La startup Colette levé 1 million d’euros en seed et compte l’employer pour valider son business model. L’annonce a fait l’effet d’une bombe. Quand bien même les startup tech nous auraient habitués à des levées de fonds bien plus importantes, l’écosystème de la Silver économie n’est pas acclimaté à des levées si conséquentes, surtout en seed. Comment Colette a levé ce million ? Que comptent-ils en faire ?
Mathieu Vaxelaire, le CEO de la jeune pousse nous accorde une interview exclusive et sans langue de bois. Passé sous le feu roulant de nos questions, l’entrepreneur Belge a accepté de lever le voile sur les dessous de cette levée extraordinaire, tellement encourageante pour les acteurs de la longévité en général et les promoteurs de l’habitat inclusif en particulier.
Peu de gens avec une approche purement financière sont prêts à investir dans une marketplace qui permet de faire cohabiter des jeunes et des moins jeunes.
Mathieu Vaxelaire
CEO de Colette
Interview de Mathieu Vaxelaire par Alexandre Faure
Réalisée le 14 octobre 2020 sur zoom
L’important c’est l’équipe
Alexandre Faure : Bonjour Mathieu, pour commencer cette interview, peux-tu nous dire qui sont vos investisseurs ?
Mathieu Vaxelaire : Au stade précoce de notre projet, nous pouvions soit solliciter directement des fonds d’investissement VC, soit des business angels. Les deux options étaient ouvertes, mais nous avons privilégié les BA. Nous avons donc levé des fonds auprès de particuliers, du Family office de Michaël Benabou (le cofondateur de Ventes Privées) et d’un petit fonds que structure un club d’entrepreneurs.
AF : Quelle a été l’importance de vos expériences antérieures en startup dans la décision des financeurs de vous accorder leur confiance ?
MV : C’est une super bonne question, parce que je pense que le succès de notre première levée de fonds montre bien qu’à notre stade, l’important c’est l’équipe. Aujourd’hui, peu de gens avec une approche purement financière sont prêts à investir dans une marketplace qui permet de faire cohabiter des jeunes et des moins jeunes. Vu la situation sanitaire, c’est contre intuitif d’aller investir dans ce domaine-là. Ce qui montre bien que nos investisseurs font confiance à l’équipe.
AF : Comment définis-tu l’équipe ?
MV : C’est d’abord prendre en considération l’apport de chaque profil individuel au projet. S’assurer que tous les postes pour y arriver sont complétés par les bonnes personnes. Nous avons un challenge technique de place de marché. Disposer d’un CTO qui a déjà fait cela à trois reprises a beaucoup de valeur. Nous avons un gros sujet marketing, RP, communication. Avoir quelqu’un comme Justine qui l’a déjà fait chez BlaBlaCar a beaucoup de valeur. C’est un mix des deux. Que les profils individuels soient bons et que tous les talents nécessaires pour y arriver soient présents. Nous ne levions pas de fonds pour aller chercher les profils qui nous manquent. Le pitch était « l’équipe est la bonne, elle est passionnée, elle va tout faire pour que ça marche, est-ce que vous nous suivez ? »

AF : Au-delà de l’équipe, quel est l’argument qui a eu le plus de portée dans votre pitch deck. À quel moment avez-vous ressenti une traction sur le bon élément qui emportait l’adhésion des investisseurs ?
MV : La portée sociale du projet. Nos investisseurs souhaitent que dans le monde de demain, ce concept puisse exister. Dans un monde à imaginer, c’est une solution qui a du sens. Il y a de plus en plus de seniors, ils ont des chambres libres, ils doivent financer leur dépendance à venir. Créer un moyen de leur permettre de gagner de l’argent en leur facilitant le travail pour placer quelqu’un chez eux, c’est quelque chose qui résonne très fort et on se dit « cela doit exister ». Cerise sur le gâteau, souvent les investisseurs ont vu de près ou de loin une expérience de cohabitation intergénérationnelle et cela marque les esprits. Certains de nos investisseurs l’ont vécu avec leurs parents et donc ils ont mesuré l’impact. Ils trouvent cela si génial qu’ils aimeraient offrir cette pratique à plus de personnes.
AF : Quand tu vas voir des investisseurs avec un projet de Silver économie, quelle est leur première réaction ?
MV : Mon réseau d’investisseur est très actif dans le secteur du BtoB SaaS, ils ne sont pas trop exposés au secteur Eldertech, ce ne sont pas des gens avec cette expérience. Mais tout le monde se rend compte que c’est une réalité de la vie. Tout le monde va y passer et donc, c’est un sujet sur lequel les investisseurs sont bien conscients des futures opportunités. Quelque chose a fondamentalement changé dans les trois ou quatre dernières années. Pour la première fois dans l’histoire, les seniors sont en ligne et les marques peuvent les toucher de manière digitale. Il n’existe plus de fracture numérique pour les seniors d’aujourd’hui et encore moins pour ceux de demain. Cela offre des opportunités de créer de la valeur pour eux au travers d’aventures entrepreneuriales.
AF : Comment allez-vous employer votre million d’euros ?
MV : L’objectif de cette levée de fonds est de construire un modèle sur Paris qui peut être répliqué à d’autres villes. Une équation économique qui a du sens, rend le projet viable d’un point de vue économique. Si nous y parvenons, l’étape suivante sera de faire une deuxième levée de fonds pour aller dupliquer ce modèle dans du multiville, multipays. Nous avons 18 mois pour fabriquer ce modèle. Qu’est-ce que ça veut dire ? D’un côté, nous devons trouver nos hôtes, construire cette relation de confiance. De l’autre, nous devons aller chercher des étudiants, plus facile vu la demande, et construire cette communauté autour de Colette en créant nos binômes.
La quête de la scalabilité
AF : Est-ce qu’il y a un volet technique, automatisation et diminution des coûts dans ce premier run ?
MV : Nous ne recherchons pas une diminution des coûts. Nous cherchons la scalabilité. Il est certain que notre modèle actuel n’est pas duplicable. Nous avons dix-huit mois pour le rendre duplicable. Nous essayons de transformer une petite agence immobilière en un modèle qui permet d’avoir cette activité et créer autant de valeur, mais dans d’autres villes et pays. Pour y parvenir, nous savons que certains processus doivent être automatisés. Aujourd’hui, nos binômes sont créés sans plateforme technologique et demain, une plateforme facilitera la mise en relation et va supporter la création des binômes.
AF : En termes de clients, vous vous êtes fixé des objectifs ? Combien de binômes, d’hôtes ?
MV : En toute transparence, l’objectif principal de cette levée de fonds c’est de construire un modèle qui nous permet de créer 100 binômes en un mois, ce qui revient à multiplier notre score actuel par dix. Cela nécessite des centaines d’hôtes de qualité, une plateforme technologique qui permet aux hôtes et cohabitants de communiquer entre eux sans passer par nous.
AF : À quoi correspond cet objectif ?
MV : Le chiffre est « symbolique », mais quand on arrive à plusieurs dizaines de binômes créés par mois, cela veut dire que les binômes peuvent se créer sans nous. Même si nous passons la barre des 50, le pari est gagné. 100, c’est un bon chiffre. Symbolique. Mais si nous faisons 60 ou 75, nous saurons qu’il reste des ajustements pour arriver à 100, mais que nous avons validé notre product market fit. Pour y parvenir, les binômes doivent se faire sans nous. Aujourd’hui, beaucoup d’actions ne scalent pas, des tâches manuelles qui peuvent être automatisées.
AF : Aujourd’hui, est-ce que vous avez évolué sur les profils que vous recherchez pour les hôtes ?
MV : Pour l’instant, la solution de cohabitation intergénérationnelle Colette plait particulièrement aux femmes âgées entre 60 et 80 ans, qui sont seules, soit veuves, soit divorcées, qui habitent toujours dans l’habitat familial dont les chambres sont libres parce que les enfants sont partis. Elles restent actives, mais ne sont plus dans une logique de carrière professionnelle.
AF : Est-ce qu’il y a des zones de Paris où ça marche mieux que d’autres ?
MV : Pour l’instant, nous sommes durs avec nos hôtes. Nous ne faisons rentrer que des hôtes pour lesquels nous avons la certitude que leurs chambres vont se louer facilement . Nous ciblons donc Paris intra-muros et une poignée de communes limitrophes. .
AF : J’ai vu que vous avez fait un événement en présentiel fin septembre 2020, comment cela s’est-il passé ?
MV : C’était un événement en plein air et nous étions 45, malgré la situation et la pluie. Nous avons accueilli 20 hôtes, 20 cohabitants, tout le monde était super content. C’est un rendez-vous que nous allons prendre tous les trimestres. Les clés du succès, nous les identifions sur deux points. La confiance et la communauté, c’est pourquoi nous fonctionnons sous forme de club.
Nous voulons construire une solution en ayant le feedback des hôtes, des cohabitants et l’aspect communautaire sont très importants. Nous voulons nous spécialiser sur la notion de club. C’est pourquoi nous admettons uniquement des gens alignés avec nos valeurs et la philosophie de Colette.
AF : Merci Mathieu
Conclusion de Sweet Home
La levée de Colette est un début et nous espérons vraiment que la startup réussisse son pari fou d’atteindre 100 binômes créés par mois. Rappelons que pour l’heure, la cohabitation intergénérationnelle séduit surtout sur le papier. Importée d’Espagne en 2004, le concept est porté par un réseau associatif actif, mais qui peine à trouver un modèle économique stable.
Pour aller plus loin : La cohabitation intergénérationnelle de A à Z
D’autres acteurs privés commerciaux ont déjà tenté leur chance sur le marché, mais Colette est la première entreprise à afficher des résultat probants. A notre avis, leur choix marketing de se présenter comme un service aux étudiants, en mettant les vieux à contribution et non l’inverse joue pour beaucoup dans leur différenciation.
Mais ce n’est pas tout. L’équipe de Colette a mouillé la chemise pour aller chercher ses premiers hôtes sur le terrain, avec les dents. Colette, c’est un projet qui se monte sur et avec le terrain et chez Sweet Home, on croit très fort à cette approche.
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