Bonjour chers lecteurs, depuis quelques temps, je me demande pourquoi 9 personnes sur dix déclarent vouloir vieillir chez soi.
Pourquoi tient-on tant à vieillir chez soi ?
J’ai cherché la réponse dans les écritures (pas les écritures saintes, mais plutôt de très bons travaux de sociologie, de formidables thèses d’architecture et de très bons ouvrages de démographie et d’histoire).
J’ai également pris le temps d’interviewer des personnes de tous âges pour avoir leur propre avis.
J’ai aussi posé la question à une gériatre, une ergothérapeute, la fondatrice d’un accueil de jour et plusieurs entrepreneurs. Mes sources sont unanimes : tout le monde veut vieillir chez soi parce que c’est mieux. Dernièrement, j’ai réalisé qu’il y a une personne à laquelle je n’avais pas posé la question, c’est moi.
Vieillir chez soi. Est-ce ce que que je veux pour moi ?
Cette question, je me la suis faite poser lors d’une interview (la première fois que je suis interviewé pour une émission télé sur le logement des personnes âgées).
A la fin de l’échange, le journaliste m’a demandé comment et où je me voyais vieillir.
Sur le coup, je n’ai pas été capable de lui répondre. C’est dur de se projeter à plusieurs décennies en avant.
Quand bien même l’EHPAD d’aujourd’hui ne me fait pas rêver, je me demande à quoi ressemblera le paysage du domicile pour personnes âgées quand j’en serai devenu une.
Est-ce qu’alors, mon désir sera de vieillir chez moi ? J’avoue que je n’en sais rien.
Savez-vous pourquoi ?
Pour la même raison que les 9 français sur dix qui déclarent vouloir vieillir chez soi.
On ne se pose pas cette question avant que la question se pose.
Vous-mêmes, si vous êtes en pleine possession de vos moyens, vous êtes-vous déjà posé la question ?
A priori non.
C’est une question que l’on se pose quand notre autonomie se dégrade.
Vous êtes immobilisé, vous déplacez en fauteuil roulant et vous découvrez soudainement les trois marches pour entrer dans le hall de votre immeuble et l’ascenseur qui n’est pas assez large pour votre fauteuil.
Vous sortez d’hospitalisation après une chute et une station prolongée au sol. Vous avez peur de tomber à nouveau. Vous n’osez plus vous déplacer. Chaque meuble, chaque tapis, chaque lampe est un piège.
Un matin, vous vous réveillez avec un terrible mal de dos et vous découvrez que vous ne pouvez plus bouger, ni vous lever, ni appeler personne, ni même atteindre votre téléphone resté dans la pièce à côté.
A ce moment là, vous réalisez que votre domicile n’est plus tout à fait adapté. Et vous réfléchissez aux moyens d’y remédier.
Car pour rien au monde, vous ne voudriez quitter ce chez soi où vous êtes si confortablement installé.e depuis tant d’années.
- Ce fauteuil idéalement placé,
- Ce guéridon pile à la bonne hauteur pour poser votre tasse de thé,
- Cette lampe qui éclaire parfaitement votre livre.
- L’agencement de votre intérieur,
- Sa décoration,
- Son odeur.
Ce quartier que vous connaissez comme votre poche :
- les raccourcis,
- les commerçants,
- les voisins,
- le square où vous allez méditer,
- la piscine où vous allez nager.
L’attachement à notre domicile est un sentiment qui se développe avec le temps et s’ancre. Si nous aimons tant ce lieu, malgré ses défauts (et ils en ont tous), c’est parce qu’il s’est adapté à nous. A notre corps. A nos habitudes. C’est d’ailleurs le seul endroit où nous dormons vraiment bien. Le seul endroit où nous sommes vraiment à l’aise et en confiance.
Choisir un nouveau chez soi.
Votre domicile ne répond plus à vos attentes et vous décidez consciemment de le quitter pour un autre chez soi plus adapté.
Un autre chez soi que vous choisirez, que vous meublerez, que vous habiterez et qui s’adaptera à son tour à votre être.
Mais hélas, aujourd’hui, dans bien des cas, la personne âgée n’a pas choisi le domicile que lui impose sa fragilité.
Bien souvent, ce nouveau domicile que lui imposent ses proches ou son médecin en lui arrachant son consentement ou en s’en passant ne deviendra jamais un chez soi.
Etre en EHPAD, ce n’est pas être chez soi.
Ce n’est pas moi qui le dit. J’ai une nouvelle amie. Elle travaille dans le PASA d’un EHPAD privé de 80 lits. Elle me raconte que la moitié des résidents pensent sincèrement qu’ils vont bientôt rentrer chez eux. Qu’ils sont seulement ici en transit provisoire. Comme à l’hôtel et que leur chez soi les attend. Et non, je ne parle pas uniquement des personnes atteintes d’Alzheimer.
Pour la plupart des résidents qui n’ont pas choisi d’être en EHPAD, l’EHPAD ce n’est pas être chez soi.
Il faut bien le reconnaitre, certains nouveaux EHPAD ressemblent vraiment à des hôtels modernes.
A tel point que les résidents n’osent plus personnaliser leur chambre comme c’était le cas auparavant. Tout semble tellement carré, net, pensé qu’il n’y a plus aucune place pour importer un peu de son chez soi dans sa chambre d’EHPAD et se recréer ce cocon bienveillant qu’on appelle son chez soi.
Finalement, peut-être que la vraie question n’est pas le domicile.
La vraie question, c’est de pouvoir choisir.
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