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Pour (enfin) Comprendre les malades d’Alzheimer

malade alzheimer

Comprendre ce que ressent un malade d’Alzheimer et comment il interragit avec son entourage. Un texte écrit par Caroline Deligny, psychomotricienne. Caroline est l’animatrice et la co-fondatrice de La Maison des Cultures, une colocation Alzheimer installée à côté de Fontainebleau. Sa maison offre une alternative à l’Ehpad aux personnes atteintes de troubles cognitifs et à leur famille. Un projet de Silver économie.


Comment j’ai appris à comprendre les malades d’Alzheimer

Alors que j’étais étudiante en psychomotricité, j’ai dû m’occuper de ma grand-mère, atteinte de la maladie d’Alzheimer. Notamment lors d’un séjour d’une dizaine de jours durant lequel je me suis installée chez elle, libérant et soulageant ainsi son conjoint, son « aidant ».

Si  j’en avais l’intuition, j’ai vu à quel point ce sont des petites choses, très simples, qui pouvaient l’apaiser, ou au contraire, l’énerver. Comme par exemple ce retour de promenade où elle voulait absolument ramener des bûches dans le coffre de la voiture (ramassée et portées par ses soins), pour réchauffer la maison ce soir (en plein mois d’août et sans cheminée). Mes explications calmes, mais insistantes, ont eu raison de son idée « Mais je fais tout de même ce que je veux chez moi » !

En emmenant ces bûches, j’avais évité de lui renvoyer en face l’ineptie de la situation, j’avais respecté ses actions, valorisantes et pleines de sens pour elle, de projeter une soirée agréable au coin du feu. Bien sûr, arrivée à la maison, j’ai profité des troubles de la mémoire à court terme pour moi aussi les « oublier » discrètement dans un coin du jardin !

L’objectif était atteint : la relation de confiance. Notre complicité n’a pas été mise à mal.

Comment la maladie d’Alzheimer bouscule l’équilibre d’un foyer

Par la suite, mon travail a consisté à accompagner les personnes ayant une maladie d’Alzheimer et leurs aidants à domicile, en créant une Équipe Spécialisée Alzheimer (ESA), et en EHPAD, en créant un Pôle d’Activité Spécialisé Alzheimer (PASA).

Ces deux services sont dédiés à ces personnes, et ce ne sont pas les troubles de la mémoire qui sont au centre des préoccupations.

Finalement, quand on dit que la maladie d’Alzheimer est une problématique sociétale, c’est parce qu’elle s‘invite dans une famille et que la perte des capacités cognitives bouscule l’équilibre durement acquis d’un couple, d’une famille, d’une personne seule.

La recherche d’un nouvel équilibre, permettant à chacun d’avoir des repères, est constante, mais vaine. Inexorablement, la maladie progresse et la personne change de jour en jour.

La maladie d’Alzheimer dégrade nos aptitudes sociales

C’est aussi sociétal car la maladie d’Alzheimer vient toucher exactement les aptitudes sur lesquelles sont fondées notre société.

Une fois l’enfance passée, la vie sociale jouant son rôle, nous revêtons un certain masque social. Nous respectons les codes sociétaux. Dire que notre collègue fait du bruit en mangeant ou envoyer paître quelqu’un qui ne nous revient pas dans une réception, cela ne se fait pas.

Nous passons nos journées à nous organiser, à prévoir, à projeter, en référence au passé, au moment présent et au futur. Parfois à tel point que nos ressentis passent au second plan. C’est la raison, l’intellect, qui prennent le dessus.

Hors ce sont les fonctions exécutives comme la planification, l’inhibition, la stratégie, la flexibilité mentale qui sont atteintes par la maladie d’Alzheimer.

Ce qui perdure, et même à un stade très avancé de la maladie d’Alzheimer, ce sont les émotions, les ressentis. Et puisqu’ils ne sont plus « protégés » par les fonctions « raisonnables », ce vécu est à nu, au plein jour, n’a pas de filtre. 

« Les mots partent, l’émotion reste »

Ainsi Mr ou Mme X, atteint de la maladie d’Alzheimer, va être extrêmement sensible à son environnement direct et au climat relationnel.

Comment la Maison des Cultures fera changer le regard sur la maladie d’Alzheimer

C’est pour ces raisons que la qualité de l’environnement est très importante. 

En partant de ce constat, j’ai imaginé une maison familiale, conviviale, réunissant ces idées. Elle doit permettre aux personnes malades de continuer à trouver du sens à leur vie. Se sentir bien quels que soient leurs troubles.

Je suis convaincue qu’en voyant ces personnes se promener dans leur quartier, ou en partageant un moment festif, les habitants pourraient changer leur regard sur cette maladie.

J’ai rencontré 3 formidables femmes dans mon village, à Thomery (77). Nous partageons cette vision. Nous avons créé l’association Maison des Cultures. L’association doit développer cette nouvelle solution d’habitat et d’accompagnement dans le sud de la Seine-et-Marne.

Nous avons créé un site internet et nous envoyons chaque mois une newsletter dans laquelle nous partageons nos avancées. Je publie également des articles de blog où je raconte mon quotidien au contact de malades d’Alzheimer.

La maison des cultures est un habitat partagé et accompagné

L’hébergement de personnes atteintes par Alzheimer demande quelques précautions. Nous avons décidé de créer un habitat partagé et accompagné, ou habitat inclusif.

Ce type d’habitat groupé est désormais encadré par la loi Elan. Il mérite de se développer vu notre contexte économique et sociétal. 

Qu’est-ce qu’un habitat partagé et accompagné ?

L’habitat partagé et accompagné est un logement adapté, assorti d’une aide aux besoins des habitants. Ces derniers sont impliqués dans le projet de vie social du lieu. Ces logements sont situés à proximité des centre-ville. Ce qui doit favoriser la participation sociale et les échanges avec les autres habitants du quartier.

Le cahier des charges doit prévoit la présence d’un animateur professionnel. Il assure la coordination et l’animation du projet de vie sociale. C’est à dire : le lien avec les partenaires et l’implications des parties prenantes. Il doit médiatiser la relation : c’est ce qui fait toute la différence avec d’autres dispositifs.

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