La grève des cheminots expliquée à mon fils

En ce nouveau (et loin d’être le dernier) jour de grève à la SNCF, mon fiston m’a posé l’une de ces questions pleines de malice dont les enfants ont le secret.

Et comme le mouflet n’est pas avare de curiosité on a bien fait le tour du sujet.

L’interprétation est toute personnelle, et elle vaut ce qu’elle vaut !

Dis papa, pourquoi c’est la grève ?

Et bien, c’est très simple : les gens qui conduisent les trains, qu’on appelle des cheminots, ne veulent pas changer leur organisation. Ils refusent qu’on leur impose un nouveau cadre de travail. Or, les responsables de la SNCF et l’Etat (qui est actionnaire majoritaire de la SNCF) ont décidé que les règles de fonctionnement du train ne sont plus adaptées à notre époque.

La grève des cheminots

Et pourquoi pensent-ils que les règles ne sont plus adaptées ?

Parce que ces règle qui sont très anciennes ont été fixées à une époque où la situation était différente. A cette époque, les gens prenaient plus souvent le train car ils n’avaient pas le choix. Il y avait beaucoup moins de voitures et l’avion coûtait très cher. A cette époque, le travail des cheminots était très difficile et fatigant. Ils devaient réaliser beaucoup de choses à la force des bras.

C’est pourquoi l’Etat leur a accordé un statut qui les protège et compense les difficultés de leur travail par des avantages. Ils bénéficient notamment d’un régime de retraite spécial. Les cheminots peuvent partir à la retraite plus tôt que la majorité des employés français (52 ans pour les roulants, 57 ans pour les sédentaires).

Leur retraite est calculé sur le dernier traitement et les trois dernières ou les trois meilleures années de la prime de traction. Le traitement c’est le salaire de base brut sans les primes et la prime de traction c’est la prime pour le nombre de kilomètres parcourus par mois. Aujourd’hui peu de cheminots peuvent partir à 52 ans car ils sont pénalisés par une mécanisme de décote qui fait fortement baisser leur pension de retraite s’ils ne cotisent pas suffisamment. Si les plus âgés peuvent espérer partir avant 58 ans, tous les jeunes cheminots seront obligés de cotiser autant de trimestres que dans le régime salarié pour toucher une retraite à taux plein.

C’est compliqué, tu ne trouves pas ? Alors prenons un exemple : 

Jean-Marc est né en 1968. L’âge pivot, c’est à dire l’âge auquel il peut partir car il a atteint le niveau de cotisation minimum autorisant la prise de retraite c’est 50 ans et 8 mois c’est l’âge pivot. Mais s’il part à 50 ans, il est pénalisé par une décote. Pour Jean-Marc, la décote représente 490 euros par mois. Il a donc décidé de travailler jusque à 54 ans et deux mois pour annuler la décote mais il sera quand même pénalisé car s’il voulait avoir sa retraite à taux plein, il devrait continuer à travailler jusque à 58 ans.

la grève des cheminots

Mais pourquoi c’est embêtant qu’ils aient une meilleure retraite et qu’ils puissent la prendre plus tôt que les autres ?

En France, les actifs financent la retraite des retraités.

A la SNCF, les cheminots actifs cotisent pour payer leurs retraités. Au milieu du vingtième siècle, quand le régime de retraite des cheminots a été mis en place, il y avait moins de retraités. Et compte tenu des conditions de travail, ils ne vivaient pas très vieux.

Aujourd’hui c’est différent : les gens vivent beaucoup plus longtemps. Et comme la SNCF a besoin de moins de cheminots, il y a trop cheminots retraités pour que les cotisations payées par les cheminots en activité suffisent pour payer les retraites de leurs anciens collègues.

La SNCF demande donc à l’Etat de l’aider et quand l’Etat a besoin d’argent, il le prend aux français en leur faisant payer des impôts. Alors, depuis plusieurs années, la retraite des cheminots est payée par tous les français, qui ont l’impression de payer deux fois : une fois en achetant leur billet de train et une deuxième fois en payant leurs impôts.

Et malgré cela, la retraite des cheminots, et plus généralement leur statut, coûte très cher à la SNCF. L’Etat pense que sans ces dépenses, la SNCF serait plus compétitive et c’est pour cela qu’ils veulent supprimer le statut de cheminot pour les nouveaux embauchés.

Mais tu te doutes bien que les cheminots ne sont pas du même avis. Ils estiment que l’Etat n’a pas le droit de les priver de leur statut.

la grève des cheminots

Mais pourquoi les cheminots sont-ils si attachés à leur statut ?

Parce que le statut de cheminot ne se limite pas à ses avantages. C’est un ciment qui unit ceux qui en bénéficient. Les cheminots partagent un métier, un outil de travail, une culture ouvrière, une histoire, un héritage, un sens du service, des valeurs et une vision commune.

C’est une corporation qui a peur de disparaître et de perdre son identité. Si l’Etat décide qu’il n’y aura plus de nouveaux cheminots, la corporation va se réduire au fur et à mesure des départs en retraite, perdant un peu de son aura et de son énorme influence dans le fonctionnement de la SNCF.

Par exemple, les cheminots ne pourraient plus faire peser la menace d’une grève paralysante pour faire passer leurs revendications. Les cheminots pensent qu’une fois le statut supprimé, ils pourraient avoir à subir les mêmes pressions que les employés de France Télécom à la création d’Orange, les ouvriers métallurgistes après le rachat d’Arcelor par Mittal et toutes les industries victimes des délocalisations de l’outil de travail.

Et quoiqu’ils en disent, en supprimant le statut, ce que souhaitent la direction de la SNCF et l’Etat c’est avoir les coudées franches pour libéraliser le marché du rail.

Je ne comprends pas, tu utilises des mots trop compliqués, pourquoi la SNCF veut-elle libéraliser le rail ?

  • Pour rendre les tarifs plus compétitifs,
  • Pour que les trains soient plus ponctuels,
  • Parce que c’est la règle pour toutes les autres activités économiques, notamment dans les transports.

Certains observateurs pensent que « sous couvert de l’ouverture des marchés, il s’agit en fait de réduire les avantages sociaux consentis aux cheminots, incarnation d’un des derniers bastions ouvriers, dans l’espoir d’exacerber la concurrence ainsi que de faire baisser les coûts et réduire les tarifs pour les clients industriels et les voyageurs les plus solvables ».

Le gouvernement a décidé d’intervenir pour aider la SNCF à s’en sortir avec son énorme dette de 50 milliards d’euros. Certes, cette dette n’est pas imputable au seul régime de retraite des cheminots. C’est surtout la conséquence de la politique de développement du TGV. Cette dette va être prise en charge par l’Etat, donc par les contribuables. L’Etat estime que les cheminots doivent faire un effort pour rééquilibrer les comptes de leur entreprise.

Voila, tu en sais désormais plus sur la grève des cheminots. Je ne t’ai pas laissé le temps de me demander qui a raison et qui a tort. Je n’ai pas la réponse. Cela peut être personne.
Ou tout le monde.

Ce sont deux visions qui s’opposent. Les tenants d’un service public avec des agents protégés contre les promoteurs d’un marché libéralisé au bénéfices des clients. A toi de voir quelle solution tu préfères et dans quel camp tu vas te ranger. A moins que tu préfères te poser sur le côté et compter les points.

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