C’est quoi le problème avec l’EHPAD ?

Nous avons un problème avec l’EHPAD. Quelque chose ne fonctionne plus. Les résidents le disent. Les familles des résidents le disent. les professionnels qui y travaillent le disent. L’opinion publique le dit aussi après avoir vu le reportage que l’émission Envoyé Spécial du 20 septembre 2018 à consacré aux EHPAD. Dans ce reportage, le téléspectateur découvre des personnes âgées livrées à elles-même. Tombées à terre et hurlant à l’aide dans un établissement vidé de ses soignants. Les couloirs où la caméra déambule sont vides et tristes. On croise d’autres personnes âgées endormies dans des fauteuils roulants vaguement posées devant une télé. Où trainant le pied, hagardes, désorientées. Où clouées à leur lit, suppliant pour qu’on leur apporte un verre d’eau.

Le « spectacle » est très dur, insoutenable.

Votre révolte atteint son paroxysme lorsque vous découvrez le prix payé par les résidents (3000 euros par mois), le détachement comptable avec lequel les responsables analysent la situation et bien entendu l’écart monstrueux entre ce prix et la qualité du service.

Et vous vous dites en pagaille :

  • Moi, jamais… plutôt mourir,
  • C’est révoltant,
  • Mais où va l’argent ?

Et toute la gamme de sentiments mêlés associés…

Heureusement, il y a un peu d’espoir.

Le reportage se termine par une visite dans un établissement associatif où le personnel est presque aussi nombreux que les résidents. Lesquels sont enfin traités comme des êtres humains.

L’EHPAD est-il définitivement un modèle périmé, une survivance du passé juste bon à jeter ? (à condition de trouver une solution de repli pour les 700 000 personnes âgées résident en EHPAD aujourd’hui.)

Est-il ce désert banal où nombre d’humains vulnérables cohabitent sans se rencontrer ? (la formule est de Alice Casagrande).

Ou bien, l’EHPAD est un modèle dysfonctionnel

L’Ehpad répond toujours à des besoins liés à l’âge mais doit être réajusté pour s’adapter à l’évolution de notre société et aux attentes des personnes âgées qui y résident ?

Moi, je pense que oui.

L’EHPAD est nécessaire.

Tant qu’on n’aura pas trouvé des remèdes aux maladies neuro-dégénératives il faudra leur apporter une réponse hospitalière. Le maintien à domicile, c’est très bien, mais il y a des situations où ça ne fonctionne pas.

L’autre raison pour laquelle l’EHPAD est encore nécessaire aujourd’hui c’est qu’il apporte une solution à l’isolement. Quoiqu’on en pense, il y a environ 10% des résidents en EHPAD qui n’ont pas encore perdu leur autonomie et ne la perdront peut-être jamais.

Pourquoi ces aînés vont-ils en Ehpad ?

  • Parce qu’ils sont seuls,
  • isolés chez eux,
  • que leur logement ne peut pas être adapté facilement
  • et surtout parce que la solitude les ronge.

ils pourraient bien sûr opter pour des modes d’habitat partagé alternatifs mais ils n’en ont malheureusement pas souvent connaissance. Vous qui lisez ce blog connaissez bien sûr toutes les alternatives, mais ce n’est pas le cas de bien des personnes âgées qui ne connaissent que deux solutions : le domicile et la maison de retraite.

Les EHPAD sont partagés vis-à-vis de ces résidents autonomes. Ils aimeraient parfois les envoyer vers des habitats collectifs pour personnes âgées autonomes, comme les résidences autonomie (publiques et associatives) ou les résidences services (privées commerciales). Mais en même temps, avoir dans son établissement des personnes âgées autonomes c’est moins de travail pour le personnel et parfois même des résidents qui s’investissent dans la vie de la communauté, créent du lien, animent des ateliers et insufflent de la vie. 

Une étude sociologique sur les résidents d’Ehpad

La sociologue Isabelle Mallon a consacré une étude aux résidents des EHPAD.

L’auteur a passé plusieurs mois dans des maisons de retraite des Yvelines afin d’analyser les comportements des résidents.

Elle a identifié trois groupes de résidents :

Premier groupe : Les personnes âgées entrées de leur plein gré qui n’ont pas de liens familiaux, sont souvent seules et jouent un rôle actif dans l’institution.

Tous les établissements se valent de leur point de vue. Ces résidents cherchent le repos , après les multiples changements d’hôpitaux, et pour les plus défavorisés d’entre eux, le calme et la sécurité pour mettre un terme à une vie d’errance et de précarité.

La dépendance est entendue par ces personnes dans sa définition strictement médicale. Etre dépendant c’est être obligé de s’en remettre à un membre du personnel pour pouvoir effectuer des actes de la vie quotidienne.

Pour ce premier groupe, entrer en maison de retraite ne signifie pas renoncer à son mode de vie mais l’aménager

Deuxième groupe : Les personnes âgées entrées de leur plein gré, qui conservent des liens familiaux forts, se construisent une vie dans l’institution mais sans s’investir dans les activités de la collectivité,

Ces personnes qui reconstruisent un monde en se nichant doucement dans l’institution sans la mettre outre mesure à contribution sont le plus souvent entrées en maison de retraite de leur propre chef, après mûre réflexion.

Leur déménagement n’est pas motivé par une nécessité médicale ou sociale, liée par exemple à un accident de santé. Les personnes concernées sont en assez bonne forme.

Valides pour la plupart, elles auraient toutes pu continuer à vivre sans trop de difficultés à domicile. Néanmoins, elles ont choisi de vivre en institution en fondant leur décision sur la volonté explicite de se préparer à la vieillesse, à son cortège de handicaps potentiels et à la mort.

La maison offre aussi l’opportunité d’échapper à une solitude qui au fil des ans devient pesante. Ce sont autant les menaces extérieures que la maladie qui sont redoutées. Avoir recours à une institution permet alors de tenir ces dangers à distance, sans faire peser sur les enfants la gestion de sa vieillesse. La maison de retraite est ainsi rationnellement choisie, par anticipation, comme institution spécialisée dans la prise en charge du vieillissement. Elle s’intègre dans une véritable stratégie du vieillissement.

Pour ce deuxième groupe, le motif essentiel qui préside à l’entrée volontaire en institution est le désir de garder sa liberté.

Troisième groupe : Les personnes qui n’ont pas choisi de venir et ont été admise en EHPAD à cause de leur état de santé, sous la pression de leur famille et de leur médecin.

Pour ces personnes, la surprise est d’autant plus forte que le handicap est moins perçu par la personne âgée elle-même.

L’entrée en institution peut alors être le révélateur pour le nouveau résident de sa désorientation, de ses pertes de mémoire, de sa fragilité physique ou psychique.

Bon nombre de personnes désorientées ne perçoivent pas leurs symptômes comme alarmants.

Même pour les personnes les plus autonomes, les plus conscientes, la maitrise personnelle du destin devient infirme à partir du moment où le corps trahit.

L’entrée en institution est la conséquence de l’impuissance face au risque que le vieillissement du corps (ou son mauvais entretien) fait peser sur l’existence.

Les réflexes de protection de la personne âgée (parfois contre elle-même, pour son bien) incitent au placement en institution.

Les personnes rassemblées en institution ne le sont pas en vertu d’un projet commun positif mais en raison d’un handicap plus ou moins important

Ce que montre cette étude c’est que l’EHPAD apporte aujourd’hui une solution qui n’est certes pas parfaite mais répond à des besoins. Il existe des solutions alternatives. Elles sont malheureusement insuffisamment nombreuses et bien souvent méconnues. 

Conclusion

Les débuts de Sweet Home ont coïncidé avec la mission flash de la commission parlementaire menée par Monique Iborra à propos du problème des EHPAD (au quatrième trimestre 2017). La mission flash pointait du doigt les problèmes que le reportage de France 2 met en lumière :

  • Le manque de personnel,
  • Le reste à charge pour les résidents,
  • La qualité anormalement faible de la prestation,
  • Une décorélation entre l’évolution de la clientèle et la réponse apportée par l’institution

Problème n°1 : L’EHPAD n’a pas réussi à évoluer au même rythme que ses résidents. 

Problème n°2 qui n’est pas uniquement celui de l’EHPAD mais de toutes les professions de care pour les personnes âgées (gériatres, aides-soignantes, auxiliaires de vie) : ces métiers attirent de moins en moins de monde.

On parle de crise des vocations pour donner une raison subjective à un problème objectif : c’est un métier difficile, mal récompensé et mal reconnu. 

A mon avis, l’EHPAD doit évoluer en s’intégrant à un parcours de vie plus homogène, coordonné avec des modes d’habitat collectif répondant mieux aux aspirations des personnes. 

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