l'habitat inclusif peine à décoller en France

L’habitat Inclusif peine à décoller en France, pourquoi ?

L’habitat inclusif est une formule qui a tout pour séduire les personnes âgées isolées. Ce mode alternatif de résidence se situe entre le domicile et la maison de retraite.

L’habitat Inclusif offre à des personnes isolées, dépendantes ou non, un moyen de vivre dans un chez soi collectif.

Pourtant, malgré des actions volontaristes des pouvoirs publics, le modèle ne décolle pas.

Nous vous proposons d’essayer de comprendre pourquoi avec nous.

L’habitat inclusif, une formule qui a tout pour plaire

Je vois trois avantages à l’habitat inclusif :

  1. Un avantage financier : la formule sera toujours moins onéreuse que l’EHPAD ou la résidence services, car ce lieu de vie « sur mesure » n’utilise pas d’espaces inutiles (l’une des raisons du coût de l’EHPAD et de la résidence services, c’est la taille des espaces partagés) ni de personnel hôtelier (l’autre poste de coût important des EHPAD et des résidences services). 
  2. Un avantage en termes de vie sociale : vous êtes entouré par un collectif bienveillant de résidents réunis dans un projet de vie commun. 
  3. Un avantage en termes d’aidants professionnels : vous avez la possibilité de mutualiser les aides. Les résidents font un pot commun avec leurs APA et organisent la présence d’aides professionnelles en fonction de leurs besoins réels. Cette mise en commun permet de disposer d’une aide plus fréquente et de meilleure qualité.

Ces avantages devraient séduire les personnes âgées, n’est-ce pas ? Pourtant, l’habitat inclusif peine à décoller en France. On dénombre entre 300 et 400 habitats inclusifs dans l’hexagone dont 60% sont conçus pour les adultes handicapés et seulement 40% (120 à 160 habitats) pour des personnes âgées, dépendantes ou non.

A mon avis, les trois raisons principales de ce fiasco sont :

  1. Un modèle d’habitat qui n’est pas dans nos moeurs,
  2. Un type d’habitat long et complexe à concevoir,
  3. Un type d’habitat méconnu et sur lequel on communique peu.
un cohousing aux Etats unis, hyper inclusif, non ?

Premier constat : L’habitat inclusif peine à décoller car la formule n’est pas dans nos moeurs

L’habitat inclusif s’inspire du cohabitat. C’est un mode d’habitat partagé inventé il y a une cinquantaine d’année. Bien implantée en Scandinavie (près de 10% de la population Danoise vit dans des cohabitats) et aux Etats-Unis, la formule a également fait quelques émules en France dans les années 1970. 

Ce mode de vie en petites communautés intergénérationnelles est ni plus ni moins une relecture de l’habitat familial rural qui fut la norme en Europe jusqu’à la révolution industrielle. Nous n’avons rien inventé !

Le problème, c’est que ce mode de vie organisé en collectivité :

  • Partage des tâches et des loisirs,
  • Logements de petite taille,
  • Espace majoritairement collectif, 
  • Définition d’un projet de vie privilégiant les échanges et la vie en communauté (repas pris en groupe, mise en commun des équipements)….

Et bien ce mode de vie là ne convient pas à tout le monde.

Peut-être que vous-même qui trouvez cela cool sur le papier, vous hésiteriez à emménager dans un habitat participatif, n’est-ce pas ?

Je me suis récemment entretenu avec Daniel Jaunas, Président du Collectif d’Animation de l’Habitat Participatif 93 (CAHP-93). Ce pionnier de l’habitat participatif, fondateur du cohabitat La Fonderie, à Vanves (92) déplore que nombre de projets initialement pensés comme des cohabitats deviennent avec le temps de bêtes copropriétés.

La cause ?

Le projet de vie commune, véritable colonne vertébrale d’un projet de cohabitat, a peu à peu disparu.

Ne blâmons pas nos compatriotes. Ils ont voulu croire à un projet communautaire et ont finalement été rattrapés par leur désir d’indépendance et d’individualisme.

Au moins, ils ont essayé !

Ce problème de mode de vie n’est pas l’apanage des adultes autonomes. Il peut se présenter aussi pour les adultes handicapés et les personnes âgées. Bien que les habitats inclusifs n’aient pas toujours un projet de vie commune aussi étoffé que les cohabitats, le projet d’habitat inclusif repose nécessairement sur une vie en commun, c’est inscrit dans l’ADN du concept

Et devinez quoi : les personnes âgées française n’ont pas nécessairement envie d’y souscrire.

Enfin, pas toutes. 

Et, deuxième effet Kiss Kool, celles d’entre elles qui décideraient quand même de se lancer sont confrontées au deuxième problème de l’habitat inclusif : c’est très compliqué. 

Deuxième constat : l’habitat inclusif peine à décoller car c’est très compliqué à mettre sur pied

Il y a un an, la CNSA a publié son Guide de l’Habitat Inclusif. Ce document répond au souhait de l’Etat de faciliter les démarches des porteurs de projets. 

Le Gouvernement s’est engagé le 7 juin 2017 à « favoriser le développement des habitats inclusifs en levant les obstacles administratifs ». Il s’agit, dans le cadre de la démarche nationale en faveur de l’habitat inclusif, et dans le respect du cadre juridique existant, de développer des formules d’habitat, au cœur de la cité, associant un projet urbain et social et des services partagés adaptés aux besoins et aux attentes des personnes âgées ou en situation de handicap.

Guide de l’Habitat Inclusif/ CNSA – novembre 2017

Si vous avez le courage de lire les 69 pages de cet ouvrage, vous risquez d’attraper un sérieux mal de tête et vous n’y verrez pas forcément beaucoup plus clair à l’arrivée ! Vous serez en revanche conscient du problème majeur qui se pose aux porteurs de projet : monter un habitat inclusif, c’est très, très compliqué.

Et cela l’est encore plus si vous décidez d’associer les futurs résidents au projet. Car le projet d’habitat inclusif se co-construit avec ses résidents. La charge de l’animation des réunions de suivi du projet est un poste à part entière dans les projets d’habitat inclusif. Il faut le doigté et la patience d’un animateur aguerri pour sortir des situations conflictuelles telles que :

  • l’admission des animaux de compagnie,
  • la présence ou non d’une kitchenette dans les logements,
  • la destination des espaces communs
  • ou l’ouverture de la résidence à des habitants « pas vieux ». 

Mais au-dela de ces petites difficultés inter-personnelles, le porteur de projet sera surtout confronté à trois problèmes bien plus importants : 

  1. Trouver un terrain à bâtir sur lequel ériger le projet,
  2. Trouver des financements pour acheter le terrain et construire l’immeuble,
  3. Conserver l’intégralité du groupe jusqu’à la fin. 

Un projet de construction d’habitat inclusif porté par les futurs résidents prend généralement plusieurs années et il peut-être difficile de conserver le groupe de départ jusqu’à l’aboutissement du projet.

Bien souvent dans ce type de montage, les futurs cohabitants du projet sont parties prenantes à son financement. Par conséquent, le départ d’un membre du groupe peut signer l’arrêt de mort du projet ou au moins sa mise en sommeil jusqu’au recrutement d’un nouveau contributeur.

C’est pourquoi les projets associatifs portés par les futurs résidents échouent souvent. 

Il y a un peu plus d’espoir si le projet est porté par un promoteur professionnel.

J’ai d’ailleurs consacré des articles à deux projets d’accompagnement d’habitats inclusifs, je vous invite à les découvrir.

Deux articles pour comprendre l’importance d’un accompagnement professionnel pour la réussite du projet

Dans Vivre en béguinage remet le béguinage au goût du jour, vous découvrez comment la société Vivralliance / Vivre en béguinage construit des béguinages privés. La société qui a déjà monté une demi douzaine de projets est constituée d’un promoteur privé commercial qui réalise le volet immobiliser et d’une association qui gère les établissements.

Dans Comment créer un béguinage, je vous présente Béguinage et Compagnie, une société qui accompagne le volet humain des projets d’habitats inclusifs en contribuant à la constitution de la communauté d’habitants. Un travail aussi essentiel que la réussite du projet immobilier.

Les projets d’habitat inclusifs les plus prometteurs sont ceux portés par des promoteurs privés ou sociaux

Les projets portés par des promoteurs professionnels peuvent impliquer les résidents dans l’élaboration du projet mais l’impact d’un désistement ne le met pas en péril.

Surtout, les structures dédiées disposent du savoir faire et des connaissances nécessaires pour faire avancer ces projets beaucoup plus vite. Si les bailleurs sociaux sont souvent contraints par l’attribution des financements publics, les quelques promoteurs privés commerciaux qui se sont lancés sur le marché de l’habitat inclusif, et qui se financent par de l’emprunt, sont beaucoup plus réactifs. 

Ainsi, il faut entre 18 et 24 mois à Vivralliance pour construire un nouveau béguinage.

Troisième constat : la communication autour des habitats inclusifs est inexistante

Au départ, j’avais écrit « la communication est affligeante », mais j’ai changé le titre en réalisant qu’il n’y a pas de communication du tout à propos de l’habitat inclusif !

Enfin, il y en a un peu, mais si l’on compare à d’autres formules d’habitat alternatif, l’on se dit que l’habitat inclusif est un peu le parent pauvre de la communication sur l’habitat pour personnes âgées.

Peut-être parce que l’habitat inclusif est surtout développé par des bailleurs sociaux, des collectifs privés et une poignée de bailleurs commerciaux ?

Les premiers n’ont pas pour habitude de faire de la publicité, les deuxièmes n’y songent pas vraiment et les troisièmes n’en ont actuellement pas besoin.

Pourquoi les promoteurs privés n’ont pas besoin de faire de la publicité ?

Parce que le bouche à oreille et la taille du marché local leur permettent de faire le plein pour chaque établissement. Une situation que ces promoteurs privés apprécient et déplorent en même temps.

Une plus grande concentration d’acteurs privés permettrait au secteur d’exister, de mieux communiquer et d’être plus visible. 

Une exposition similaire à celle dont bénéficient les résidences services, par exemple. Grâce à leurs puissants réseaux, ces habitats alternatifs sont aujourd’hui perçus comme l’unique alternative viable à l’EHPAD pour les personnes âgées autonomes ou faiblement dépendantes. 

Conclusion

PRIMO L’habitat inclusif n’est pas une formule pour tout le monde mais il dispose d’atouts indéniables pour répondre au vieillissement de la population. Les deux atouts les plus importants sont à mon avis :

  • La mutualisation des aidants professionnels
  • La préservation d’un lien social désintéressé. 

DEUXIO Pour répondre aux attentes des personnes âgées intéressées par le modèle, il convient de mieux communiquer sur le concept, mais comment ? Et par qui ? (mis à part votre blog préféré ?) .

TERTIO Il est également crucial de faciliter les modalités d’accession, par exemple en développant des structures d’entraide, des formules d’accompagnement par des promoteurs commerciaux ou des systèmes impliquant les collectivités territoriales comme parties prenantes des projets.

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1 réflexion sur “L’habitat Inclusif peine à décoller en France, pourquoi ?”

  1. Bravo pour l’article, cela me fait réfléchir beaucoup plus sur moi-même …. sur mon indépendance XXL … malgré mon âge, les peurs, etc …

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