Construire la société de la longévité, c’est le titre d’un essai signé par le sociologue Nicolas Menet. En plus d’être directeur général de Silver Valley et d’avoir inventé la classification sociologique des seniors « Génération Senior », Nicolas Menet est un éminent sociologue qui consacre ses recherches aux problématiques liées à la transition démographique.
Quand je l’ai rencontré en janvier 2019, je comptais faire avec Nicolas un tour d’horizon de son agenda 2019. Nous avons parlé de concepts et surtout de celui qui lui tient à cœur : la société de la longévité.
Durant l’heure passée ensemble, Nicolas revient sur son parcours académique et professionnel. Il parle :
- Du livre coécrit avec Benjamin Zimmer : Startup, Arrêtons la mascarade (Dunod, 2018)
- De son essai paru en 2019 : Construire la société de la longévité,
- De la feuille de route de Silver Valley,
- De son rôle dans la filière, de l’Open Lab, un laboratoire d’étude sociologique consacré aux seniors,
- Et de l’étude “Génération Senior” qui préfigure les travaux de l’Open Lab.
Ce qui m’a beaucoup impressionné pendant cette interview et qui ressort dans le texte que vous allez lire, c’est la grande cohérence entre les différents projets menés par Nicolas Menet ainsi que leur convergence vers deux objectifs sur lesquels nous sommes en harmonie : l’adaptation de la société au vieillissement (qui doit donc devenir une société de la longévité) et le décollage de la Silver économie, qui doit contribuer à l’émergence de cette société de la longévité.
Le parcours de Nicolas Menet avant Silver Valley
Alexandre Faure : Bonjour Nicolas, peux-tu nous raconter ton parcours avant Silver Valley ?
Nicolas Menet : Bonjour Alexandre, voici comment les choses se sont passées.
Avant de devenir directeur de Silver Valley en décembre 2017, j’ai dirigé un cabinet de conseil en Innovation internationale qui s’appelle Adjuvance. Le cabinet existe toujours et, pour éviter les conflits d’intérêt, Adjuvance ne traite plus de sujets en rapport avec la Silver économie.
Adjuvance accompagne et conseille les grandes entreprises internationales dans leur stratégie d’innovation.
Nous intervenons très en amont des processus. Notre méthodologie consiste à observer les usages. En Chine, aux Etats-Unis, dans les pays du Nord ou du Sud. Nous observons notamment la consommation, les transports, la prévoyance, la santé ainsi que le marché des seniors.
À partir de 2013, nos clients nous ont demandé de faire des études de sociologie applicative. Ce n’est pas de la recherche académique, ce n’est pas non plus du marketing pur, c’est une discipline à la croisée des chemins.
Sociologie applicative
AF : Comment se déroule une étude de sociologie applicative ?
Nicolas Menet : Il s’agit d’une enquête de terrain en immersion. Nous allons littéralement chez les gens pour voir comment ils vivent. Il s’agit d’une observation de long terme. Je m’en suis occupé pendant cinq ans en étudiant des sujets très différents portant essentiellement sur les modes de vie des seniors. J’étais chargé de la business unit Silver économie et l’étude de sociologie applicative m’a donné l’opportunité d’être témoin de situations de vie, d’attentes.
Nous avons commencé à développer une expertise sectorielle qui nous a conduits à publier une étude ad hoc en 2016 puis en 2017.
Génération Seniors
AF : Il s’agit de l’étude Génération Seniors ?
Nicolas Menet : Exactement. Dans “Génération Seniors”, nous faisions une photographie de la France des seniors. Cette photographie fait émerger neuf profils de seniors, selon la génération à laquelle ils appartiennent et leurs habitudes de consommation.
AF : Qu’est devenu ce travail après ton départ d’Adjuvance ?
Nicolas Menet : J’ai emporté l’étude avec moi chez Silver Valley ! “Génération Seniors” est désormais un projet qui appartient à Silver Valley et qui est exploité chez Silver Valley.
Nous faisons des conférences, des formations sur le sujet et nous poursuivons l’étude sur le terrain. Je présente souvent les résultats globaux, ainsi la semaine dernière, je l’ai présentée chez Logévie, à Bordeaux devant tout le personnel. Nous faisons également des présentations ciblées pour aider une entreprise à analyser des segments de marché. C’est ainsi que nous avons accompagné le groupe Audioptic pour réfléchir à la commercialisation de nouveaux produits auprès du public senior.
L’étude “Génération Seniors” est un outil d’innovation qui devient très concret pour des gens qui sont sur le terrain.
AF : C’est aussi grâce à “Generation Seniors” que tu as fait la connaissance de Benjamin Zimmer ?
Nicolas Menet : Tout à fait. Cela s’est produit fin 2016, lorsque nous avons publié les résultats de “Génération Seniors” pour la première fois. Benjamin Zimmer, qui est toujours en avance, avait repéré très tôt notre publication. Nous nous sommes rencontrés.
Nous nous sommes très bien entendus car nous avions tous les deux des projets de publication dans les cartons. Nous en avons présenté un aux éditions Dunod. Il a été accepté et nous avons travaillé ensemble sur “Startup, arrêtons la mascarade”.
L’écriture du livre nous a pris huit mois pendant lesquels nous avons appris à nous connaître. Benjamin était en train de quitter Silver Valley, il m’a proposé de candidater pour le remplacer.
J’ai beaucoup réfléchi car le poste me tentait, mais j’aimais aussi beaucoup mon travail avec Adjuvance. Mais c’est vrai que cela faisait douze ans que j’y étais et le défi était très tentant. J’ai donc candidaté. Il y a eu beaucoup de candidatures et j’ai été retenu [rires]. J’ai quitté Adjuvance en novembre 2017.
Formation académique
AF : Tu as une formation initiale en sciences humaines et en communication, mais tu as également un diplôme de l’ENA, peux-tu nous présenter ton parcours académique ?
Nicolas Menet : J’ai fait des études de sciences humaines à la Sorbonne. De la linguistique, de l’ethnographie, de la sociologie, de la sémiologie. J’ai complété ce cursus avec un master de spécialisation à l’ENA. Je ne suis pas énarque, mais je suis diplômé de l’Ena et de Dauphine sur l’évaluation des politiques publiques.
Cette spécialisation m’a permis d’être conseiller stratégique pour l’Assurance Maladie pendant près de dix ans. J’ai travaillé sur les campagnes de prévention nationales. Par exemple sur la lombalgie, la grippe, les antibiotiques ou encore sur les risques professionnels.
AF : En quoi consistait ton travail auprès de l’Assurance maladie ?
Nicolas Menet : Nous faisions des études exploratoires en amont des campagnes de sensibilisation. Par exemple pour la lombalgie, nous avons interrogé les Français sur leur compréhension, leurs usages. Souvent les personnes répondent qu’il faut rester allongé, ne pas trop bouger alors que les médecins disent tout le contraire. Partant de ce constat, l’Assurance Maladie lance une campagne d’éducation et de prévention sur la lombalgie.
Nous sommes venus apporter des éléments de discours, de représentation afin que les messages touchent le public. C’est une forme de sociologie de la communication.
En travaillant sur ces sujets, j’ai rencontré les acteurs des Carsat et la CNAV. À partir de 2013 et 2014, la question des seniors est devenue centrale dans ces organismes. C’est aussi à ce moment-là que nous avons commencé à surveiller ce marché dans le cadre de nos études de sociologie applicative.
Nicolas Menet et la Silver économie
AF : Le marché de la Silver économie concerne-t-il uniquement les personnes âgées dépendantes et la prévention ou bien est-ce plus large ?
Nicolas Menet : De mon point de vue, partagé par Silver Valley, la Silver économie, c’est l’ensemble de la consommation des plus de cinquante-cinq ans.
Il n’y a que 8 % des plus de soixante ans qui sont dépendants. Nous travaillons bien sûr sur la dépendance, le maintien à domicile, le grand âge, la dénutrition, la déshydratation, etc. Mais nous travaillons aussi sur d’autres sujets.
À mon avis, la question la plus importante, ce n’est pas de savoir comment travailler pour les seniors, c’est plutôt “comment faire en sorte que les seniors soient comme tout le monde”. Il faut retourner le problème, changer de paradigme. Il faut passer d’une approche centrée sur le vieillissement à une approche centrée sur la longévité et son impact positif.
AF : C’est le sujet de « Construire la société de la longévité », n’est-ce pas ?
Nicolas Menet : Tu as tout à fait raison ! Il est sorti le 2 mai. Mon objectif dans ce livre, c’est de transformer le concept de longévité qui est plutôt gériatrique et médical en concept sociologique. J’essaie de démontrer comment la longévité devient une approche globale pour construire une société inclusive.
Je décortique les stéréotypes associés aux seniors, l’impact de l’approche actuelle du vieillissement sur les personnes âgées et nous, qui ne sommes pas seniors.
Enfin, je fais des propositions et j’insiste sur le rôle de l’innovation comme moyen de participation sociale et de compétitivité.
Une approche sociologique de la longévité
Je fais reposer l’innovation utile sur l’implication des seniors dans le processus. Dès lors que les seniors construisent, l’innovation répond à leurs besoins. Dès lors qu’on répond aux besoins, le marché existe et donc en tant qu’entrepreneur, ton projet se développe.
Je poursuis en quelque sorte la réflexion sur la profitabilité intégrale que nous amorcions dans “Startup arrêtons la mascarade”.
Mais ce mode de fonctionnement, c’est aussi ce qu’on essaye de faire chez Silver Valley, avec le conseil d’administration et mon équipe. Nous cherchons à construire les deux jambes de la Silver économie.
La première jambe, c’est le volet économique, car nous sommes un instrument de développement du territoire. Nous sommes là pour construire des TPE et des PME qui marchent et qui sont pérennes.
La deuxième jambe, c’est le volet sociétal car nous sommes aussi là dans une problématique d’intérêt général pour construire, fabriquer, imaginer et déployer des solutions qui soient vraiment adaptées aux besoins. Des solutions pour assurer cette transition démographique qui est assez urgente.
À Silver Valley nous avons deux jambes et nous cherchons l’équilibre entre l’économique et le sociétal – social.
Nicolas Menet
AF : Comment faire en sorte que les seniors soient comme tout le monde ?
Nicolas Menet : Il faut que nous changions de logiciel. Aujourd’hui, j’ai l’impression que la perception de la personne âgée tourne autour de deux représentations.
- D’un côté Le senior actif, dépensier. C’est le stéréotype de la Silver économie, celui dont tous les entrepreneurs rêvent. Celui qui va dépenser de l’argent et être un bon vieux parce qu’il consomme.
- De l’autre, le senior fragile qui suscite la pitié, qui a des troubles neurocognitif.
Ces gens-là existent dans notre matrice “Génération seniors”. Le premier représente 4% des plus de 55 ans. Ce sont des CSP plus qui ont plus de 35 000 € de revenu par an, sont digitalisés, ont peu ou pas de petits enfants, vivent en ville et sont propriétaires de plusieurs logements. La seconde catégorie représente 8% de la population : ce sont les seniors dépendants.
AF : Comment faire pour changer de regard ?
Nicolas Menet : Changer de regard c’est casser ces stéréotypes en expliquant qu’il y a toute une gamme de personnalités. Et surtout travailler sur l’individualité des personnes. Une personne qui avance en âge, c’est une personne qui continue à être ce qu’elle a toujours été.
Les signes extérieurs de vieillissement ne doivent pas la priver de son individualité. C’est cela qui change un regard. Une vieille dame avec son caddie, tu la vois avec un prisme restreint de vieille dame fragile mais c’est une personne individuelle. Nous avons énormément de mal à projeter ce regard là sur les personnes âgées parce qu’on s’arrête à leur apparence.
Changer de regard, ce n’est pas embellir, c’est détruire les stéréotypes.
Les comprendre, comprendre leur véracité et leur fausseté pour ne plus parler de vieillissement mais de longévité. Nous devons parler de société pour tous les âges, de personnes adultes qui avancent en âge.
Il y a des verbatims dans l’Open Lab qui sont superbes.
Les participantes nous disent “on est vieilles on est ridées, cela ne sert à rien de nous faire croire qu’on est sublimes”. C’est une forme d’âgisme positif. Changer de regard sur la vieillesse ne passe pas par embellir. C’est prendre conscience qu’on a ancré dans nos cerveaux des stéréotypes complètement faux. Ou qui ne représentent qu’une fraction de la population.
L’Open Lab de Silver Valley
AF : Tu évoques l’Open Lab, peux-tu nous expliquer comment il fonctionne et à quoi il sert ?
Nicolas Menet : L’open Lab est un vivier de plus de 9000 seniors. Ce n’est pas un lieu d’évaluation, c’est un observatoire sociologique continu. Une cohorte permanente de la vie des âgés, des personnes qui avancent en âge. Nous rencontrons une partie de ces 9000 seniors, une fois par mois, pendant une journée complète. Ces rencontres nous font prendre conscience d’un point essentiel : on n’arrivera jamais à avoir la vision d’un senior. Une personne de 80 ans a une vision de la vie qui est inaccessible pour nous car son expérience bouleverse sa perception des choses.
Un autre point clé, c’est qu’il est très compliqué voir impossible d’avoir ce type de feedback dans le cercle familial. J’aborde ce point dans Construire la société de la longévité.
Le lien intergénérationnel familial est très restreint dans l’opportunité de compréhension.
L’open Lab doit nous aider à appréhender la vision qu’on a avec 80 ans d’expérience de vie derrière soi.
AF : Y arrivez-vous ?
Nicolas Menet : Je le pense, oui. Car les participants nous disent des choses et admettent qu’ils ne pourraient pas les confier à leurs enfants, pour ne pas les déprimer ou leur imposer leurs préoccupations en tant que parent. Il y a une sorte de pudeur qui n’est pas seulement générationnelle. Chacun préserve une image positive de soi parce que c’est comme cela qu’on évite les heurts. Grâce à l’Open Lab, nous sommes en train de sentir cela.
La façon dont le temps est géré, compris, comment les choses sont vues. C’est ce que nous cherchons à faire et c’est par ce genre de constat là qu’on change le regard.
Utilisation de l’Open Lab par Silver Valley
AF : Comment utilisez-vous les travaux de l’Open Lab dans le volet économique de Silver Valley que tu évoquais plus haut ?
Nicolas Menet : Nous utilisons les enseignements de l’Open Lab pour aider nos entreprises à cerner leur marché. Par exemple pendant Les mercredis de l’Entrepreneur. Ce sont des séances de coaching face à face où nous faisons bénéficier nos adhérents des toutes dernières découvertes de l’Open Lab. Nous communiquons des insights.
Il ne s’agit pas d’études approfondies comme celles réalisées par le Gerond’If, I2ML, le Gérontopôle Pays de Loire, Techsap Ouest ou encore l’Autonom Lab.
L’open Lab Silver Valley, ce n’est pas un living lab.
Nicolas Menet
Nous ne faisons pas de l’évaluation ni des études cliniques. Nous sommes uniquement centrés sur la connaissance profonde de l’usager dans sa représentation, ses actions, son usage.
Ce que nous proposons à nos entrepreneurs, c’est de l’amorçage. Amorcer une réflexion, avoir un premier retour très rapide pour savoir si on a besoin d’une évaluation. C’est du go to market, du marketing, de la communication, de la sociologie appliquée.
D’autre part, nous comptons organiser des matinales où relater des événements survenus dans l’Open Lab. Nous pensons à des publications, tables rondes et conférences.
L’Open Lab peut aussi être sollicité dans le cadre d’une étude spécifique, à la demande d’une entreprise. Ce sont des sessions fermées financées par des acteurs, souvent de grandes entreprises qui viennent tester leurs projets. Ces études restent bien évidemment la propriété de l’entreprise qui les a commandées. Elles ne sont pas diffusées.
Enfin, nous n’excluons pas de faire des publications en 2020. Il ne s’agira pas de publications académiques mais de rapports d’activité avec une approche centrée sur les verbatims, comme si le rapport était écrit par les seniors de l’Open Lab eux-mêmes.
Design thinking et Silver économie
AF: L’implication des seniors dans le processus d’innovation est très courante actuellement. Pourquoi, d’après toi ?
Nicolas Menet : J’ai commencé à m’intéresser aux seniors autour de 2013. Il y avait une prévalence du secteur médico-social et sanitaire avec des experts sur la gériatrie, la gérontologie, les Ehpad, les hôpitaux etc. C’est un secteur qui est structuré depuis plus de 70 ans. Il y a eu des pionniers qui sont encore en place et en 2013, suite à la loi créant la filière Silver économie, il y a eu pléthore d’innovation.
L’implication des seniors dans le processus est plus récente et fait partie des réflexions que nous menons dans le comité national de filière. Nous étudions comment comprendre, fédérer et cartographier ces innovations et éviter des redondances.
Nicolas Menet
Ave la Task Force Innovation de la filière Silver économie nous essayons de trouver comment nous les acteurs institutionnels pouvons faire en sorte d’avoir des innovations pertinentes pour les usagers.
Pertinentes pour le système de santé, de prévention et de protection sociale et pertinente pour les entrepreneurs adhérents à Silver Valley qui ont besoin d’avoir des entreprises qui marchent.
Cela demande de canaliser les systèmes de financement public, de sensibiliser les business angel et les investisseurs privés. Cela demande aussi de mobiliser les grands groupes, notamment ceux du CAC 40. Quelques-uns sont déjà dans la course mais il n’y en a pas assez.
Parce que c’est quand ces acteurs appuieront sur le bouton que la Silver économie telle qu’elle a été imaginée en 2013 deviendra une réalité économique.
Ce n’est pas les startup qui feront que le marché devient réel. Quand AG2R, EDF, Microsoft, les Mousquetaires, Casino appuieront sur le bouton Silver économie, cela va bénéficier à tout le monde.
Silver économie et adaptation de la société au vieillissement
AF : D’où viennent cette prise de conscience et cette nouvelle nécessité de remettre l’usager au centre de l’innovation ?
Nicolas Menet : Ce n’est pas très difficile de répondre. Dans la Silver économie, tout n’a pas pris à la hauteur des attentes. Il y a beaucoup d’institutionnels très brillants qui ont imaginé des outils qui permettent de faire de la France un des leaders mondiaux dans la prise en compte dans l’appareil législatif du vieillissement de la population.
L’Adaptation de la Société au Vieillissement c’est super fort : ce n’est pas le vieux qui s’adapte à la société, c’est la société qui s’adapte à lui.
Nicolas Menet
C’est unique au monde, même les Japonais regardent ce qu’on fait. Nous avons des contacts à l’international et la France est considérée comme une référence mondiale pour sa longévité en bonne santé et ce qu’on a réussi à faire avec la Silver économie.
Il y a tout un chapitre sur le sujet dans Construire la société de la longévité.
L’État a été prospectif et c’est très rare qu’il le soit à ce point-là. Malheureusement, cinq ans plus tard, les résultats économiques ne sont pas au rendez-vous. Une remise en question est donc nécessaire et elle doit notamment passer par la recherche de réponses aux vrais problèmes rencontrés par les seniors.
En mettant l’usager au centre, on répond mieux au besoin, en répondant mieux au besoin on crée les marchés et on fait vivre la filière.
C’est ça l’idée et c’est aussi une idée globale du marketing depuis dix ans. Ce nouveau paradigme n’est pas propre à la Silver économie. Dès 2010, 2012, on a parlé de design thinking, co-création, workshop où des clients lambda sont impliqués dans le processus de conception. On leur fait tester et construire des prototypes. Le design thinking existe depuis cette époque et il infuse dans la Silver économie.
Panorama des startup de la Silver économie
AF: “Start-up, arrêtons la mascarade”, le livre que tu as écrit avec Benjamin Zimmer, raconte l’histoire triste d’un jeune entrepreneur appelé Tom qui monte une start-up sur un problème imaginaire qu’il ne confronte jamais à la réalité des besoins des seniors. Croises-tu beaucoup de Tom ou bien l’espèce est-elle en voie d’extinction ?
Nicolas Menet : Tu as bien compris que l’histoire de Tom est une caricature. Depuis que je suis à Silver Valley, je rencontre un grand nombre de porteurs de projets : les nouveaux adhérents de Silver Valley, les candidats à la bourse Charles Foix. Je fais aussi partie des commissions BPI et je vois beaucoup de projets d’innovation depuis un an. J’ai une mauvaise nouvelle, il y a encore trop de Tom dans l’écosystème ! [rires].
Pour schématiser, il y a quatre types de projets.
- 25% des projets qui sont tops niveau avec des gens qui sont préparés, connaissent tout, ont déjà monté des entreprises et sont parfois beaucoup plus âgés que la moyenne des entrepreneurs. Ils cartonnent et ça marche.
- Ensuite, 25% de jeunes ingénieurs super bons qui sortent des grandes écoles, ils ont levé des fonds avant de faire le moindre truc et ils ont une très grande liberté dans ce qu’ils vont faire.
- Le quart suivant est constitué de projets un peu bringuebalants. Des projets pour lesquels l’appui de Silver Valley est déterminant. Les mercredis de l’Entrepreneur sont justement là pour redresser la barre. C’est un programme financé par HSBC dont je salue l’implication dans la Silver économie. Grâce à HSBC, on peut faire quelque chose de ces projets. Ce n’est malheureusement pas suffisant pour le dernier quart des projets. Ils sont adhérents, ils viennent, ils n’ont pas de client mais leur entreprise continue d’exister.
Les Tom comme dans le livre, c’est 25 % des projets !
Ma grande fierté, c’est qu’on croise beaucoup moins de « Tom » chez Silver Valley qu’à l’extérieur. Je pense que Silver Valley a la réputation d’avoir un niveau d’exigence élevé.
Nicolas Menet
Mais globalement dans l’écosystème start-up, on est encore loin de l’âge de la maturité.
AF : Comment l’expliques-tu ?
Nicolas Menet : Il y a plusieurs raisons. D’abord, les écoles d’ingénieurs, les écoles de commerce, même certaines universités incitent leurs étudiants à devenir entrepreneur. La Silver économie on commence à en parler comme un eldorado.
Notamment depuis que Happytal a réussi la plus grosse levée de fonds de l’histoire de la Silver économie, avec sa levée record de 23 millions d’euros en 2018. Tout à coup la presse tech, Maddyness, Medium etc. commence à parler de l’écosystème qui attire de nouveaux talents. D’ailleurs, cet automne, notre concours étudiant n’a jamais attiré autant de monde.
AF : As-tu un message pour les futurs entrepreneurs intéressés par la Silver économie ?
Nicolas Menet : Nous avons envie de porter le message que la Silver économie est un marché intéressant mais qui demande du travail, de la connaissance.
S’il vous plaît, arrêtez de nous faire le pitch “ma grand-mère elle est seule et j’ai pensé que”. Ce n’est plus possible de faire des trucs comme ça en 2019. Nous avons besoin d’entrepreneurs matures et réalistes.
Nicolas Menet
Vous avez aimé cet article ? Vous avez appris des choses ?
Savez-vous que nous publions un nouveau contenu chaque semaine ?
En le lisant, vous prendrez de l’avance sur vos concurrents sans avoir à réaliser une veille fastidieuse…. puisque nous la ferons pour vous !
Pour bénéficier de ce contenu c’est simple : rejoignez notre liste de diffusion exclusive en inscrivant votre e-mail ci-dessous.
Ou… découvrez les derniers numéros de Longévité en visitant cette page de présentation.