âgées ou non.

L’incontinence urinaire est une maladie, les personnes qui en souffrent sont handicapées dans leur vie quotidienne.

  • L’incontinence urinaire est un phénomène anormal qui peut toucher n’importe qui. Les personnes âgées sont plus exposées du fait du vieillissement des organes.
  • L’incontinence urinaire n’est pas un simple problème de confort, ce n’est pas une fatalité.
  • On peut la prévenir, on peut l’anticiper et si elle se produit, on peut souvent la guérir, soit par médication, soit par rééducation, soit par intervention chirurgicale.

J’ai emprunté cette définition détaillée à l’excellent site internet de Sphère Santé. N’hésitez pas à y faire un tour pour en apprendre beaucoup, beaucoup plus sur l’incontinence urinaire.

Comment fonctionne DFree, dans le détail.

DFree est un système non invasif et non intrusif.

Voici comment fonctionne DFree, étape par étape :

  1. Un capteur à ultrasons se scotche sur l’abdomen, à un centimètre du pubis.
  2. Le capteur à ultrasons visualise les mouvements de la vessie.
  3. La data est envoyée dans un boitier qui se porte à la ceinture.
  4. Cet appareil embarque un algorithme qui calcule le moment de la miction à partir des données collectées par le capteur.
  5. Enfin, une application installée sur un smartphone ou un système distant (pour les Ehpad) permet de visualiser les courbes de progression du taux de remplissage de la vessie.
  6. C’est grâce à cela que D Free prédit le remplissage et adresse des notifications au porteur du capteur.

DFree est un système de monitoring. L’appareil surveille, prévoit et alerte.

Yuhei Urabe

Des paramètres qui s’adaptent à l’utilisateur

Chaque porteur est différent et DFree s’adapte à la morphologie de la personne. Le capteur va visualiser les mouvements de la vessie et restitue son résultat sous forme de pourcentage.

L’évaluation du remplissage de la vessie est communiqué en pourcentage et non en volume afin de communiquer une donnée fine et facilement interprétable par le porteur ou le soignant dans le cas où DFree est utilisé en Ehpad.

Focus sur l’application pour les Ehpad

L’application pour Ehpad permet de :

  • Visualiser plusieurs utilisateurs en simultané.
  • Consulter les résultats en temps réel,
  • Paramétrer les notifications selon les pourcentages de remplissage.
  • Il y a aussi une fonction d’évaluation pour savoir si le résident a vidé sa vessie, s’il peut tenir.

Nous avons remarqué qu’en montrant les résultats aux résidents, la pédagogie est plus facile. Il y a aussi un bénéfice sur les relations entre les résidents et les soignants.

Yuhei Urabe

L’incontinence urinaire, un sujet tabou.

Dans l’expérience de DFree, l’incontinence urinaire reste un sujet tabou, même chez les soignants en Ehpad, pourtant quotidiennement confrontés à la maladie.

Ce propos doit être nuancé nous explique Yuhei Urabe. Il y a certains médecins, très spécialisés en urologie avec lesquels il est facile de dialoguer. Certains médecins émettent toutefois des réserves à cause de l’absence de preuves cliniques, de résultats précis. Mais tous sont intéressés par le système d’évaluation qui permet d’analyser les résultats.

Les médecins spécialisés en gérontologie sont également très intéressés, mais plutôt par l’aspect restauration de l’autonomie de la personne âgée, de la dignité humaine, de la qualité de vie.

DFree n’est pas développé pour augmenter les bénéfices d’une structure de santé en faisant baisser la consommation de protections urinaires.

Yuhei Urabe

Des feedback encourageants

La startup reçoit de très bons feedback des soignants qui effectuent les changes et voient une amélioration de la mentalité du résident ou de ses relations avec les proches, les soignants et les autres résidents.

Il y a un mésusage des pratiques de soins d’incontinence. Il y a quelques heures de module d’enseignement aux soignants mais ça ne suffit pas. On va considérer que l’incontinence, c’est une fatalité, donc on met des couches. Nous combattons ce fléau du change deux fois par jour. Si on change le résident à 8 heures du matin et qu’il urine à 10 heures, il garde sa protection souillée jusqu’au change du soir.

Yuhei Urabe

En synthèse

L’incontinence urinaire est un handicap qui peut se corriger.

Souvent perçue comme une fatalité du vieillissement, y compris par certains soignants, l’incontinence urinaire est un sujet tabou. C’est la raison pour laquelle nombre de malades éludent le problème, choisissent de vivre avec en subissant les conséquences, notamment une perte d’autonomie et un repli sur soi.

DFree offre une réponse aux personnes souffrant d’incontinence urinaire. L’appareil permet de savoir quand il est nécessaire d’aller aux toilettes.

Les utilisateurs retrouvent une autonomie et une confiance en soi détériorées par l’incontinence urinaire. Leurs relations avec l’entourage sont améliorées.

Pour aller plus loin, lisez notre étude de cas sur l’échec de Dfree : l’incroyable échec de la startup qui voulait tuer l’incontinence.


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