La télémédecine résout-elle le problème des déserts médicaux ?

enjeu déserts médicaux

La télémédecine est un service de consultation médicale à distance. Expérimentée en France depuis plusieurs année, les consultations en télémédecine sont remboursées par la Sécurité sociales, au même titre qu’une consultation en cabinet médical, depuis le 15 septembre 2018.

Dans cet article, je vous explique plus en détails comment fonctionne la télémédecine et j’essaye de voir si cette solution apporte une réponse satisfaisante au problème des déserts médicaux.

C’est quoi le problème des déserts médicaux ?

Vous le savez, en France, nous avons un problème de raréfaction des médecins.

Les médecins libéraux âgés partent à la retraite et ils n’ont personne pour reprendre leur patientèle.

Le problème se pose d’ailleurs avant même leur départ en retraite : il est très difficile de trouver un médecin traitant sur certains territoires car les médecins ont déjà tous leur « quota » de patients. Ils ne peuvent pas accepter de nouveaux patients en tant que médecin traitant au risque de dégrader la qualité de leur service et de ne plus être en mesure de répondre à la demande de leurs patients.

Plus assez de médecins

La France est aujourd’hui confrontée à un assèchement de l’offre de soins sur son territoire. Un enjeu de santé publique qui est actuellement visible dans certaines régions défavorisées, isolées géographiquement et mal desservies. 

Les médecins ne sont plus en mesure de répondre à 100% de la demande sur leur territoire. Et quand ils partent finalement à la retraite, leur remplacement n’est pas garanti.

Le problème se fait sentir dans beaucoup de départements Français, y compris en Ile-de-France.

Un phénomène qui est susceptible de s’accentuer dans les prochaines années en raison du nombre grandissant de médecins libéraux partant en retraite et du déficit de jeunes médecins amenés à prendre leur relève.

Ainsi, des pans entiers du territoire français se retrouveront sous dotés en professionnels de santé, ce qui aura pour conséquence une perte d’accessibilité aux soins pour les Français résidents.

Vous pensiez que le problème ne concernait que la province et les zones rurales ? C’est effectivement de ces territoires qu’il est le plus souvent question. Cependant, un article du Parisien, relayant une étude de l’ARS Ile-de-France révèle que le plus grand désert médical français, c’est l’Île de France

Les causes des déserts médicaux :

  • Dans les Zones rurales : La difficulté du travail, la durée des déplacements, un mode de vie peu compatible avec une vie de famille, une balance avantages / inconvénients défavorable,
  • Dans les Villes moyennes : Un travail rendu difficile par les carences en médecins : c’est la terrible spirale du désert médical. Les médecins en cabinet déplorent les cadences, le nombre de patients par jour et une qualité de service dégradée. Là aussi la balance avantages / inconvénients est défavorable.
  • En Ile-de-France : les coûts immobiliers sont un frein à l’installation d’un jeune médecin et le rapport revenu / dépenses n’est pas favorable à l’implantation dans les territoires les plus désertifiés. 
  • Sur l’Ensemble du territoire : La carence a une double cause : le départ en retraite des médecins nés avant 1960 (les baby boomers) et un numerus clausus particulièrement restreint sur la génération de médecins formés dans les années 1980 et 1990 : Entre 1976 et 1998, le nombre de médecins formés par an est passé de 9 500 à 3 500!
  • Des Spécialités mal loties : certaines spécialités plus exigeantes que rémunératrices souffrent d’une carence encore plus marquée. C’est le cas de la gériatrie, pénalisée par une tarification inadaptée. Je vous explique le problème en détail dans cet article : La gériatrie manque de médecins, pourquoi ?

Quelles sont les réponses possibles au problème des déserts médicaux

Puisque nous savons que dans les vingt ans à venir, le nombre de médecins formés ne suffira pas à compenser les départs en retraite des médecins âgés et que les conditions d’installation dans certaines zones sont tendues et/ou ne séduisent plus les jeunes médecins, que faire ?

Si vous résidez dans un désert médical, vous avez malheureusement peu d’options, mis à part celle de déménager vers une zone mieux irriguée en médecins ou de faire du forcing auprès de vos élus. En effet, les seuls qui puissent vraiment agir pour apporter des réponses à ce problème, ce sont nos élus. 

Les cartes sont entre les mains de l’Etat et de vos élus locaux. Que font-ils ?

Première idée : Ils font des offres alléchantes, avec appartement de fonction, avantages en nature et rémunération garantie.

Hélas, cela ne suffit pas toujours. Soit personne ne veut venir, soit les médecins approchés font de la surenchère. Et comme le budget de la mairie est contraint, les édiles sont parfois tentés d’opter pour un plan B : 

Deuxième idée : Ils recrutent un médecin à l’étranger.

Selon le Figaro, plus de 22 000 médecins diplômés à l’étranger exercent en France.

Cela représente 7% de l’ensemble des praticiens !

Ces médecins viennent de pays d’Europe avec lesquels des équivalences de diplômes existent.

Rassurez-vous, la France n’est pas le seul pays touché par cette pénurie. Tous les pays d’Europe du Nord subissent cette crise.

Et nous allons tous chercher des médecins étrangers dans les pays du Sud et de l’Est du continent.

Nous les recrutons à l’occasion de foires aux médecins organisées plusieurs fois par an à Bucarest, Budapest ou Varsovie. Les médecins diplômés à l’étranger bénéficient d’un meilleur salaire dans des conditions de travail plus agréables que dans leur pays d’origine… qui souffre également du problème de désertification du fait de cet exode massif de jeunes médecins !

Le business est pris en charge par des agences de recrutement spécialisées qui sont les grandes gagnantes de ce mercato médical.

Le ticket d’entrée implique l’apprentissage de la langue du pays accueillant par le jeune médecin et un engagement à rester en poste pendant une durée déterminée. 

Sachez enfin qu’au petit jeu de la concurrence internationale, les médecins français sont parfois tentés d’aller exercer dans les pays frontaliers qui payent mieux. C’est ainsi que les départements frontaliers avec la Suisse subissent la dure concurrence de la Confédération Helvétique qui paye mieux les médecins… et attire donc certains praticiens français, accroissant encore le problème de désertification.

Troisième idée : Ils ouvrent des cabinets médicaux municipaux 

Cette idée résout partiellement le problème des déserts médicaux mais pas celui de l’éloignement entre le médecin et votre domicile.

C’est un cabinet médical administré par la collectivité. Elle prend en charge le volet administratif et la gestion du bâtiment.

Les médecins sont soit locataires et exercent en libéral soit, le plus souvent salariés…. avec les contraintes (le salaire) et les avantages (les horaires).

Cette solution permet aussi d’assurer une rotation du personnel, offrant un service continu à la patientèle. 

BIen entendu, les idées sont compatibles et il n’est pas rare qu’un médecin étranger bénéficie d’une opération séduction de la mairie pour rejoindre un cabinet médical municipal ! 

Quatrième idée : Ils fondent leur espoir dans les nouvelles technologies et ouvrent un cabinet en télé-consultation. 

Nous y voila. La télémédecine est perçue par beaucoup de monde comme LA réponse idéale au problèmes de déserts médicaux. Voyons un peu de quoi il est question.

Pour comprendre la télémédecine en quelques secondes, je vous invite à découvrir en quoi consiste la télémédecine dans cette petite vidéo que j’ai bricolée pour vous aider.

La télémédecine, comment ça marche ?

La télémédecine est un système de consultation à distance qui permet à une personne n’ayant pas la possibilité de se déplacer dans un cabinet médical pour une consultation en présentiel de bénéficier d’une consultation à distance.

En télémédecine, il y a donc un nouvel acteur qui s’immisce entre le patient et le médecin : le service numérique qui relie les deux !

Car le marché est libéralisé et le remboursement de ces consultations par la Sécurité sociale depuis septembre 2018 a comme effet une croissance de l’offre de services, par une multitude de plateformes aux services équivalents.

Pourquoi les services de télémédecine sont-ils équivalents ?

Pour deux raisons :

  1. Pour des raisons de périmètre : compte tenu de la sensibilité des données échangées, l’activité est réglementée et les opérateurs qui souhaitent proposer une liaison de télémédecine à des patients isolés doit montrer patte blanche à l’ARS, la CNIL et l’Ordre des Médecins. Elle doit en outre stocker ses données chez un hébergeur certifé par la Haute Autorité de Santé (HAS).
  2. Pour des raisons de remboursement : Le service ne sera accepté par les Français que s’il offre une prestation à un tarif équivalent à celui de la médecine de ville et si le coût est pris en charge par la Sécu et les mutuelles. Les services doivent donc proposer des services au prix « médecine de ville conventionnée »

Partant de là, il est aujourd’hui difficile de distinguer des services qui offrent tous peu ou prou la même chose.

Cependant, on peut distinguer trois grandes familles de systèmes de télémédecine :

La télémédecine en cabinet médical.

C’est l’option envisagée par les municipalités : elles disposent d’un local mais pas d’un médecin. Elles aménagement donc le local en cabinet médical, installent un pupitre de télémédecine, recrutent une infirmière et réalisent les consultations à distance : les patients dialoguent avec le médecin, l’infirmière relève les constantes nécessaires à la pose du diagnostic, le médecin peut envoyer l’ordonnance qui s’imprime directement dans le cabinet.

La télémédecine en pharmacie, Ehpad, relais de soins.

C’est une option très voisine de la première. Elle fait également appel à un professionnel de santé présent avec le patient, qui accomplit les relevés de constantes pour aider le médecin travaillant à distance.

Pour les pharmacies, ce système est rendu possible par un accord signé entre la CNAM et les principaux syndicats de pharmaciens. Cet accord prévoit plusieurs niveaux d’aide :

  • Equiper les officines des objets médicaux connectés,
  • Assurer la maintenance des équipements
  • Indemniser le pharmacien pour son temps passé dans l’accompagnement des soins.

La condition sine qua non est de disposer d’un espace de confidentialité pour réaliser les consultations. Celles-ci ne peuvent pas se dérouler devant tout le monde !

La télémédecine au domicile

C’est une offre un peu différente des deux précédents puisque le patient est en tête à tête avec son médecin, depuis son domicile. Il n’y a donc pas de professionnel de santé avec le patient pour assister le médecin et relever les constantes.

Le service est néanmoins remboursé par la Sécurité sociale au même titre que les autres services de télémédecine.

A l’instar des plateformes de services que nous utilisons pour trouver une baby sitter, une femme de ménage ou une maison pour les vacances, vous naviguez entre les profils de différents médecins, spécialistes ou généralistes et vous choisissez celui avec lequel vous souhaitez consulter.

Les seules différences notables sont :

  • Un prix fixe (le barème de la Sécurité sociale),
  • Pas de notes pour départager les praticiens (ça ne serait pas très éthique !).

Ces dispositifs apportent tous une réponse au problème des déserts médicaux. Cependant, la télémédecine ne résout pas totalement le problème des déserts médicaux et ce pour trois raisons.

La télémédecine ne résout pas complètement le problème des déserts médicaux

  • La télémédecine ne résout pas le problème de carence de certains spécialistes. Comme je l’explique dans mon article consacré au manque de gériatres (lien plus haut dans cet article), le nombre actuel de nouveau gériatres est très insuffisant pour répondre au défi de la transition démographique. Même en supposant que tous les gériatres fassent de la télémédecine, ils seront toujours trop peu nombreux par rapport à l’augmentation du nombre de personnes âgées.
  • La télémédecine ne résout pas le problème des actes médicaux : lorsqu’une action du médecin est nécessaire, ou lorsque le diagnostic nécessite un équipement spécifique, la télémédecine n’apporte pas encore de réponse.
  • La télémédecine ne peut correctement fonctionner que si une infirmière ou un pharmacien peuvent assister le médecin et réaliser les mesures de constantes.

Loin de moi l’idée de dramatiser ou critiquer un système qui apporte tout de même une réponse à un problème aigu. La télémédecine n’en est qu’à ses débuts et on peut espérer que le système saura s’adapter à l’évolution de la société.

Il faut toutefois savoir raison garder. La télémédecine est un moyen, pas une fin !

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