L’habitat inclusif est bien plus qu’une alternative à l’Ehpad. C’est un nouveau paradigme qui profite à toutes les parties prenantes. Les habitants, leurs familles, leurs voisins, les élus locaux des communes où s’installent les habitats inclusifs.
L’habitat inclusif dégage des externalités positives, il crée de l’emploi durable et non délocalisable, il coûte moins cher que le médico-social et offre une expérience de vie plus plaisante.
Découvrez 7 excellentes raisons qui justifient de faciliter encore plus le travail de tous les porteurs de projets qui souhaitent se lancer dans l’habitat inclusif.
Les sept raisons
- Parce que c’est ce que veulent les citoyens
- Parce que c’est bon pour les territoires
- Parce que l’habitat inclusif va révolutionner le logement social (qui en a bien besoin)
- Parce qu’il offre une nouvelle opportunité aux acteurs du médico-social
- Parce qu’il redonne le pouvoir aux habitants
- Parce qu’il est dans le collimateur du législateur
- Parce qu’il offre la meilleure des alternatives possibles à l’Ehpad – mais pas que.
Dossier réalisé avec les aimables contributions de : Hervé Andriot, Timothé Miot, Frank Nataf, Maïlys Cantzler et Simon Vouillot.
1 Parce que c’est ce que veulent les citoyens
Aspiration Citoyenne
S’il est un chiffre emblématique de l’économie de la longévité, un chiffre que l’on se plait à répéter à toutes occasions pour justifier ou légitimer une action, une requête, un programme, c’est la part des Français qui disent — depuis des décennies — vouloir vieillir chez eux le plus longtemps possible.
Selon toutes les études, il s’élève à 90 %. Neuf Français sur dix désirent par-dessus tout vivre dans leur domicile le plus longtemps possible.
Ce que peu d’études révèlent, c’est ce que vous, nous, moi et eux mettons derrière le terme de domicile.
Est-ce une constante ou une variable ?
- Est-ce un lieu physique,
- un emplacement précis,
- un quartier,
- ou bien juste un état d’esprit : la liberté de décider.
Je n’ai pas la réponse. Elle est propre à chacun de nous. Mais j’ai une certitude. Cette aspiration universelle ne s’épanouit pas dans l’institutionnalisation.
L’Ehpad, ce n’est le chez-soi de personne. Ces établissements sont nécessaires, mais malgré tous les efforts consentis pour les humaniser, ils ne feront jamais oublier qu’ils sont des lieux de soin ou l’on vit et non des lieux de vie où l’on soigne.
Aller plus loin : Les 5 meilleures alternatives à l’Ehpad
Limites du chez-soi
Depuis les années 1990, des chercheurs, principalement basés en Europe du Nord montrent une corrélation entre autonomie, santé et adaptation du logement.
Au fur et à mesure qu’ils vieillissent, les citoyens accordent un rôle croissant à leur logement comme support à l’autonomie. Un logement inaccessible représenterait un problème de santé potentiel puisqu’il menace l’indépendance et le bien-être subjectif de ses occupants. A contrario, des adaptations favoriseraient le maintien en activité, la vie dans son domicile et la participation sociale.
Malheureusement, vieillir chez soi est un souhait complexe à concrétiser, car les habitats privés ne sont pas bien adaptés au grand âge. Une étude réalisée par la CNAV et l’ANAH en 2013 révèle que seulement 6 % sont appropriés pour le handicap ou le grand âge. C’est trois fois moins qu’aux Pays-Bas (16 %) et deux fois moins qu’au Danemark (12 %).
Pour disposer d’un parc de logements privés adaptés aux besoins des personnes âgées actuelles et à venir, les efforts à fournir seront immenses. De plus, cette adaptation fonctionnelle du logement est nécessaire, mais pas suffisante dès lors que la perte d’autonomie requiert une aide humaine quotidienne. À partir d’un certain niveau de dépendance, la réflexion sur l’habitat implique la notion de services. « Chez moi » est indissociable des autres, ceux qui m’aident. Ma famille, mes amis, l’aide à domicile, le médecin.
L’augmentation de l’espérance de vie ne s’accompagne pas d’une disparition de la dépendance ou du handicap. Nous devons rechercher des solutions qui offrent l’asile et la sensation de chez soi aux citoyens qui ne peuvent pas vivre sereinement sans assistance.
Une alternative entre le logement personnel et l’institution donnera aux territoires un argument clé pour offrir à leurs citoyens l’occasion de rester « chez eux », dans le quartier, le village ou le lieu-dit qu’ils affectionnent.
Aujourd’hui, force est de constater que les édiles aussi cherchent des idées pour retenir les personnes âgées sur leur territoire, quand le logement individuel n’est plus adapté.
2 Parce que l’habitat inclusif est bon pour les territoires
Un atout pour les collectivités locales
Lorsque les personnes qui n’ont rien à faire en Ehpad ne peuvent plus rester à leur domicile sans risque, elles sont souvent contraintes d’emménager dans un habitat collectif adapté à leur fragilité
L’arsenal de solutions que peuvent proposer une mairie ou un CCAS est cruellement restreint. Aujourd’hui l’offre d’habitat collectif pour seniors la plus fréquente c’est la Résidence Autonomie (ex-Logement Foyer). Un établissement médico-social qui s’adresse principalement aux personnes âgées seules ou légèrement dépendantes avec des revenus modestes. 2200 résidences sont actives en France.
Les personnes âgées peuvent aussi emménager en Résidence Services Seniors, un logement collectif où l’hébergement est assortie de services « à la carte » : loisirs, sport, animation, sorties, etc. Une trentaine d’enseignes ont ouvert 900 établissements en 2020 et les spécialistes prévoient un parc de 1500 RSS d’ici à 2025.
Pour des raisons d’équilibre financier, ces résidences sont de grande taille (plus de 60 logements) et se construisent principalement dans des villes de plus de dix mille habitants.
Enfin, les autres produits du catalogue comme les petites unités de vie, MARPA, béguinages et familles d’accueil ne sont pas présents en nombre suffisant pour répondre à toutes les demandes.
Une commune qui souhaite offrir à ses concitoyens âgés un logement adapté et un environnement bienveillant a tout intérêt à se tourner vers des modèles d’habitat inclusif.
Adaptés au territoire et pensés avec les parties prenantes, les habitats inclusifs permettent à la mairie de conserver la mainmise du projet, sans devenir dépendante d’une tierce partie.
« Pour la commune, nous ne représentons aucun coût. Nous leur achetons du foncier public et générons donc des recettes et non des dépenses. Certes, les prix de cession sont inférieurs à ce que les municipalités auraient pu obtenir en vendant à un promoteur commercial. Mais en contrepartie, cette opération leur permet d’accompagner un projet social et solidaire dans lequel elles bénéficient de la création de logements à loyer modéré, voire de logements sociaux sur leur territoire. Pour des communes qui seraient carencées, le différentiel de prix qu’elles nous concèdent est contrebalancé par une diminution des pénalités. Enfin, chaque nouvelle colocation contribue à la création 6 et 10 emplois à temps plein, en CDI 100 % pérennes et non délocalisables. »
Maïlys Cantzler / Fondatrice de Omnia
Par Hervé Andriot, président et fondateur de Société Inclusive
Denis Piveteau et Jacques Wolfrom se sont attachés à créer un outil de duplication des habitats inclusifs tels qu’ils existent à ce jour. Dans ce cadre, leur ambition était donc de simplifier la vie des futurs porteurs de projet, mais aussi de customiser un outil « spécial bailleurs sociaux ». En effet, l’habitat inclusif est aujourd’hui majoritairement adossé à du logement social. Cela semble simple. Il s’agirait de faire comme pour tout logement social. Utiliser les crédits de la Banque des Territoires et de l’Aide à la pierre, distribués par ses délégataires.
Néanmoins, le système se heurte vite aux singularités de l’habitat inclusif.
Comment financer des mètres carrés d’espaces partagés (le « P-Partagé » de « API »), alors que les aides au logement social sont appliquées aux surfaces de l’habitat individuel ? Les loyers des locataires seraient supérieurs aux APL à hauteur du pourcentage d’espaces communs créés, ce qui serait insoutenable.
Comment dépasser les répartitions traditionnelles PLAI/PLS/PLUS, qui définissent le niveau de revenu à respecter pour le futur habitant de chaque logement ?. Ceci est incompatible avec le caractère « Partagé » de l’habitat inclusif qui exclut le seul critère des revenus et repose sur la cohésion du groupe, la bonne entente entre cohabitants.
Enfin, dans la même logique, comment faire prévaloir la volonté des habitants sur le principe de réservation des places au profit des financeurs ?
Pour répondre à ces questions, les auteurs semblent s’être inspirés de la pension de famille et des logements étudiants pour élaborer des solutions acceptables par tous ;
Proposition 1 : créer une aide « APL-API » qui permettra à son bénéficiaire/locataire de régler à la fois le montant du loyer et des services mutualisés dédiés à la vie partagée.
Proposition 2 : créer un prêt à la construction type « prêt panier », constitué d’une moyenne des typologies de logements sociaux estimés, soit un pourcentage prévisionnel de PLAI/PLUS/PLS, sans affectation préalable des logements. Cela permettrait un taux d’intérêt unique et un loyer plafond examiné en global, ainsi qu’un plafond moyen des revenus.
Proposition 3 : Octroyer à l’ensemble du prêt à la construction, une subvention plus importante pour financer les espaces communs dédiés à la vie partagée ; financement sur le Fonds National d’Aide à la Pierre abondée par le budget de l’État ou la CNSA et des fonds territoriaux dédiés aux habitats inclusifs.
Proposition 4 : le droit de réservation (de places) des financeurs serait subrogé à un mécanisme d’attribution spécifique destiné à préserver le projet de vie sociale partagé et donc la volonté des habitants ; qui voulons-nous accueillir ?
Ce mécanisme d’attribution serait déterminé au cas par cas, à travers une convention entre financeurs/conseil départemental/gestionnaire et/ou habitants.
Les bailleurs sociaux auront-ils intérêt à développer un tel concept ?
En termes d’immobilier, la chose semble intéressante pour les bailleurs sociaux. Ils sont actuellement confrontés à de réelles difficultés pour assurer à l’occupant une solution de logement évolutive et compatible avec la gestion du parc HLM. En effet, les locataires vieillissants préfèrent rester seuls dans leur logement trop grand plutôt que d’occuper un logement plus petit et de laisser la place à une famille. L’habitat inclusif — qui peut s’intégrer au sein d’un ensemble HLM existant — offre une réelle voie alternative au locataire senior. Il permet de préserver son environnement, recréer des liens, gagner en sécurité. Il est donc gagnant/gagnant, pour le locataire et le bailleur social.
Autre bonne raison de prendre la question du logement senior à bras le corps ; de nombreux appartements HLM ne sont ni adaptés, ni adaptables. À titre d’exemple, sur l’Unité urbaine de Montpellier, 880 personnes âgées de 80 ans ou plus habitent dans un appartement sans ascenseur. Comment font-ils ?
L’habitat inclusif, qui serait selon les auteurs, exclusivement dédiés à l’habitat social, s’intégrerait particulièrement dans des politiques plus globales, telles que les « Actions cœur de ville », qui privilégient une approche longitudinale et non « en silos » des problématiques. Il peut constituer un outil de dynamisation de vie de quartier, et pourquoi pas un tiers-lieu aussi ?.
Alors, les bailleurs doivent-ils y aller ? Oui, mais…
Aujourd’hui, les plaintes des résidents de résidence autonomie soulèvent principalement des problématiques d’entretien technique et de rénovation. L’État a dû débloquer dernièrement 3 milliards d’euros destinés à la rénovation de 500 établissements médico-sociaux (Ehpad et Résidences Autonomies), très en retard sur la question.
À ce jour, les bailleurs sociaux peinent à assumer au fil de l’eau la maintenance ou la réhabilitation des infrastructures dédiées aux seniors. Ils ne pourront pas compter sur l’habitat inclusif pour leur faciliter la tâche à ce sujet.
L’habitat inclusif va devenir une proposition technique. Elle nécessitera la prise en compte d’une vétusté propre à tout logement accueillant de la perte d’autonomie, des charges de maintenance annuelles. Elle demandera un esprit de co-construction auquel le bailleur social ne devra pas déroger. Il devra donc faire preuve d’une forte implication pour un nombre de logements limité à la fois.
Le gestionnaire de l’habitat inclusif (« personne 3P ») pourra être une émanation du bailleur social ou une entité indépendante.
Mais quoi qu’il en soit, la philosophie de l’habitat inclusif consiste à permettre avant tout à ses occupants de « garder la main ». Dans les faits, tout sera une question de mesure entre nécessités pratique (notamment si l’on veut en déployer beaucoup) et prise en compte des souhaits des résidants ; pour chacun, un nouveau métier à appréhender fondé sur l’empathie et le respect de la souveraineté des habitants.
Par Frank Nataf, fondateur et président du réseau Auxilife. Vice-président de la Fedesap
Le développement de l’habitat inclusif constituerait un outil de valorisation important pour les auxiliaires de vie, car cela permet de faire évoluer beaucoup plus de monde. Aujourd’hui, seulement une auxiliaire de vie sur vingt devient responsable de secteur. L’habitat inclusif permet de multiplier les perspectives d’évolution de carrière.
Cela donne des perspectives qui motivent l’entrée dans la filière, grâce à des plans de carrière plus stimulants. Voilà qui peut contribuer à faire du domicile une vraie filière, au même titre que l’Ehpad ou l’hôpital.
Chez Auxilife, nous intervenons dans trois habitats inclusifs pour adultes handicapés et nous envisageons de développer nos propres structures pour trois raisons.
L’habitat inclusif contribue à l’attractivité de l’emploi. Ce modèle d’organisation nous aide à fidéliser les salariés en améliorant les conditions de travail. Quand on travaille en habitat inclusif, le salarié a tous les avantages du domicile. Pas de déplacements, pas de fractionnement, pas de minutage. Sa mission est plus riche, car il couvre aussi les besoins individuels de la personne. L’habitat inclusif peut faciliter la formation des équipes. Aujourd’hui, pour un SAAD, le formateur est en permanence en déplacement. Un habitat inclusif est un vrai vecteur d’inclusion.
D’autre part, même si ce lieu son un niveau d’activité ne sont pas suffisants pour être rentable, il peut servir de point d’appui localement. Pour développer une activité domicile, afin que les deux cumulés soient rentables.
En outre, nous sommes aussi sur une logique qui contribue à améliorer le fonctionnement des agences d’un point de vue économique. Par de la mutualisation ainsi que par des possibilités d’accueil temporaire pour des personnes accompagnées en habitat classique.
Et pour finir, l’habitat inclusif apporte une réponse au désir des personnes âgées dépendantes et handicapées de ne pas aller en établissement médico-social. C’est stimulant d’imaginer que le domicile peut se réinventer grâce à une offre complémentaire à l’existant. Et si en plus on relève le défi de le rendre rentable, un modèle pérenne assis sur un modèle économique qui tient la route, on a tout gagné.
5 Parce que l’habitat inclusif redonne le pouvoir à ses habitants
L’habitat inclusif qu’a imaginé le terrain
L’habitat inclusif, aussi appelé parfois habitat partagé ou accompagné, s’inspire directement du cohabitat, inventé dans les années 1970 dans les pays du nord de l’Europe.
Le principe : rassembler plusieurs foyers au sein d’un même lieu de vie — un bâtiment unique ou plusieurs pavillons disposés autour d’espaces extérieurs. Encourager leurs interactions au sein d’espaces partagés. Ces modes sont inclusifs quand ils permettent l’intégration de personnes âgées dépendantes ou de personnes souffrant d’un handicap (moteur ou psychique) et qu’ils facilitent l’accès à divers services. Par exemple, les commerces, transports, restaurants, etc.
Sur le papier, le modèle est séduisant, il invite les citoyens à se réapproprier la construction immobilière. Il propose une autre façon de penser l’habiter et le vivre ensemble.
Aller plus loin : habitat participatif et origines de l’habitat inclusif
La troisième voie
L’habitat inclusif est souvent perçu comme une « troisième voie » entre le domicile et l’institution.
- Il permettrait à ses résidents de rester chez soi tout en évitant la solitude.
- Il serait plus économique grâce à la mutualisation de certaines dépenses.
- Il permettrait de renouer avec le vivre-ensemble, encourageant une certaine mixité sociale ou intergénérationnelle entre les résidents.
- Enfin, il encouragerait l’autodétermination et la capacité à choisir et façonner son lieu de vie, un droit souvent dénié aux individus jugés trop dépendants par la société.
Les options de « troisième voie » semblent attirer les seniors. Le Conseil de l’âge a ainsi évalué à 155 000 le nombre de seniors vivant en résidence autonomie, résidence service ou habitat inclusif. Leur nombre devrait doubler d’ici à 2030.
Les habitats inclusifs considérés seuls restent quant à eux beaucoup plus modestes. Ils accueilleraient aujourd’hui seulement 3600 seniors. Ils pourraient en accueillir deux à trois fois plus en 2030, sans intervention de l’État.
Attention, ces chiffres sont incertains, car le recensement des initiatives n’est pas systématique. Leur catégorisation en tant qu’habitat inclusif reste aléatoire, ce qui explique que le nombre de personnes logées demeure difficile à évaluer.
6 Parce que l’habitat inclusif est dans le collimateur du législateur
Le gouvernement, prenant tardivement conscience des intérêts de l’habitat inclusif, a élaboré un cadre réglementaire afin d’encourager la naissance de nouveaux projets.
Quelques mesures ont été adoptées en ce sens depuis 2014 :
- Création des coopératives d’habitants dans la loi ALUR (2014),
- réforme des résidences services dans loi d’adaptation de la société au vieillissement (2015),
- définition du concept d’habitat inclusif et de son cahier des charges, identification du « porteur de l’habitat inclusif » et création d’un forfait de financements annuels à destination de ce porteur par la loi ELAN (2019).
- On peut noter également la mise en place d’un « Observatoire de l’habitat inclusif » réunissant les différents acteurs du secteur et l’élaboration d’un « guide de l’habitat inclusif » par la CNSA.
Ces mesures éparses, sans véritable cohérence, restent largement insuffisantes. En cause notamment la complexité pour monter des projets d’habitat inclusif. Leur coût important est difficile à supporter pour des acteurs isolés.
Et pourtant, l’habitat inclusif continue de séduire les pouvoirs publics. Sans doute parce qu’il il se positionne comme une réponse pragmatique et citoyenne à la situation ankylosée des établissements médico-sociaux — dans lesquels personne ne décide d’aller de gaité de cœur, qui coûtent cher à la collectivité et qui sont — de toute manière – trop peu nombreux pour répondre à la hausse de la demande.
C’est pourquoi le Premier ministre Édouard Philippe a commandé à mm Jacques Piveteau et Denis Wolfrom un rapport censé éclairer la situation et préparer la future loi Grand Âge et Autonomie.
Les rapporteurs sont allés plus loin que la lettre de mission en réinventant un concept de la cave au grenier. Leur habitat API se veut être la synthèse de toutes les formes d’habitat collectif pour les personnes en perte d’autonomie, du fait de l’âge ou du handicap.
Mais ils ont aussi restreint leur copie. Les consignes de la lettre de mission étaient d’élargir le champ des personnes souhaitant s’engager dans ces projets et d’aller au-delà du champ social et médico-social. Les auteurs ont préféré faciliter l’accès des seules personnes qui en bénéficient aujourd’hui, sans ouvrir l’habitat inclusif à d’autres populations.
Les trois points clés du rapport Piveteau Wolfrom
Par Timothé Miot
Le rapport Piveteau Wolfrom établit une liste de 56 propositions pour promouvoir ce qu’il nomme désormais « l’habitat accompagné, partagé et inséré dans la vie de la cité » (API). Les auteurs expliquent ce néologisme par leur désir d’aller au-delà du seul habitat inclusif.
Ce texte représente un changement radical dans la philosophie des politiques publiques ayant accompagné l’habitat inclusif jusqu’à aujourd’hui. Il reconnaît le rôle des collectivités et des bailleurs dans le montage des projets.
Les trois points essentiels du rapport sont :
- La reconnaissance du rôle des collectivités et des bailleurs dans les projets d’habitat inclusif,
- donner une place centrale au projet de vie partagée, colonne vertébrale de l’habitat inclusif,
- utiliser l’habitat inclusif comme pilier des politiques du logement, de l’accompagnement du vieillissement et du handicap.
Lire notre dossier complet : les trois points clés du rapport Piveteau Wolfrom
Que faut-il attendre du rapport Piveteau Wolfrom ?
Le rapport Piveteau Wolfrom tient absolument à clarifier les interactions entre les différentes entités publiques amenées à intervenir sur ces projets. Voilà une initiative louable si elle contribue à davantage de lisibilité pour les résidents.
Ainsi s’il représente à certains égards une révolution dans la considération politique apportée à l’habitat inclusif, le rapport Piveteau Wolfrom reste trop politique. Fonctionnant en vase clos, il concentre son attention sur le rôle des différents organismes publics et parapublics. Les auteurs ignorent le rôle fondateur des initiatives privées et les interactions souvent complexes entre les différentes catégories d’acteurs.
Les mesures qui seront finalement intégrées dans la loi Grand Âge restent encore incertaines. Néanmoins, beaucoup des propositions sont indépendantes les unes des autres.
Certaines propositions clés, comme la création d’une personne 3P et d’une certification ou la mise en commun facilitée de l’APA et de la PCH pourraient à elles seules faciliter et pérenniser les projets d’habitat inclusif.
Que l’on se tienne à la définition originelle ou que l’on choisisse l’approche élargie « Piveteau et Wolfrom », l’habitat inclusif apporte une réponse à des situations sociales. Mais il ne remplace pas les autres solutions d’hébergement pour personnes dépendantes du fait de l’âge ou du handicap.
7 Parce qu’il représente une alternative à l’EHPAD
Trois questions à Simon Vouillot, co-fondateur et co-dirigeant de Ages & Vie
Alexandre Faure : En quoi l’habitat inclusif peut-il, selon vous, repreésente une alternative à l’Ehpad ?
Simon Vouillot : Nous devons penser nos actions en empathie avec nos publics. À rebours de la logique administrative qui « prend en charge » des « usagers/bénéficiaires », je revendique une attitude de marketing social, qui vise à répondre aux envies/besoins des individus. L’EHPAD est utile, mais il est et restera un choix par défaut, pour les personnes qui ne trouvent pas d’autre solution.
Ages&Vie s’adresse aux personnes âgées dépendantes qui, malgré qu’elles ne puissent plus demeurer dans leur logement, souhaitent continuer de vivre à domicile. Je n’adopte pas un positionnement « contre », mais « à côté ». On peut parler d’alternative, dans la mesure où notre objectif est de redonner de la liberté de choix à l’individu qui, sinon, n’aurait que l’EHPAD comme horizon. L’habitat inclusif apporte une réponse à la dépendance s’il combine un habitat adapté à un fort niveau de services, le tout à un coût raisonnable.
Alexandre Faure: En quoi l’habitat inclusif est-il porteur d’un nouveau modèle économique pour l’aide à domicile ?
Simon Vouillot : Tournons nos yeux du côté de la petite enfance, un autre domaine grand pourvoyeur de services : la configuration « 1 pour 1” y est désormais ultra-minoritaire. Les jeunes enfants sont désormais massivement confiés à des microcrèches ou des assistantes maternelles, acteurs alternatifs à la crèche traditionnelle, qui allient petite taille et mutualisation des services. C’est un nouveau modèle économique, plus vertueux, plus souple.
L’accompagnement du grand âge évoluera dans le même sens. Aux côtés du traditionnel service d’aide à domicile qui gère des tournées d’auxiliaires de vie se rendant chez une personne à la fois, nous voyons apparaître de nouvelles formes de mutualisation. Elles diminuent les coûts sans nuire à la qualité du service. Chez Ages&Vie, pour un coût d’environ 2 h 15 d’aide à domicile par jour, nous accompagnons les gens 24 h sur 24 h et 365 jours/an !
Alexandre Faure : Que devient alors le rôle des aidants traditionnels ?
Simon Vouillot : Là encore, soyons en empathie avec notre public : que désirent profondément les aidants et les aidés ? Tout montre qu’une fois allégée du fardeau des tâches subies — déléguées à des professionnels à qui l’on peut faire confiance —, la relation s’épanouit en se concentrant sur l’essentiel : le lien affectif. Si les professionnels accompagnent en gardant la bonne distance émotionnelle, ils instaurent une alliance vertueuse entre aidants, chacun prenant soin au bon niveau.
Nous sommes dans le registre de l’humain, des sentiments et des émotions. L’équilibre est instable, nous devons le préserver en permanence. Chaque forme d’habitat inclusif doit clarifier et gérer son cadre d’intervention propre, anticiper les conflits qui ne manqueront pas d’apparaître, connaître et faire respecter les limites de chaque aidant, soutenir chaque acteur. Chez Ages&Vie, nous consacrons une grande énergie au respect des limites professionnelles et à la gestion des émotions. 80 % de nos actions de formation continue portent sur le savoir-être et le respect d’un cadre que nous peaufinons depuis 12 ans.
Conclusion : Quand on doit passer à l’action
« Accueillir un adulte handicapé en habitat inclusif contribue au bien-être de la famille et à celui du bénéficiaire. Cette démarche développe son autonomie. C’est aussi une action préventive. Les parents vont disparaître avant les enfants, ou bien ils ne seront plus en mesure de s’occuper d’eux. L’organisation devra alors changer. Devonsnous attendre le dernier moment et agir dans l’urgence, ou bien anticiper et choisir la meilleure des solutions quand on a le temps d’y réfléchir ? »
Maïlys Cantzler, fondatrice de Omnia
Personnes âgées et adultes handicapées ont besoin d’un lieu de vie qui s’adapte à leurs limitations fonctionnelles. Puisque l’institution ne peut pas — et ne pourra pas — répondre à toutes les demandes, nous devons passer à l’action.
La transition démographique annonce une augmentation massive du nombre de personnes dont l’autonomie dépend d’un tiers. Les logements ne sont pas assez adaptés, les aides humaines trop peu nombreuses. On aurait tort de trop vouloir s’appuyer sur les aidants familiaux dont le nombre n’augmentera pas aussi vite que celui des personnes à aider dans les 30 prochaines années.
L’habitat inclusif peut être une réponse citoyenne à cette situation. Il permet à chaque collectivité d’inventer une forme locale de vivre ensemble. Mais, on l’a vu dans ce dossier, le parcours est semé d’embûches et le recours à un guide expérimenté est plus que recommandé.
En outre, malgré l’engouement suscité par ce modèle alternatif et adaptable, l’habitat inclusif ne pourra exister réellement qu’à condition de bénéficier d’une meilleure compréhension de la part de tous les décideurs.
Notre rôle est de contribuer à ce changement de paradigme en communiquant plus et mieux à ce propos.
Annexes
Qui sont les contributeurs
Hervé Andriot : Président de Société Inclusive, un cabinet-conseil qui accompagne les collectivités et les promoteurs dans leurs projets d’habitat collectif senior.
Frank Nataf : Président de Auxilife et vice-président de la Fedesap
Simon Vouillot : co-fondateur et co-dirigeant de Ages & Vies, une entreprise qui crée et exploite des colocations pour personnes âgées
Maïlys Cantzler : fondatrice et présidente de Omnia, une entreprise qui crée et exploite des colocations pour adultes cérébrolésés.
Découvrez le travail de Maïlys et ses colocations dans notre article : Le Club des 6, une super colocation pour adultes handicapés.
Timothé Miot est étudiant et rédacteur spécialiste de l’habitat inclusif pour Sweet Home.
L’auteur
Alexandre Faure est le dirigeant – fondateur de Sweet Home.
Sweet Home, c’est un média dédié à tous les professionnels de l’habitat senior.
Sweet Home, c’est aussi un service d’accompagnement qui aide ces professionnels à se faire entendre en créant des opérations de communication adaptés à leurs besoins, à leurs publics et à leurs objectif.
L’habitat inclusif et alternatif (à l’Ehpad) est notre sujet phare depuis plus de deux ans. Nous y avons consacré de nombreux articles parus sur le Média Sweet Home.
Nous avons organisé des campagnes de communication pour des entreprises, des collectivités territoriales et des associations.
Notamment :
- Réalisation du livre blanc « L’habitat inclusif en pratique », pour Ages et Vie,
- Réalisation du livre blanc « Quel potentiel de développement pour l’habitat collectif senior de votre commune », pour Société Inclusive
- Organisation et animation d’une réunion publique participative sur l’habitat inclusif pour la mairie de Mitry-Mory,
- Organisation et animation d’un débat public sur la cohabitation intergénérationnelle pour la mairie de Paris,
Nous travaillons exclusivement sur des projets en rapport avec le grand âge et le handicap. C’est notre spécificité et notre valeur ajoutée. Nous sommes des spécialistes au service de spécialistes.
Pour toute demande sur les services de Sweet Home aux professionnels, contactez directement alexandre@sweet-home.info.
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