La dénutrition, un enjeu majeur de santé publique

lutter contre la dénutrition

La dénutrition est un état pathologique résultant d’apports nutritionnels insuffisants en regard des dépenses énergétiques de l’organisme. Ça, c’est pour la définition clinique. Mais parce que vivre c’est manger – la vie n’étant jamais si belle que lorsqu’elle est à croquer – cette maladie n’est pas tout à fait comme les autres et recèle une forte dimension symbolique et humaine. Parce qu’elle touche au plaisir de vivre, de bien manger, de partager. 

La dénutrition se singularise également par son ampleur, sa prévalence. En effet, la pathologie touche aussi bien la petite enfance que les personnes âgées, et elle n’est pas réservée aux gens maigres ; elle peut par exemple concerner les personnes obèses qui suivent des régimes trop restrictifs.

La dénutrition en chiffres

Selon les données recueillies par le Collectif de lutte contre la dénutrition, la maladie c’est :

  • 2 millions de victimes en France,
  • dont 270 000 résidents d’Ehpad,
  • et 400 000 personnes âgées vivant à domicile.

20 à 40% des patients à l’hôpital seraient dénutris et 1 enfant hospitalisé sur dix, dont la moitié des enfants âgés de moins de 3 ans.

40% des cancéreux et la même proportion des malades d’Alzheimer sont dénutris.

Enfin, 40% des personnes âgées sont hospitalisées pour des conséquences directes de la dénutrition.

Aller plus loin : Covid-19, trois recommandations pour éviter la dénutrition, par Eric Fontaine et Agathe Raynaud-Simon

Le collectif de lutte contre la dénutrition

Le collectif de lutte contre la dénutrition est né en 2016, à l’initiative du professeur Eric Fontaine, alors président de la Société francophone de nutrition clinique et métabolisme et qui est aujourd’hui le président du collectif de lutte contre la dénutrition. Le collectif a un statut d’association loi 1901.

Aujourd’hui, dans un pays d’abondance comme la France, la dénutrition tue. On dispose dans l’absolu de tous les savoirs et toutes les solutions pour empêcher cela, mais rien ou trop peu n’est fait, faute de moyens et de prise de conscience.

Éric Fontaine, “maigrir c’est mourir”

Aller plus loin : lire notre interview du Professeur Eric Fontaine

Le collectif regroupe une centaine d’acteurs de la société civile, venant d’horizons divers : professionnels de santé  (médecins, diététiciens, chirurgiens-dentistes, kinésithérapeutes, ergothérapeutes, pharmaciens), des associations de patients, des aidants, des proches et usagers des établissements de santé,  des élus,  des anthropologues, des sociologues, des philosophes, des économistes, des gestionnaires, des acteurs de l’économie sociale et solidaire et de la nutrition clinique, des personnalités religieuses et politiques.

A l’automne 2016, le collectif a publié sous forme de livre son « Manifeste de lutte contre la dénutrition », regroupant 47 témoignages et interview de médecins, responsables d’associations et de patients, chercheurs.

Une première série de propositions avaient alors été mises en avant. Une pétition grand public avait été mise en ligne, recueillant plus de 5.000 signatures.

Depuis, le collectif a mené un travail de sensibilisation auprès des pouvoirs publics et des acteurs concernés, rencontrant les autorités administratives (le cabinet du Premier ministre ; au ministère de la santé, la direction générale de la santé, la direction générale de l’offre de soins, la direction générale de la cohésion sociale ; Santé Publique France), les professionnels de santé (ordres de médecins et de pharmaciens…).

Semaine nationale de la dénutrition

En 2020, le Collectif de Lutte contre la dénutrition est chargé par l’Etat français d’organiser, animer et coordonner la semaine nationale de lutte contre la dénutrition. Celle-ci aura lieu du 12 au 19 novembre 2020.

Aller plus loin : informations et participation à la semaine nationale de la dénutrition.

40 voix contre la dénutrition

Parce que la dénutrition accroît le risque d’infections nosocomiales, de complications postopératoires, d’escarres, de séjours prolongés en hôpital, de décès, et surtout parce qu’elle interroge l’humanisme au coeur même de notre système de soins, l’urgence de mieux faire connaître la maladie n’a cessé de s’affirmer, conduisant en 2016 le Collectif de lutte contre la dénutrition à orchestrer une véritable campagne de sensibilisation à son sujet. 

Et quel meilleur vecteur de prise de conscience que les réflexions juxtaposées des témoins les plus qualifiés de notre époque, chacun dans son domaine de compétence qu’il soit politique, médical, psychologique, diététique ou religieux. C’est en ce sens que le Collectif a interviewé une quarantaine de figures faisant autorité pour leur donner la parole, et amplifier la portée de leur propos collectif. 

Une parole pour dénoncer l’incrédulité 

Pour les politiques, la dénutrition est d’abord une maladie qui s’ignore, ou que l’on ignore, faute de connaissances suffisantes, de sensibilisation ou de prise de conscience de son importance. Liberté. Egalité. Incrédulité… on aurait envie de dire. Et ainsi, Jérôme Guedj d’affirmer : “Nous sommes incrédules face à la dénutrition qui n’est pas médiatisée et sa reconnaissance constitue un aveu d’échec de nos sociétés”. 

Nutritionnistes et diététiciens insistent eux-aussi sur la méconnaissance de la maladie. “Les patients ne sont généralement pas conscients de la gravité de la dénutrition”, précise Marie-France Vaillant, diététicienne. Les praticiens de l’alimentation présentent leurs frustrations, mais expliquent leurs initiatives et leurs avancées. 

Les enjeux sont parfois différents en fonction des catégories de patients. Pédiatres et gériatres forment deux collèges aux approches spécialisées et adaptées ; les maladies du grand âge ne sont pas celles de la petite enfance et les enjeux du développement et de la croissance ne sont pas ceux du bien bien vieillir. 

Ils décortiquent les mécanismes de la dénutrition, ses liens étroits avec la malnutrition, la fragilité, la sarcopénie, l’isolement, la solitude, la convivialité, la mobilité physique et la dépendance. Et les religieux de décrire, quant à eux, les liens avec la spiritualité.

Le milieu associatif n’est pas en reste. Lui aussi décrit les cercles vicieux et cercles vertueux. Il insiste particulièrement sur l’urgence de repenser l’approche globale des soins. 

Si chacun se focalise sur des spécificités propres, tous s’accordent sur le plaisir comme vecteur de travail, de soin, d’efficacité et finalement, de sens et d’humanité.

Le paradoxe de la chance

Enfants, adultes et personnes âgées réunis, la dénutrition concerne environ 30 % des malades hospitalisés, et c’est d’ailleurs à l’hôpital que se concentre le plus de dénutris. “Pourtant l’hôpital représente un lieu particulièrement propice au diagnostic de la dénutrition et au démarrage de la prise en charge nutritionnelle, qui pourra ensuite être poursuivie à domicile.” relève Agathe Raynaud-Simon, gériatre. C’est donc potentiellement une immense chance. 

Mais la France semble peiner à saisir cette chance. Rappelons que c’est au pays des plaisirs épicuriens de la bouche et de la table que l’on trouve les pire plateaux repas en établissements…

Des cris d’alarme s’élèvent pour alerter sur le risque de transformer les établissements en “usines à soins techniques” s’indigne Frédéric Pierru, Sociologue : “La tarification à l’activité (T2A) joue contre tout ce que l’on considère abusivement comme périphérique au soin (entendu comme « cure ») à proprement parler. Le climat d’urgence budgétaire conduit les établissements à considérer tout ce qui appartient au médico-social, au psychologique, à la logistique, et, plus généralement, au care, comme non urgent. … Des soins de qualité ne passent pas seulement par le high-tech, mais par une considération de la globalité de la personne malade. L’humanisme n’est pas le supplément d’âme de la médecine industrielle. Il est la condition même de l’efficacité de cette dernière.”

Si tous les experts attestent d’une situation alarmante, une volonté, un enthousiasme partagé pour les premiers jalons, et une confiance en l’avenir se dégagent néanmoins de l’ensemble des témoignages recueillis par le Collectif de lutte contre la dénutrition.

Un enthousiasme, certes, mais aussi un appel à plus de soutien et de relais.  

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