Quelle est la différence entre vieillesse et longévité ?

vieillesse ou longévité

Nous avons un problème avec le vieillissement, la vieillesse et les vieux. Ce n’est pas un problème démographique, économique, social ou sociétal, c’est avant tout un problème de vocabulaire. Quand il s’agit de l’être humain, le champ lexical de la vieillesse renvoie une image négative. Synonyme de déchéance, décrépitude, maladie, handicap et mort. Paradoxalement, le même champ lexical apposé à d’autres choses que l’homme renvoie plutôt une image d’éternité, de sagesse, d’amélioration avec temps et de respectabilité. 

Les mots ont leur importance

Ils ne sont pas émotionnellement neutres. Nous leur attachons une signification qui leur colle aux basques. Il n’y a rien de révolutionnaire dans ce constat que de brillants sémiologues ont fait bien avant (et bien mieux) que moi. 

« C’est plutôt le sens qui peut être une idée, une réponse émotionnelle, une action ou un comportement à travers lequel tel signe se trouve momentanément traduit, cette interprétation pouvant toujours être reprise à son tour dans la chaîne des significations ».

Charles Sanders Pierce

Contre – Intuition

D’un côté l’amélioration de l’espérance de vie en bonne santé nous fait espérer un vieillissement plus heureux et plus long que celui de nos aïeux. De l’autre, l’image du vieux est toujours associée à un fauteuil roulant, des mains tâchées et ridées posée sur un plaid, des silhouettes voutées dans des couloirs en linoléum. Essayons de sortir des clichés. Essayons d’y voir plus clair sur la signification du mot vieillissement quand on parle de l’être humain.

Que signifie le vieillissement

J’ai emprunté cette analyse à l’ouvrage Economie du Vieillissement de Grégory Ponthière.

Quand il est question de l’être humain, le vieillissement peut concerner les humains individuellement ou bien une population prise dans son ensemble. On parle alors de vieillissement de la population. Les deux notions se rejoignent et nous pouvons les définir conjointement.

Le vieillissement se définit par rapport à un point de bascule. Avant on n’est pas vieux et après on l’est.

Je vous propose d’affiner la réflexion en nous penchant sur les différentes dimensions que l’on attache au terme vieillissement.

Les 4 dimensions du vieillissement

  1. Chronologique : l’âge chronologique = le nombre d’années de vie.
  2. Biologique : le vieillissement biologique se mesure selon l’état de santé d’une personne ou d’un groupe de personnes. À partir de quel âge devient-on dépendant ? À partir de quel âge est-on « rattrapé par l’âge » ?
  3. Economique et social : l’âge à partir duquel on quitte le monde des « actifs » pour celui des « inactifs ». Pour les salariés, l’âge de la retraite et l’arrêt du travail et de la productivité individuelle. Dès1928, Alfred Sauvy voit dans le vieillissement de la population une menace économique pour le pays. Celle de passer d’une société qui génère de la croissance à une société d’assistés qui entretient ses inactifs puis à une société en décroissance où les inactifs sont plus nombreux que les actifs.
  4. Subjectif ou ressenti : l’âge ressenti est celui que les personnes « se donnent », même si elles sont parfaitement conscientes de leur âge chronologique. Selon les chercheurs américains qui ont établi le modèle (voir illustration ci-dessous), l’âge subjectif est influencé par nos représentations de la vieillesse.

« Les gens essayent de se dissocier psychologiquement des groupes stigmatisés. Les individus associent souvent la vieillesse à la faiblesse, à la perte de ressources et à des risques accrus d’attraper des maladies infectieuses – tout cela augmente la stigmatisation ».

Comment mesurer le vieillissement de la population ?

  • La mesure du vieillissement chronologique se fait en calculant la part de la population qui se situe au-dessus de l’âge de bascule par rapport à la population totale.
  • La mesure du vieillissement biologique se fait en comparant la part d’adultes de plus de vingt ans ayant des limitations fonctionnelles par rapport à la population adulte de plus de vingt ans prise dans sa globalité. 
  • La mesure du vieillissement économique suit la même logique que celle du vieillissement chronologique : on fait la part des inactifs de plus de 65 ans (En France) comparé à la population active totale. 

Un seuil évolutif de la vieillesse

Au cours du dix-huitième siècle, conformément aux indications de Cicéron qui était très lu à cette époque, l’âge de 60 ans s’est imposé comme seuil d’entrée dans la vieillesse. Ce seuil a été retenu pour définir la catégorie statistique des « vieillards ». Ce n’est qu’après la seconde guerre mondiale que les « vieillards » sont devenus des « personnes âgées » et que le seuil a été reculé à 65 ans pour se conformer à ce qui était alors l’âge officiel de la retraite. Plus récemment, au milieu des années 1980, la baisse de l’âge légal de la retraite a ramené le seuil à 60 ans. Les « personnes âgées » d’aujourd’hui et les « vieillards » du dix-huitième siècle regroupent ainsi les mêmes catégories d’âge.

Or, derrière la permanence des découpages statistiques, les réalités de l’âge ont profondément changé.

Bénéficiant d’une meilleure santé et d’une espérance de vie plus grande, le sexagénaire d’aujourd’hui est bien différent de celui du dix-huitième siècle et même de celui des années 1950.

Aussi, Patrice Bourdelais propose-t-il d’élaborer un seuil évolutif de la vieillesse qui soit « une sorte d’âge équivalent sur le plan de l’état de santé moyen ». Il définit ce seuil évolutif comme la moyenne pondérée entre deux indicateurs :

  • l’âge auquel il reste dix ans à vivre,
  • l’âge pour lequel la probabilité de survivre cinq ans est identique à celle d’un homme de 65 ans en 1985.

Il apparait alors qu’entre 1825 et 1985, l’âge d’entrée dans la vieillesse a reculé de 13 ans pour les femmes et de 6 ans pour les hommes. Avec ce nouvel indicateur (qui mesure donc l’âge biologique que nous avons évoqué plus haut), la part des « personnes âgées » dans la population totale n’est pas plus importante aujourd’hui qu’au début du dix-neuvième siècle.

Pour Patrice Bourdelais, c’est la preuve qu’il n’y a pas eu de vieillissement de la population et qu’il faut donc en finir avec la notion de « vieillissement démographique » qui, chargée d’une représentation fixiste et négative de la vieillesse, a contribué à « la lenteur de la prise de conscience du changement récent de la réalité de l’âge de la vieillesse. »

Extrait de Sociologie de la Vieillesse et du Vieillissement / Vincent Caradec (2004)


Les cris d’orfraie sur le vieillissement de la population et le rapport entre actifs et inactifs sont basés sur une approche complètement dépassée de la vieillesse.

En clair, même si la part de « vieux chronologique » augmente, la part de vieux « biologiques » est stable et l’âge auquel on devient « biologiquement vieux » se situe actuellement entre 80 et 85 ans, soit vingt ans après le changement de statut chronologique, économique et social.

20 ans !!!

Comment faut-il appeler les vieux ? 

J’ai essayé de trouver le bon terme pour parler des vieux. Force m’a été de constater qu’aucun des termes employés dans les médias ou les conversations privées ne donne de la vieillesse une image très positive. Beaucoup trop de contenus évoquent la vieillesse comme le revers de la jeunesse, invitant les hommes et les femmes à ne pas le devenir (vieux). 

Dans cet article où je me demande comment faut-il appeler les vieux, je parcours les termes que l’on trouve dans les médias. Je finis par conclure que le mieux, c’est encore de ne pas leur donner un nom clivant mais plutôt de les traiter comme des êtres humains…. En ne cherchant pas à tout prix à les catégoriser. Il est possible de ne plus parler aux vieux en leur donnant du « senior », il faut néanmoins pouvoir disposer d’un champ lexical qui permette de parler d’un phénomène. 

Or, même si l’on admet que le vieillissement d’aujourd’hui n’est plus le vieillissement d’il y a 50 ans, le champ lexical du vieillissement reste attaché à une image négative. Cela fait trop longtemps qu’on nous le vend ainsi. Au lieu d’essayer à tout prix de changer le regard sur le vieillissement, changeons de point vue. Prenons une autre perspective.

Ne parlons plus de vieillesse mais de longévité. 

La longévité plutôt que la vieillesse : Plaidoyer pour un changement de paradigme

En avril dernier, Nicolas Menet, qui est Directeur Général de Silver Valley et sociologue a sorti chez Eyrolles un essai intitulé “Construire la société de la longévité”. L’auteur y défend l’idée d’une société de la longévité. Un monde où chacun a conscience qu’il vivra plus longtemps.

Un monde où l’âge n’est pas matérialisé par une frontière, une barrière, un changement de statut, comme c’est le cas aujourd’hui..

Dans son ouvrage, Nicolas Menet remet en question la perception collective de la vieillesse.

Les vieux dérangent à plus d’un titre, d’abord parce que porteurs des stigmates de la vieillesse, ils constituent une personnification trop évidente de la mort, ensuite parce que cloisonnés dans des identités artificielles, ils manifestent le désir d’en sortir pour continuer à être eux-mêmess et enfin parce qu’ils obligent la société à la solidarité du fait de leur potentielle dépendance dans le grand âge.

Nous imaginons trop souvent les vieux :

  • Soit comme des portefeuilles ambulants tout juste bons à dépenser leur argent dans les merveilleuses innovations de la Silver économie,
  • Soit comme des poids morts dépendants qui coûtent de l’argent à la société sans y contribuer.

Pourtant, ces deux visions extrêmes de la vieillesse représentent à peine 15% de l’ensemble des seniors.

« Appréhender le vieillissement comme un continuum et non comme une rupture irréversible ».

Nicolas Menet
Construire la société de la longévité

Changer de paradigme

Le changement de paradigme passe par une meilleure prise en considération de ce que sont les seniors. Il demande également un combat sans merci contre l’âgisme, cette discrimination positive et négative, consciente et inconsciente qui met les personnes âgées au ban de la société.

L’âgisme, c’est une vision faussée de ce que sont les personnes âgées mais c’est aussi un défaut d’adaptation de la société au vieillissement.

Poursuivant son étude sur la longévité, Nicolas Menet va publier en fin d’année 2019 (et toujours chez Eyrolles) un ouvrage collectif qui s’adresse au grand public. Intitulé « Le Grand Livre de la Longévité », il a été réalisé avec 12 auteurs, spécialistes du sujet. Il donne au lecteur toutes les clé pour vivre longtemps et heureux. J’y ai écrit le chapitre relatif au logement. 

Si vous souhaitez en apprendre plus à propos de Nicolas Menet et son travail sur la longévité, lisez mon interview : Construisons ensemble la société de la longévité, entretien avec Nicolas Menet.

Un moment / Un mouvement

Ce que j’ai cherché à vous montrer à travers ces idées, c’est que le choix du terme peut agir sur la manière dont nous allons aborder le sujet dans les années qui viennent. Si nous voulons embarquer toute la société dans une approche progressiste et optimiste, il convient de choisir des mots qui portent en eux un message à l’avenant.

Le vieillissement humain, quoi qu’on en dise est un champ lexical qui renvoie à une vision négative et terne de l’âge. La longévité ouvre une perspective. 

La vieillesse est un moment, la longévité est un mouvement.

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