La startup Ouihelp a fait le buzz il suite à sa seed de 3 millions d’euros en 2018. L’exposition médiatique des trois fondateurs : Pierre-Emmanuel Bercegeay, Victor Sebag et Bastien Gandouet a largement dépassé l’écosystème. Cela a même joué des tours à Ouihelp, identifiée comme une agetech de la Silver économie montée par des outsiders opportunistes. Tranquillement et discrètement, un peu à l’écart de l’écosystème, Ouihelp poursuit son chemin et se développe. J’ai eu le plaisir d’échanger avec leur CTO, Bastien Gandouet. Dans cette grande interview sans langue de bois, le centralien nous donnes tous les clés pour comprendre la vision, la mission et les perspective de cette startup qui ne veut pas réinventer le métier, mais uniquement bien le faire.
Interview exclusive de Bastien Gandouet (CTO de Ouihelp) par Alexandre Faure (Sweet Home)
Sweet Home (SH) : Bonjour Bastien, l’année dernière vous avez bénéficié d’une forte exposition médiatique suite à votre levée de fonds de 3 millions d’euros. Rétrospectivement, cette médiatisation a-t-elle été utile à Ouihelp ?

Bastien Gandouet (BG) : Bonjour Alexandre, merci de me recevoir sur Sweet Home. Pour répondre à ta question, il y a eu un impact, mais à géométrie variable. En terme purement commercial, nul, vraiment zéro. Les domaines de présence de nos cibles potentielles et les domaines de l’écosystème startup ne sont absolument pas les mêmes.
En revanche, cette couverture presse est très utile pour le recrutement, car elle donne de vrais gages de crédibilité et de solidité aux candidats.
Enfin, pour les instances de notre secteur qui ne sont pas directement liées à l’activité, le positionnement startup n’est pas nécessairement bien vu. De ce côté-là nous faisons énormément de pédagogie pour rassurer nos interlocuteurs. Cela nous donne plus de travail, mais cela nous donne également l’occasion de le faire !
Oui, nous levons de l’argent auprès de fonds d’investissement. Oui, nous avons des VC qui prennent des risques, mais ce n’est pas juste cela, Ouihelp.
Les investisseurs qui croient en Ouihelp
SH : Qui sont vos investisseurs ?
BG : Nous avons deux investisseurs. Ce sont de gros fonds. Il y a d’abord Kerala, principalement connu pour Doctolib et Xange plus connu pour Chauffeur Privé, Ledger, Lydia. Notre partner chez Xange a aussi investi dans “Agricool” et “La ruche qui dit oui”. Il a un tropisme social. Nos investisseurs sont convaincus, comme nous, que l’on est dans un cas, et il y en a sans doute d’autres, où faire du bien à nos populations, ça fait du bien au business.
Si tout le monde a tout à y gagner, allons-y, il n’y a aucune raison de ne pas le faire.
SH : Comment s’est déroulée la levée de fonds ?
BG : Lever n’a pas été simple car les VC sont plus habitués au Saas, à la deeptech, la blockchain, l’IA etc. Un projet où le facteur humain est déterminant, cela leur fait parfois un peu peur.
Nous sommes sur un secteur en pleine croissance où aucun acteur n’a une notoriété spontanée. Aucun acteur n’a fait sa révolution par la technologie ni par la qualité.
Bastien Gandouet
CTO de Ouihelp
Les fondamentaux de marché sont ultra sains. Le besoin ne va pas s’arrêter demain. Il faudra aujourd’hui comme dans dix ans, une solution pour nos aînés à leur domicile et nous développons un business que les investisseurs aiment bien qualifier d’acyclique.
SH : Qu’entends-tu par acyclique ?
BG : Cela signifie que nous ne sommes pas aussi tributaires de la croissance que d’autres secteurs économiques. Ce n’est pas parce qu’il y a une récession demain que la commande s’arrête.
Il y a beaucoup de voyants au vert pour les fonds. Ils y gagnent et je pense que cela leur plaît d’être dans un business qui a du sens, socialement. Enfin, ils sont éminemment convaincus, comme nous, que si nous faisons bien la base en payant mieux les intervenants et en offrant des conditions de travail plus confortables, nous améliorerons le ressenti qualité des familles pour un résultat gagnant / gagnant.
Ouihelp n’est pas une plateforme.
SH : Ouihelp est perçue comme une plateforme dont la valeur ajoutée est essentiellement technologique, est-ce le cas ?
BG : Non, ce n’est pas le cas.
Nous sommes une société de services et nous avons la même activité que les autres acteurs du secteur. Nous faisons d’une part la sélection des intervenants et d’autre part l’accompagnement des familles.
Nous attachons beaucoup d’importance au suivi qualité et à l’accompagnement tout au long de la prestation.
D’autre part, si la tech fait bien partie de notre ADN, elle ne résume pas à elle seule notre activité.
« La tech nous a permis de libérer du temps en interne »
La tech est un engrenage du rouage mais ce n’est pas du tout celui que nous avons envie d’extérioriser. Ce n’est pas celui-là qui apporte un bénéfice immédiat tant aux familles qu’au bénéficiaires. La tech nous permet, en interne, de libérer du temps, d’automatiser des tâches et de ne pas faire d’erreurs. Ce qui permet à nos responsables de secteur d’être plus disponibles sur les activités à forte valeur ajoutée : aller au domicile pour rendre visite aux bénéficiaires et être présents quand ils ont besoin de nous.
C’est un biais de lecture assez caractéristique. Je pense que nous avons un manque dans la communication autour de Ouihelp vers le grand public. Les gens qui ne sont pas les bénéficiaires ni les familles, ont une vision faussée sur notre vision et notre ADN. Heureusement, ce manque n’est pas du tout préjudiciable pour notre activité de tous les jours.
En effet, nous passons beaucoup de temps au téléphone avec les bénéficiaires et les familles. Lors de ces contacts, nous expliquons clairement notre vision, notre organisation et ce qui nous différencie de la concurrence. Un appel de prise de contact dure entre 20 et 40 minutes, ce qui nous permet d’être très clairs sur notre valeur ajoutée pour les bénéficiaires.
SH : La tech vous permet-elle également de réduire les coûts fixes ?
BG : On peut le voir comme cela.
Il y a deux choses qui nous permettent de compresser les frais fixes :
D’une part nous n’avons pas de pas de porte. Nous ne sommes pas sur un modèle de franchise avec un parc immobilier qui nous coûte cher dans toutes les zones desservies.
D’autre part, nous faisons des économies en mutualisant les tâches administratives qui sont toutes centralisées au siège, à Paris. Notamment la comptabilité, le pré screening des recrutements et les recrutements de nos auxiliaires de vie.
Automatiser les tâches à faible valeur ajoutée permet de gagner de l’argent sur des frais que nous n’engageons pas par ailleurs. Mais surtout, cela permet de libérer du temps aux responsables de secteur et de ne pas faire d’erreurs.
Voilà les deux points qui nous tiennent à cœur.
En interne, les responsables de secteur font l’interface entre nous, nos salariés mais aussi les auxiliaires de vie, les bénéficiaires et les familles. Ce sont les responsables de secteur qui doivent s’assurer de la sérénité confiante de l’accompagnement et de la transmission des informations. C’est à eux et elle que nous ne voulons pas faire perdre de temps à remplir des dossiers quand l’ordinateur peut le faire.
L’organisation du travail chez Ouihelp
SH : Comment sont organisées les équipes supervisées par vos managers ?
BG : Chaque responsable de secteur est chargée d’une zone géographique limitée. Avec la croissance, notre objectif est de faire diminuer ce maillage-là, pour des raisons opérationnelles évidentes.
La responsable de secteur n’est pas seule sur sa zone.
Il s’agit plutôt de binômes ou de trinômes pour pallier les absences et les congés. Ce sont des gens très locaux qui font la coordination entre les auxiliaires de vie, les bénéficiaires et les familles. Elles coordonnent également tout le reste de l’écosystème qui gravite autour du domicile d’une personne en perte d’autonomie. Par exemple les soignants, les coiffeurs à domicile, etc. Cette coordination est un point important pour les familles qui sont très contentes que nous la prenions en charge. Cela permet par exemple de s’assurer que l’infirmier va passer au moment de la toilette parce que sinon c’est frustrant, il faut repasser plus tard etc.
SH : Comment la tech contribue-t-elle au travail des responsables de secteur ?
BG : Nous avons développé une application pour smartphone que nous déployons progressivement sur l’ensemble des villes. Cette application, interne à Ouihelp, a deux objectifs.
Premier objectif : la communication entre les auxiliaires de vie et le reste de l’équipe Ouihelp. Quand les auxiliaires de vie veulent nous transmettre une information, comment s’assurer que la bonne personne ait l’information au bon moment.
Le point essentiel est d’avoir un moyen clair de faire en sorte que les auxiliaires puissent communiquer. La fonction primordiale de cette application c’est donc la messagerie instantanée. L’objectif est d’offrir un unique canal de communication entre les auxiliaires d’un côté et tout Ouihelp de l’autre.
Deuxième objectif : la consultation des plannings et des fiches mission. Ces fiches détaillent l’ensemble des informations relatives à chaque bénéficiaire. Par exemple : quel est le domicile, comment on y rentre, quelles sont les tâches attendues, quelle est la situation de la personne en perte d’autonomie et comment trouver son domicile.
SH : Trouver le domicile, c’est une fonction de géolocalisation ?
BG : En effet, nous avons identifié ce pain point dès le premier jour de notre activité.
Nous avons constaté que la recherche du domicile du bénéficiaire est une vraie difficulté pour les auxiliaires de vie.
Cela peut nous sembler tout bête lorsque notre premier réflexe est d’ouvrir Google Maps et de chercher l’adresse. Force est de constater que ce n’est pas le premier réflexe des auxiliaires de vie. Souvent, nous étions contactés par l’auxiliaire de vie qui disait : “je suis en retard de 20 minutes parce que je n’ai pas trouvé le domicile”. En allant un peu plus loin, nous avons découvert que l’auxiliaire de vie est allé demander l’adresse au bar du coin, consulter les plans sur les abribus etc. A présent, en un clic sur l’application, ça les lance directement sur l’itinéraire. C’est un changement capital qui permet aux intervenantes d’être en confiance pour se rendre au domicile des bénéficiaires.
SH : Vous essayez aussi de trouver des intervenants qui résident dans le même quartier que les bénéficiaires, y parvenez-vous ?
BG : Tout à fait, cela fait partie de notre stratégie pour apporter plus d’attention au confort des AVS.
Nous y arrivons globalement assez bien dans les zones densément peuplées. Dans les autres zones, c’est encore un challenge pour nous de réussir à augmenter assez notre maillage pour être en capacité d’offrir des missions proches du domicile des AVS.
Nous avons tout à perdre à mettre en place des interventions avec une auxiliaire loin du domicile. C’est un parti pris qui permet d’éviter des situations dégradées pour toute chaîne de valeurs.
C’est pourquoi nous tenons à offrir à nos auxiliaires de vie le choix des missions. Nous ne leur imposons pas de missions ou de zones géographiques ainsi que la possibilité de mettre un terme à une mission dans laquelle elles ne se sentent pas à l’aise. En outre, nous rémunérons les auxiliaires de vie à un tarif supérieur au reste du secteur, avec des salaires à SMIC + 10% ou SMIC + 20%.
Pourquoi Ouihelp travaille en mandataire
SH : Vous travaillez en mode mandataire, pourquoi ?
BG : Nous avons décidé d’opter pour le mode mandataire car c’est le meilleur moyen d’éviter la source de désagrément pour les bénéficiaires que représente la rotation des intervenants, apanage du mode prestataire. Pour Ouihelp, il est inenvisageable qu’un bénéficiaire fragilisé se retrouve avec deux intervenantes par semaine qui changent toutes les semaines.
L’unique raison du mandataire chez nous c’est de garantir contractuellement que l’auxiliaire de vie choisie par le bénéficiaire continuera à travailler chez lui aussi longtemps qu’il le souhaite. C’est son employée et Ouihelp ne peut pas casser cette relation contractuelle, ni remplacer cette AVS par une autre.
SH : Le mode mandataire répond-il à toutes les demandes de vos bénéficiaires ?
BG : Pas complètement et pour tout te dire, nous réfléchissons à un modèle hybride, principalement pour des questions d’astreinte et de remplacement d’urgence. Cela peut être pour des questions logistiques utile d’avoir une force de travail plus mobile et plus disponible pour intervenir en cas d’urgence ou d’absence et garantir aux familles que dans le pire des cas possible nous serons toujours en capacité de les dépanner avec un intervenant.
SH : Pourquoi le mode mandataire souffre-t-il d’une réputation si dégradée ?
BG : Historiquement, le mandataire c’est l’aide à domicile low cost. Les sociétés et associations qui utilisent le mode mandataire assurent un service minimum et pas l’activité du cahier des charges “accompagnement au domicile”. C’est cette image qui a donné lieu à des articles à charge contre le mandataire employé par certains départements pour réduire les coûts.
A l’inverse, le prestataire est vu historiquement comme la prise en charge tout compris avec en plus l’aide plus administrative, l’accompagnement au domicile.
Le mandataire Ouihelp offre exactement la même liste d’activités qu’un prestataire.
D’autre part, l’APA n’est pas la même en mandataire et en prestataire. Comme le mandataire est un low cost avec un service moins étendu, les pouvoirs publics ont décidé de moins le rembourser. C’est un point que nous essayons de faire changer. Ce n’est pas si rapide que cela à faire.
Nous ne sommes pas du tout les seuls à travailler en mode mandataire, certains de nos concurrents font cela depuis plus longtemps que nous. Nos tarifs sont d’ailleurs sensiblement les mêmes. Les mandataires qui font l’entièreté du scope du suivie de l’accompagnement à domicile ont des tarifs proches de ceux des services prestataires, entre 20 et 26 euros de l’heure.
Qui sont les clients de Ouihelp ?
SH : Qui sont les clients principaux de Ouihelp: Les AVS ou bien les bénéficiaires ?
BG : Nos populations principales ce sont les deux. Autant l’une que l’autre.
Tout le monde y trouve son compte à la fin. Il n’y a pas de service de qualité si les gens qui font ce travail ne sont pas contents de le faire, parce qu’ils sont mal payés, mal traités et pas écoutés.
La genèse de notre histoire est très francilienne et en Ile-de-France, recruter des AVS est assez simple car le bassin d’emploi est énorme. La réputation de Ouihelp auprès des AVS nous est très utile pour recruter hors de Paris. En région, les bassins d’emploi sont plus faibles et c’est là qu’on prend toute l’ampleur de la promesse et du confort de vie qu’on apporte à nos auxiliaires de vie.
SH : Au lancement de Ouihelp, vous étiez des outsiders, est-ce que cela a été un avantage de ne pas être baignés dans l’aide à domicile ou cet écosystème ?
BG : C’était un secteur que nous connaissions tous les trois d’assez loin. Moi je viens des Landes et en zone rurale, il n’y a pas d’équation économique à l’aide à domicile, sans crédits publics type APA, cela ne marche pas. Je connaissais le problème et j’étais conscient des limites qu’il impose à l’offre actuelle. Quant à mes deux associés, leurs parents sont médecins, ils conçoivent donc le sujet d’un peu plus près que des outsiders totaux.
Est-ce que cela nous a aidés de ne pas “venir du terrain” ?
Dans une certaine mesure je pense que oui. Cela nous a permis d’avoir un regard neuf dans la recherche des optimisations. Je pense que ce qui nous a beaucoup aidés aussi, c’est que nous avons des profils très ingénieur. C’est à la fois une force et une faiblesse par moment, mais cela nous a amenés à penser Ouihelp en mode agile. Trouver des solutions au problème, les tester, avancer. Il y en a qui ne fonctionnent pas, ce n’est pas grave, imaginons-en une autre et voyons ce que ça peut donner.
En plus d’être des ingénieurs, et c’est là que la technologie revient dans l’histoire, nous avons un ADN tech, c’est comme ça que nous nous ressentons.
SH : Comment cela se traduit-il ?
BG : Quand un problème survient, nous nous posons systématiquement la question : “Est-ce que c’est un problème humain, est-ce que c’est un problème sur lequel l’ordinateur peut faire quelque chose et si oui, faisons bosser l’ordinateur. Il ne coûte pas grand-chose, il ne se plaint pas de faire des tâches pas intéressantes, quand on peut le mobiliser mobilisons le”.
C’est un vrai atout de regarder une grande partie des problèmes de l’histoire sous ce prisme.
Par exemple, si des bénéficiaires ont du mal à comprendre les factures, bulletins de paie etc, mettons en places les interfaces qui leur permettront de chercher l’information quand ils en auront besoin.
Pourquoi aujourd’hui peut-on réserver un appartement à Barcelone en trois clics avec un nombre de photos hallucinant à notre disposition alors que quand on veut faire accompagner ses proches, on se retrouve avec des sites Internet d’un autre âge ?
Bastien Gandouet
CTO de Ouihelp
Le site Internet, ce n’est pas une fin en soi, j’insiste beaucoup là-dessus. Cependant, il y a des points qui font partie des besoins des familles, qui génèrent du stress et des traumatismes qu’on peut éliminer avec quelques automatisations.
SH : Vous êtes peu présents dans les événements de l’écosystème, c’est un choix ?
BG : C’est vrai. C’est un choix dans le sens où nous sommes une petite entreprise aujourd’hui et nous devons choisir nos lieux de présence. Pendant un long moment ces dernières années, nous nous sommes est concentrés sur notre métier et l’amélioration de notre service. Nous avons beaucoup travaillé là-dessus avant d’aller au sens plus large nous intégrer dans l’écosystème. En pratique nous sommes adhérents de toutes les fédérations du secteur. Mais il est vrai que les salons, pour nous ce n’était pas l’endroit où croiser des clients. Éventuellement des AVS, et encore. Ce n’était pas nécessairement pour nous le lieu où aller. En plus de cela nous sommes une startup. C’est un peu le mot à la mode, mais nos moyens sont limités et au moment de faire des chèques pour participer à tel ou tel événement se pose vraiment la question du pourquoi.
Une startup dans l’aide à la personne
SH : Vous vous définissez comme une startup, pourtant vous êtes sur un business model pérennisé, en quoi est-ce que vous êtes une startup ?
BG : Nous avons commencé haut car nous avons levé de l’argent qui nous a permis d’investir pour accélérer et aller plus vite que si nous avions construit tout notre business avec nos fonds propres. Nous sommes sur un business pérenne, pour autant nous ne sommes pas encore rentables. Il nous reste un long chemin à faire avant d’atteindre la rentabilité. Pour une raison assez simple qui est que dans les marges assez réduites dans lesquelles évoluent les services d’aide à domicile en général, ce n’est pas évident de faire entrer une équipe de développeurs. La techno c’est des choses qui coûtent cher et mettent beaucoup de temps à se rentabiliser. En plus de cela nous grandissons vite. Ouvrir des villes coûte plus d’argent que cela n’en rapporte au départ.
Le fait d’être une startup, d’avoir des moyens limités, c’est probablement dans les axes de communication des choses que nous essayons de rectifier. Nous n’avons pas besoin d’être une startup pour prouver que nous faisons les choses différemment ou convaincre nos clients que nous les faisons mieux que les autres. En revanche, en interne c’est un vrai marqueur de notre culture. On ne peut pas faire n’importe quoi parce que nos moyens sont limités et que nos axes de combat, les projets que nous cherchons à développer et sur lesquels nous avançons, nous les réfléchissons vraiment sur la recherche de sens pour notre métier, la facilitation de la vie de nos AVS, responsables de secteurs et bénéficiaires.
Trouver des talents
SH : Est-ce que le fait de travailler dans l’aide à la personne, particulièrement l’aide à la personne âgée est un frein sur vos recrutements hors AVS. Est-ce difficile de trouver des talents en sales, en tech, etc. ?
BG : Nous recrutons des profils très différents de ceux qui vont dans les startup purement technologiques. Les montants levés dans l’aide à domicile ne sont pas ceux de tous les buzzword à la mode. Les salaires que nous sommes capables de payer ne sont pas ceux d’Algolia ou Alan. Après, à la rigueur, c’est presque une force. Nous recrutons des gens qui sont convaincus que nous faisons quelque chose qui a du sens. Pour nous c’est une vraie force d’avoir une équipe qui n’est pas le stéréotype de la startup, c’est à dire des hommes blancs de 20 à 30 ans. Nous sommes assez contents d’avoir des profils plus divers, ce qui est assez propre à nos milieux : des assistantes sociales, des développeurs, des sales dont certains qui sont plus orientés vers nos prescripteurs. Nous ne sommes pas moins attractifs mais attractifs pour des populations différentes.
Trouver des clients
SH : Comment faites-vous l’acquisition de leads ?
BG : Nous utilisons un mix assez traditionnel.
- D’une part en recherchant des prescripteurs. Il faut pour cela convaincre les services publics du bien fondé de notre démarche. Que ce soit les CLIC, les CCAS, les assistantes sociales des milieux hospitaliers privés ou public.
- Nous développons également l’acquisition en ligne, qui est pour l’instant assez délaissée de la concurrence.
- Nous faisons de l’achat de leads auprès de structures comme Aladom.
- Une part croissante de nos acquisitions se fait par bouche à oreille et par parrainage de nos bénéficiaires.
- Un canal dont nous sommes assez fiers et qui prend de l’ampleur chez nous, c’est le canal du SEO. Nous avons travaillé à construire des contenus qui répondent aux vraies questions des familles et des bénéficiaires : ostéoporose, DMLA etc. Nos contenus rankent assez haut sur Google et bien évidemment les gens qui se posent ces questions sont souvent en recherche d’aide à domicile. Nous sommes très contents car ces contenus offrent un vrai service plus aux lecteurs.
SH : Peux-tu nous expliquer plus en détails quels types de contenus vous proposez sur votre site web ?
BG : Nous avons développé deux types de contenus sur notre site internet.
- D’une part les guides et conseils, très axés sur la perte d’autonomie et l’accompagnement à domicile.
- D’autre part le blog dont la ligne éditoriale est un peu différente. Nous aimons bien mettre en avant nos bénéficiaires et nous avons ainsi publié quelques belles histoires de bénéficiaires. Nous y racontons aussi Ouihelp au sens large. Nous essayons de ne pas être égocentrés et de parler tant de nos AVS que de nos bénéficiaires.
SH : Quels sont les canaux d’acquisition les plus pertinents ?
BG : Les géométries des canaux varient énormément région par région. A Nantes, pour une raison qui nous dépasse, le online fonctionne très mal alors que cela marche très bien à Lille ou Rennes. Les canaux ont des temps d’activation qui sont différents et des variations et saisonnalités aussi assez différentes. Pour nous, ce sont des démarches différentes mais qui se retrouvent à la fin. Celle qu’on a peu enclenchée pour l’instant c’est du média et de la presse plus grand public. Les 4×3 dans le métro. La page sur Notre Temps… Pour l’instant c’est un peu cher pour nous. C’est moins “Roiste” que certains canaux qui sont plus direct.
Ouihelp et ses concurrents
SH : Parmi vos concurrents, quelles sont les entreprises que tu apprécies le plus ?
BG : Il y en a plusieurs, Alenvi, on se connait assez bien on a commencé à peu près en même temps. Petit Fils parce que ce sont les seuls gros mandataires privés à côté de nous et qu’ils sont assez smart dans leur approche de l’acquisition numérique. Sur l’aspect purement tech, c’est dur de voir des concurrents qui investissent autant que nous dans l’ordinateur, il y a peut être Vitalliance, je pense que ce serait les trois qu’on citerait sur des aspects un peu différents :
- Alenvi pour l’attention apportée aux AVS,
- Petit Fils pour le mode mandataire bien fait, pas low cost mais qui comprend de A à Z l’accompagnement de la PA
- Vitalliance sur l’aspect “essayons de voir ce que donne la technologie”.
Tu t’attendais à ce que je cite ces trois là ?
SH : Compte tenu de ce que tu m’as dit précédemment, je ne suis pas étonné de retrouver Alenvi dans ton top 3 !
BG : En effet, nous les apprécions beaucoup. Le modèle Buurtzorg est assez à la mode, surtout auprès des investisseurs. Tout le monde a lu Reinventing Organizations, de Frédéric Laloux. Nous aussi, nous aimerions impliquer beaucoup plus nos AVS dans l’organisation de notre activité. Nous ne savons pas encore exactement comment, mais nous y réfléchissons sérieusement. Il y a plein de chose que les AVS font mieux que nous.
SH : Comment vous vous projetez par rapport à l’évolution de votre activité. Est-ce que vous pensez notamment que les développements techno, la domotique vont avoir une incidence. Est-ce que vous allez essayer de l’anticiper et de l’accompagner ?
BG : C’est une question qu’on nous avait beaucoup posée pendant la levée de fonds. Notre vision prospective. Moi je suis un ingénieur très tech. Ma vision est très technologique là-dessus.
Pour l’instant, la domotique au sens large et particulièrement pour la perte d’autonomie peut être qualifiée d’immature, à la limite de l’échec.
Bastien Gandouet
CTO de Ouihelp
Cela ne va pas rester comme cela des années, il y aura certainement des choses qui ont vraiment du sens mais pour l’instant quand on fait le tour de l’écosystème, je ne peux pas parler à un bénéficiaire d’une solution en leur disant que c’est indispensable.
Ce qui est pratique c’est que ça laisse le temps à l’écosystème de maturer un peu pour choisir les gagnants que nous pourrons intégrer et pousser dans notre système.
En synthèse, nous attendons l’avènement de la killer app de la domotique.
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