pourquoi choisir le baluchonnage

Quelles Différences entre Baluchonnage et relayage ?

De 4 à 8 millions Français aident un proche malade, dépendant ou handicapé. Ces proches sont des maillons indispensables du réseau de soin. Leur rôle essentiel a cependant un prix : leur santé. 20% des aidants disent négliger leur santé ou renoncer à leurs soins pour mieux s’occuper de leur proche aidé. Cet engagement de tous les instants, les aidants le tiennent aussi au détriment de leur propre répit, des relation avec leur entourage et de leurs congés.

Une telle charge n’est pas soutenable. Les aidants doivent pouvoir se reposer, prendre du recul et des vacances. Ne pas soutenir les aidants revient à créer deux malades là où il n’y en avait qu’un. Des structures d’aide à domicile se mobilisent pour répondre à ce besoin, en développant des dispositifs de répit.

Les solutions de répit

L’accueil temporaire et l’accueil de jour sont des solutions d’hébergement temporaire encadré qui permettent à un aidant de souffler – littéralement de prendre du répit – pendant que son aidé est pris en charge par une structure adaptée. 

Le relayage est un service de répit à domicile. Des intervenants professionnels prennent le relais de l’aidant pour une « garde » qui peut durer jusqu’à 3 jours, au domicile de l’aidé.

Ces solution de répit ont quelques défauts.

  • Une durée trop courte pour permettre à l’aidant de vraiment souffler,
  • La nécessité d’installer l’aidé dans un lieu de répit qui n’est pas son domicile habituel pour les solutions d’accueil temporaire.
  • Enfin, la multiplicité des intervenants dans le relayage, conséquence d’une législation du travail qui ne permet pas aisément à un seul intervenant d’assurer une veille de longue durée. 

Pendant ce temps, au Québec

Au Québec, c’est pour apporter une réponse plus adaptée aux attentes de l’aidé que l’infirmière canadienne Marie Gendron a imaginé le baluchonnage à la fin du vingtième siècle.

Dans ce dispositif inédit, une professionnelle du care (la baluchonneuse) s’installe au domicile de l’aidé pour un séjour de 4 à 14 jours pendant lequel elle prend la place de l’aidant, permettant à celui-ci de se ressourcer, se reposer, partir en vacances. Bien plus qu’une solution de répit pour l’aidant, le baluchonnage se définit comme un outil au service du binôme aidant-aidé

« Nous demandons à l’aidant : « Qu’est-ce qui ferait que dans 3 jours, 3 semaines ou 3 mois vous mettriez la personne atteinte en hébergement? » Ce que nous voulons entendre est ce qui est le plus dur au quotidien pour l’aidant. Alors, la baluchonneuse travaillera à mettre en place des stratégies pour alléger le fardeau de l’aidant à son retour. »

Guylaine Martin
Directrice Générale de Baluchon Alzheimer Quebec

Au Québec, le baluchonnage est exclusivement proposé aux aidants de malades d’Alzheimer. La solution a très tôt intéressé les associations françaises d’aidants. Des échanges internationaux ont  été organisés et quelques précurseurs français ont cherché à transposer le dispositif dans l’hexagone. Ils se sont heurtés à trois écueils :

  • Le droit du travail qui limite la durée d’intervention,
  • L’absence de financements publics,
  • La difficulté à recruter et fidéliser des profils de baluchonneuses. 

Baluchon Alzheimer à l’international

Baluchon Alzheimer Québec cherche à internationaliser son dispositif. Pour éviter un emploi injustifié du label Baluchon et s’assurer qu’il est utilisé à bon escient, l’organisme Canadien à écrit une charte du baluchonnage. 

Elle fixe les trois conditions non négociables du baluchonnage : 

  1. Un seul intervenant pour toute la durée du baluchonnage,
  2. Un long répit pour maximiser le repose de l’aidant et laisser à la baluchonneuse le temps d’entrer en relation et faire ses observations. 
  3. Mettre en place des stratégies pour alléger le fardeau quotidien de l’aidant lors de son retour.

Le dispositif a été transposé en Belgique à partir de 2010, mais en France, le droit du travail et l’absence de financements pérennes fléchés ont longtemps empêché le baluchonnage.

Les quelques tentatives menées en France à partir du milieu des années 2000 ont donc dû s’adapter, au détriment du respect des attendus du Baluchonnage. 

  • Contraints par le droit du travail et les financements, les organismes français ont souvent diminué drastiquement la durée de la prestation et donc son coût pour le bénéficiaire.
  • Le répit est souvent organisé depuis un centre d’accueil, notamment dans des Ehpad qui proposent des hébergements provisoires ou de l’accueil de jour. 
  • Le suivi et la recherche d’amélioration du quotidien du binôme aidant-aidé n’est pas systématique.

Le relayage, un ersatz bien fade

C’est pour définir ce dispositif français et le distinguer du baluchonnage que nous avons inventé le terme relayage. 

Soucieux d’en valider l’intérêt et l’utilité, le législateur français a autorisé une expérimentation de trois ans pendant laquelle le droit du travail est assoupli pour l’exercice du relayage.

Cette expérimentation est décrite par L’article 53 de la loi LOI n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un Etat au service d’une société de confiance (dite loi ESSOC) et ses décrets d’applications parus fin 2018 et début 2019.

Cette expérimentation est réservée à une poignée d’organismes médico-sociaux qui ont été désignés par une procédure d’appel à candidature au début de l’année 2019.

La loi ESSOC leur octroie une subvention exceptionnelle, réservée au financement de l’organisation et l’évaluation de l’expérimentation sur le terrain. Cette subvention ne doit pas servir à financer les relayages eux-mêmes. 

Malheureusement, la loi ESSOC ne donne pas de précisions sur les modalités d’action et beaucoup d’organismes qui se sont portés volontaires ont bien du mal à s’organiser, dans le silence assourdissant de la loi.

Le relayage n’est pas aussi codifiée et encadrée que l’intervention à domicile dans le cadre de l’APA. L’intervenant doit prendre le relais de l’aidant et se substituer à lui auprès de l’aidé sans pour autant le remplacer réellement.

Il apporte une contribution au bien être de l’aidé et doit également rechercher des axes d’amélioration pour contribuer au bien être de l’aidant lorsque ce dernier reprend sa place, à l’issue de la prise en charge. 

La supériorité du baluchonnage sur le relayage

Contrairement au relayage, qui pêche par manque de cadre, le baluchonnage affiche vingt ans de pratique et d’expérimentations. Le dispositif est largement documenté. Il s’appuie sur des milliers d’accompagnements réalisés au Québec et une reconnaissance de l’intérêt du programme par la loi Canadienne.

Baluchon Alzheimer a fait l’objet de plusieurs études universitaires réalisées par des enseignants et des chercheurs auprès des baluchonneuses québécoises. Ces travaux académiques éclairent le dispositif, en montrent la profondeur et l’impact sur les parties prenantes.

Je présente deux de ces réalisations à la fin de l’article : le mémoire de Frédérique Lucet sur la transposition du baluchonnage en France et l’étude de Sophie Ethier sur le rôle de la baluchonneuse et sa capacité à remplacer l’aidant auprès de l’aidé pendant le baluchonnage.

Enfin, le baluchonnage est soutenu par des associations d’aidants Français qui y ont vu très tôt une réponse à leurs recherches de solutions de répit. 

Bien que n’étant pas désigné par la loi ESSOC (qui expérimente le relayage et non pas le baluchonnage), Baluchon Alzheimer souhaite profiter de cette occasion unique pour démontrer la supériorité de son modèle sur le relayage, autant pour l’organisation de l’activité par les services médico-sociaux que pour le bien être du binôme aidant-aidé. 

Baluchon France et la loi ESSOC

Une association Baluchon France a été créée en 2018. Elle propose aux structures engagées dans l’expérimentation ESSOC de mettre en oeuvre le baluchonnage plutôt que le relayage.

Les organismes qui souhaitent s’engager auprès de Baluchon France et bénéficier du savoir-faire et de la réputation de l’organisation doivent respecter des conditions spécifiques de mise en œuvre :

  • Répit de 3 jours consécutifs minimum, 24h/24,
  • Que ce répit soit assuré par un professionnel unique,
  • Que les services d’aide et de soins au domicile habituellement en place soient maintenus durant le Baluchonnage (accueil de jour, passage infirmier, etc.),
  • Que le répit soit complété par un accompagnement de l’aidant, via le journal d’accompagnement et un travail de liaison avec les services en place au domicile,
  • Que le professionnel baluchonneur conserve le libre-choix de ses missions d’accompagnement,
  • Que le professionnel bénéficie d’une formation initiale et continue et soit soutenu 24h/24 et 7j/7 au moyen d’une permanence clinique (type téléphone de garde),
  • Que le service de répit soit intégré à une plateforme multi-services.

Baluchon France offre aux structures médico-sociales un cadre rassurant. Des acteurs engagés dans le dispositif ont beau avoir déjà testé des formules de relayage, c’est rassurant de faire partie d’une communauté et de s’appuyer sur des pratiques et des outils à l’impact avéré. 

A ce jour, dix organismes participant à l’expérimentation lancée par la loi ESSOC ont adhéré à Baluchon France. Ils se réunissaient le 30 janvier 2020, à l’invitation de l’association, pour un premier séminaire national destiné à répondre à toutes les questions des organismes mais également à construire la communauté du baluchon Français. 

Le séminaire 2020 de Baluchon France en synthèse

Promoteur de longue date du baluchonnage auquel nous avons consacré plusieurs articles sur Sweet Home, le Média Audiens et le blog PapyHappy, j’ai été invité par Baluchon France à animer cette journée exceptionnelle de rencontres. Ma participation m’a permis de découvrir le baluchonnage vu de l’intérieur et raconté par celles qui le vivent au quotidien.

En présence de la directrice générale de Baluchon Alzheimer Québec, Guylaine Martin et de son homologue française, Rachel Petitprez, les 10 structures porteuse de projet et une demi-douzaine d’intervenants ont analysé, expliqué, approfondi le baluchonnage.

  • Maitre Alison Dahan, avocate : le contrat de travail du baluchonneur,
  • Guylaine Martin : La responsabilité morale des baluchonneuses,
  • Frédérique Lucet, psychologue et sociologue : L’expérience au travail des baluchonneurs québécois,
  • Audrey Diemert, directrice de l’association 2APA : Comment soutenir et valoriser les baluchonneuses,
  • Claudie Kulak, présidente du collectif Je T’aide : Communiquer et gagner la confiance des aidants;
  • Rachel Petitprez, directrice générale de Baluchon France et Marie-Pascale Mongaux, directrice de Parenthèse à domicile : Le financement du baluchonnage.

Voici mon résumé analytique de la journée, de sa portée et de ses ambitions.

Précision : le séminaire s’est déroulé chez AG2R LA MONDIALE, supporter et partenaire de Baluchon France.

L’introduction de la journée par le président de l’association Baluchon France en donne le ton. Visiblement ému, Alain Koskas accueille les participants dans une communauté soudée et volontariste.

Alain Koskas est un psychologue clinicien, psychomotricien, gérontologue et psychanalyste. Il est également président de la Fédération Internationale des associations des personnes âgées (FIAPA), et de la Fédération 3977 contre la maltraitance. Il siège au Haut Conseil de la Famille, de l’enfance et de l’Âge (HCFEA) et est président de l’association Baluchon France.

Avec cette première journée de rencontre, Baluchon France veut apporter aux porteurs de projets l’aide dont ils ont besoin pour lancer effectivement les baluchonnages sur leurs territoires.

L’association souhaite également présenter le dispositif à des organismes qui n’y ont pas encore adhéré mais ont fait preuve de curiosité, comme par exemple l’Association des Paralysés de France (APF) ainsi que des porteurs de projets indépendants, comme Danièle, infirmière libérale à Troyes qui souhaite créer une structure de baluchonnage dans l’Aube.

Le frein du financement

La majorité des dix structures adhérentes ont recruté les baluchonneuses et la coordinatrice clinique responsable de l’organisation, de la supervision et du soutien aux baluchonneuses. Elles ont également identifié des bénéficiaires potentiels et volontaires pour expérimenter le baluchonnage. Mais elles rencontrent toutes les pires difficultés pour faire financer les baluchonnages et abaisser le reste à charge pour les bénéficiaires. 

Pour qu’un baluchonnage s’effectue dans de bonnes conditions, tant pour l’aidé que pour la baluchonneuse, le coût journalier est estimé à 650 €.

Selon Marie-Pascale Mongaux, directrice de la structure Parenthèse à Domicile qui réalise des baluchonnages depuis dix ans à Maromme (76), il ne faut pas dévaloriser le baluchonnage en proposant un prix bradé. L’enjeu est de taille.

Faire reconnaitre que la qualité justifie le prix permettra aux adhérents de Baluchon France de démontrer la supériorité du baluchonnage sur le relayage. 

Si certains conseils départementaux sont prêts à financer des baluchonnages à 650 €, nombreux sont ceux qui privilégieront une formule meilleur marché, même pour une qualité moindre.

Comment démontrer aux financeurs que la valeur du baluchonnage justifie son prix ? 

Le baluchonnage peut démontrer la validité de son modèle grâce aux témoignages des parties prenantes québécoises. L’organisation canadienne a fait l’objet d’une étude sociologique remarquable en 2013. Réalisée par Sophie Ethier cette étude a cherché à comprendre dans quelle mesure la baluchonneuse peut se substituer à l’aidé et ce que son action peut apporter au binôme aidant-aidé. 

L’action de la baluchonneuse est bien plus profonde qu’une simple mesure de garde ou de répit.

La psychologue et sociologue Frédérique Lucet a réalisé une étude sociologique en interviewant 17 baluchonneuses québécoises. Elle a retiré de cette enquête de terrain une cartographie détaillant les actions de la baluchonneuse et l’impact de son travail sur le bien être du couple aidant-aidé.

Il ressort de ces deux travaux académiques que le bénéfice ne se limite pas au répit octroyé à l’aidé. La baluchonneuse va aussi contribuer à améliorer la situation. La réalisation d’un journal du baluchonnage, sorte de rapport de synthèse adressé à l’aidant à l’issue du baluchonnage permet de faire état de ce qui s’est passé mais aussi d’apporter des conseils et des recommandations, pour soulager l’aidant et l’aider à son tour à améliorer sa relation avec l’aidé.

« Maman a eu la chance de vivre une semaine avec une baluchonneuse. Après son départ, c’est moi qui ai pris le relais pour une semaine auprès de maman. Il y avait très longtemps que je n’avais vu ma mère aussi détendue et heureuse. Je me suis empressée de lire les commentaires laissés dans le journal de vie de maman. Ça a été magique et d’un grand secours pour moi. Je me suis mise à regarder maman non pas en remarquant tout ce qu’elle n’est plus, mais en étant attentive à qui elle est maintenant. J’ai vu une femme intelligente, courageuse et d’une grande bonté. J’ai revu ma mère, quoi ! C’est toujours une femme magnifique !  »

Frédérique Lucet
Le baluchon Alzheimer est-il adaptable en France ? (2012)

Intervenant au séminaire Baluchon du 30 janvier, Claudie Kulak confirme et complète que cette garantie est aussi un levier pour les proches aidants. Ils ont besoin d’aide, de soutien et ils ont besoin de croire que la solution va les aider et aider leur aidé. Avoir un label, une garantie et un historique, c’est inestimable pour convaincre les aidants. D’ailleurs, la présidente du collectif Je T’aide et de la Compagnie des Aidants croit fermement dans ce dispositif qu’elle affirme vouloir aider à se pérenniser.  

Le prix de la qualité

La journée se termine par un exposé des modalités de financement des projets de baluchonnage réalisé à partir des remontées terrain des dix structures adhérentes.  Cette intervention qui commence comme un guide pratique de la recherche de financements  s’achève sous la forme d’un appel à l’action pour l’Etat et les organismes qui pourraient financer le dispositif.

Marie Pascale Mongaux insiste sur la nécessité de prise en charge au niveau des structures et prend en exemple Maromme qui dispose d’un financement annuel de 130 k€ par l’ARS qui permet à Parenthèse à domicile de proposer une prestation avec un rese à charge de 83 euros par jour. 

Cette intervention est aussi l’occasion de rappeler que ce prix moyen ne doit pas être minoré. Le baluchonnage a un coût, celui de la qualité. Il faut l’assumer et le défendre.

Le défendre notamment contre les détracteurs qui dénoncent justement ce prix élevé en expliquant que des formules plus courtes et segmentées permettent de diminuer la facture. Or, les structures qui ont testé ces formules de type 2×12 ou 3×8 m’expliquent que ces dispositifs très complexes à mettre en oeuvre n’apportent pas du tout le même service que le baluchonnage…. Car le baluchonnage, c’est justement sa durée qui fait son intérêt, aussi bien pour l’aidé que pour l’aidant qui se repose.

Le système doit aussi être pérenne et garantit : les dispositifs testés par des structures depuis 2005 ont tous été menacés d’interruption par les autorités qui ont tenté des expérimentations et ne les ont pas pérennisées.

En conclusion, le baluchonnage offre un atout indéniable pour les aidants, les aidés et les structures d’accompagnement qui souhaitent ajouter une offre de répit à leur catalogue. Certes, la prestation a un coût plus élevé que le relayage mais, démonstration à l’appui ce coût est celui d’une prestation supérieure en tous points au relayage. 

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