Chaque lundi de Pentecôte, les salariés Français travaillent « gratuitement ». S’ils ne sont pas tous astreints à travailler le lundi, leur employeur doit, d’une façon ou d’une autre, récupérer le fruit de leur travail sur les salaires qu’il verse.
Cette journée instaurée au début des années 2000 doit permettre de financer les actions en faveur des personnes très âgées. Dans cet article, j’explique à ma fille en quoi consiste cette journée de solidarité.
Dis papa, c’est quoi la journée de solidarité ?
C’est un impôt qui sert à financer la Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie. Cet organisme a été mis en place après la canicule de l’été 2003.
Pendant l’été 2003, il y a une une très forte vague de chaleur qui a duré plusieurs jours d’affilée. La température, très élevée pendant la journée, ne baissait pas pendant la nuit.
A cause de la canicule, 20 000 personnes âgées sont mortes, notamment de déshydratation.
Il n’existait aucun dispositif adapté pour les informer sur les mesures préventives, leur venir en aide ou même simplement s’assurer qu’elles allaient bien.
L’opinion publique a brutalement pris conscience de l’isolement des personnes âgées fragilisées.
Le gouvernement a décidé d’agir pour éviter une nouvelle catastrophe démographique. Dès l’été suivant, il a créé :
- la CNSA, un organisme chargé de la prévention de la perte d’autonomie,
- La CSA, un impôt pour financer l’action de la CNSA.
La CNSA est alimentée par les ressources générées par la journée de solidarité.

La particularité de ce prélèvement obligatoire tient dans sa forme.
Le gouvernement a déclassifé un jour férié pour en faire une journée travaillée. Le lundi de Pentecôte. La journée de solidarité est une journée de travail non rémunérée. Pour les employeurs, elle se traduit par une contribution mise à leur charge (la contribution solidarité autonomie ou CSA).
Pourquoi créer une journée de solidarité au lieu d’utiliser un impôt existant ?
La décision de créer une journée de solidarité plutôt que d’augmenter le taux d’un prélèvement déjà existant est justifiée par l’énorme émoi suscité par les décès de personnes âgées à cause de la canicule.
L’opinion publique s’est révoltée en découvrant ce drame que les pouvoirs publics avaient été incapables de gérer.
Le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin a pensé que pour répondre à cette vague de mécontentement populaire, il fallait prendre une mesure qui marque les esprits.
Puisque l’assistance à nos vieux est l’affaire de tous, il a décidé d’en appeler à la solidarité nationale.
Son erreur a été de croire que la solidarité nationale irait jusqu’à renoncer à un jour férié, mais ça c’est une autre histoire.
L’autre raison pour laquelle le gouvernement devait trouver une nouvelle source de financement, c’est qu’il n’existait pas de système de couverture du risque de perte d’autonomie. La prévention de la perte d’autonomie était quelque chose de complètement nouveau qu’il fallait donc alimenter par un nouveau prélèvement.

Mais les canicules ne sont pas si fréquentes que ça ! Pourquoi créer tout un système de prévention de l’autonomie et pas uniquement des mesures préventives en cas de canicule ?
La canicule a été le détonateur. C’est une catastrophe naturelle qui a coûté très cher à l’Etat et à la Sécurité sociale alors que des mesures préventives, une meilleure communication et une meilleure surveillance en amont auraient évité le pire et auraient surtout coûté beaucoup moins cher.
On a donc cherché à éviter que la situation se reproduise et tant qu’à faire, on a aussi essayé d’anticiper d’autres situations problématiques liées à la fragilité des personnes très âgées. Eviter la perte d’autonomie coûte moins cher que d’en financer les conséquences.
Pourquoi est-ce que ça coûte cher de financer les conséquences de la perte d’autonomie ?
La perte d’autonomie se traduit par une incapacité à réaliser seul des actions de la vie courante comme se lever, s’habiller, se nourrir ou se déplacer. Tu dois donc faire appel à une assistance technique ou humaine pour suppléer tes défaillances. Et tout cela coûte beaucoup d’argent aux personnes âgées et à l’Etat qui leur vient en aide pour faire face à ces dépenses.
Car il existe quand même des aides, comme l’APA, l’ASH ou le crédit d’impôt mais leur effet est limité. Elles ne conviennent pas à toutes les situations (tout le monde n’y a pas droit) et ne couvrent pas tous les besoins.
Il n’existe pas de système d’assurance collectif comme c’est le cas pour la vieillesse ou la maladie. Il y a bien eu une velléité de créer un cinquième risque mais la réflexion n’a pas abouti.
C’est quoi le cinquième risque ?
Le système de sécurité sociale couvre quatre risques :
- la maladie,
- les accidents du travail,
- la vieillesse,
- la famille.
Le cinquième risque aurait été la dépendance liée à l’âge ou au handicap. Il se serait agit d’un régime spécifique concentrant à la fois des ressources et des prestations.
C’est le choix qu’ont fait les allemands en 1998. Suite à la canicule de 2003, le sujet a été relancé en France et plusieurs rapports gouvernementaux successifs ont estimé l’impact d’une telle réforme. La réforme de la dépendance a été annulée par Nicolas Sarkozy le 1er février 2012 en raison du coût et du mode de financement à trouver.
Les pouvoirs publics ont donc incité les assureurs privés à développer des garanties complémentaires dépendance à cotisation volontaire mais ce mécanisme n’a jamais décollé car :
- C’est un système facultatif,
- Le réflexe préventif est très faible en France,
- Les garanties ne sont pas avantageuses : la cotisation est élevée, les conditions d’activation jugées restrictives et le montant des rentes peu compétitif.
On en revient donc à notre point de départ !
Il n’existe pas de système pérenne et fiable pour financer la perte d’autonomie et les mécanismes préventifs montrent leurs limites.
Or il y a de plus en plus de personnes âgées et elles vivent de plus en plus longtemps. Il est donc possible, voire probable que le nombre de personnes âgées dépendantes augmente fortement à horizon 2030.
Le système de prise en charge de la perte d’autonomie est périmé : les mouvements sociaux se multiplient, l’opinion publique réclame des solutions et l’Etat n’a pas de réserves financières pour payer l’addition. Et que fait l’Etat quand il est confronté à ce type de problèmes ?
Il créé un nouvel impôt ?
Exactement. En 2018, pour réagir aux mouvements sociaux dans les EHPAD, La réaction de la ministre de la Santé Agnès Buzyn a été d’annoncer que pour pallier à l’augmentation des dépenses liées à la perte d’autonomie, il faudrait créer une deuxième journée de travail « gratuit ». C’est à moitié un effet d’annonce pour tester la réaction du public, à moitié une solution désespérée ou pour le moins très prématurée.
Comme en 2004, l’objectif est de trouver un moyen de financer la situation tout en sensibilisant les français sur leur responsabilité dans la prise en charge des conséquences du vieillissement de la population.
Par la suite, Emmanuel Macron a demandé à son gouvernement de plancher sur une loi Grand Age et Autonomie dont la portée est encore floue. Tout comme le mode de financement.
En attendant, la journée de solidarité est un système de financement qui a le mérite d’exister et dont la portée symbolique est forte.
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Les EPDAD ,elles sont pour la plus part du temps privées . Donc on finance d’abord les actionnaires et le reste c’est pour les résidents .chercher l’erreur !
Bonjour Nadine, merci pour votre commentaire. En réalité, les EHPAD privés commerciaux ne représente qu’un tiers de l’ensemble des établissements français. La plupart des EHPAD sont publics ou privés associatifs non lucratifs.
Contre cette taxe car déjà je l’étais pour le lundi de Pentecôte ,pourquoi est ce des frais ? Vu que ces retraites décédés ne toucherait plus leurs retraites ou de réversions cela a fait ,désolée ! ,une énorme économie sur ces pauvres personnes décédées chez elles .Encore un moyen de se laver sur le peuple et travailleurs