Le transhumanisme a pour ambition de combattre le vieillissement et d’augmenter la longévité en trouvant un remède au vieillissement. Si chercheurs et médecins s’accordent sur la limite actuelle de la longévité humaine autour de 120 ans, les transhumanistes sont convaincus qu’ils peuvent repousser cette limite au-delà de 150, 250, voir même 1000 ans.
Certains concepts transhumanistes comme l’uploading ou la colonisation spatiale semblent appartenir au domaine de la science-fiction. Cependant, des centaines d’équipes scientifiques mènent d’ores et déjà des recherches afin de prolonger l’espérance de vie au-delà de ses limites naturelles. Nous vous proposons un tour d’horizon des principaux projets transhumanistes dans le domaine de la longévité et du vieillissement.
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La technomédecine et les NBIC
L’acronyme NBIC désigne 4 technologies
Les nanotechnologies
Les techniques intervenant du point de vue atomique ou moléculaire. Elles apparaissent dans les années 1980 avec l’invention du microscope à effet tunnel, qui permet de déplacer des atomes individuellement. Cet équipement permet de créer des nanomatériaux, à l’échelle du millième de micron (le nanomètre). Les applications sont de trois ordres.
- Biologie avec la manipulation des molécules d’ADN,
- Informatique avec la fabrication de microprocesseurs avec des transistors de taille nanométrique,
- Sciences cognitives avec les implants neuronaux intracrâniens qui profitent pleinement de la miniaturisation.
Les nanotechnologies pourraient permettre à court terme de fabriquer des nano médicaments efficaces pour soigner de manière ciblée certains cancers, en utilisant par exemple l’échauffement de zones ciblées ou en se fixant chimiquement aux cellules cancéreuses provoquant ainsi leur apoptose ciblée (suicide cellulaire) ou en leur délivrant un anti-cancéreux.
A plus long terme, les nanotechnologies pourraient permettre de fabriquer des nanorobots permettant de nous auto-réparer ou d’implanter des artefacts dans le cerveau afin de nous interconnecter avec des interfaces informatiques et robotiques, à même de remplacer ou d’améliorer nos organes défaillants.
Biotechnologies
L’ingénierie génétique et les modifications de la carte génétique. La génétique, qui a pleinement débuté avec la découverte de la double hélice d’ADN en 1953 joue un rôle important dans la révolution NBIC.
Depuis le séquençage complet du premier génome humain en 2003 pour 3 milliards de dollars, le prix du séquençage d’un génome humain a été divisé par 3 millions. Il est aujourd’hui accessible pour un millier d’euros. Cette démocratisation a deux impacts majeurs.
D’une part, l’augmentation du nombre de personnes séquencées doit permettre de corréler l’apparition de nombreuses maladies avec certains gènes spécifiques en utilisant des traitements informatiques massifs sur un grand nombre de génomes.
D’autre part, cet accès au séquençage à bas coût permettra à chacun de connaitre son génome et ainsi ses prédispositions aux différentes maladies afin de les traiter préventivement.
Informatique
Les outils informatiques et numériques sont la colonne vertébrale du projet transhumaniste. Dans le domaine de la recherche, le développement de la vitesse de calcul des processeurs, de l’intelligence artificielle et du big data rendent possible des calculs complexe, par exemple sur le séquençage du génome.
Sciences cognitives
Les sciences du cerveau regroupent toutes les études sur le cerveau, les neurosciences, les implants neuronaux, la psychologie. Leur objectif est la compréhension du cerveau humain pour lequel le séquençage du génome devrait jouer un rôle majeur. Les études sur le cerveau pourraient permettre de vaincre les maladies neurodégénératives.
Les sciences cognitives pourraient aussi nous permettre de conserver ou même d’augmenter nos capacités cognitives au cours du temps en stimulant la croissance neuronale, par voie médicamenteuse ou en interfaçant notre cerveau avec des implants électroniques.
Selon les transhumanistes, le développement conjoint de ces quatre disciplines peut mener à vaincre la mort. Plusieurs projets de recherchent misent sur la contribution croisée de l’éventail des nouvelles technologies (NBIC) pour modifier notre propre constitution.
NBIC : zoom sur Calico
Le plus célèbre programme de technomédecine est Calico (California Life Company). Ce laboratoire de recherche créé par Google en 2013 a pour objectif de « Tuer la Mort ». La firme de Mountain View y a investi plus d’un milliard de dollars, mais aucune communication ne filtre sur la nature précise des recherches.
A travers les partenariats lancés par Calico avec des startup et d’autres laboratoires de recherche dans le monde, certains observateurs pensent que le domaine principal d’étude de Calico est le séquençage du génome. Calico étudierait notamment le rat taupe nu, un petit rongeur de 8 cm de long, capable de vivre 30 ans sans jamais tomber malade. Au bout de 30 ans, il meurt de vieillesse. Il a toujours rejeté les cellules tumorales que les scientifiques ont tenté de lui greffer, parce qu’il sécrèterait son propre médicament anticancéreux, l’acide hyaluronique. Si l’on compare cette longévité à celle des autres rats, et qu’on la rapporte à celle de l’homme, cela représente environ 400 ans de vie.
La recherche sur les traitements anti-age agissant au niveau cellulaire
Le vieillissement et le maintien des fonctions physiologiques sont liées à deux phénomènes complémentaires, l’élimination par apoptose – ou mort cellulaire programmée – des cellules sénescentes et le renouvellement constant des cellules. Les signes du vieillissement cellulaire sont liés aux dommages causés à l’ADN. Plusieurs projets de recherchent portent donc sur la préservation ou la restauration de notre ADN. Les travaux sur l’ADN explorent plusieurs scénarios.
Recherches sur l’apoptose
Des chercheurs travaillent sur l’apoptose, ils ont créé de nouvelles susbstances, « les sénolytiques » qui encouragent les cellules âgées à s’autodétruire de manière sélective, afin que le système immunitaire puisse les éliminer. Les applications pratiques immédiates sont la lutte contre l’arthrose et la fibrose pulmonaire idiopathique. Ces travaux sont notamment menés par la clinique Mayo de Rochester (Minnesota) et au Scripps Research Institute (Floride)
Recherches sur l’épigénétique
D’autres travaux au niveau cellulaire portent sur la qualité de l’information stockée dans le cellules, au niveau épigénétique. Les informations qui sont enregistrées dans notre ADN sont immuables, mais leur reproduction dans les cellules est sujette à une dégradation de nature physique. Une partie des informations est perdue ou dégradée, notamment en raison du vieillissement. Les informations ne peuvent plus être lues correctement. Il serait possible de traiter le vieillissement à la racine, en redonnant aux cellules les informations qu’elles avaient lorsque la personne avait 20 ans et qui se perdent avec le vieillissement. L’objectif de ces recherches est de produire un traitement de thérapie génique qui pourrait être mis sur le marché d’ici à 2025. Ce traitement permettra de lutter contre les effets de l’âge. Cette voie est notamment suivie par le professeur David Sinclair.
Zoom sur l’étude TAME
Le Targeting Aging with Metformin (TAME) est un projet national de six ans qui repose sur des tests cliniques menés par quatorze instituts de recherche aux Etats-Unis et impliquant 3000 individus âgés de 65 à 79 ans. Ce projet est dirigé par le directeur scientifique de l’American Federation for Aging Research (Afar), Air Barzilai.
TAME doit valider l’impact positif d’un traitement à base de metformine sur les patients atteints de maladies chroniques liées au vieillissement, comme les insuffisances cardiaques, les cancers et les démences séniles.
L’étude TAME est la première recherche ouvertement transhumaniste à bénéficier d’un financement public de grande ampleur et d’une reconnaissance officielle par un état. Si TAME parvient à faire valider que le vieillissement peut être soigné comme le sont d’autres maladies, d’autres projets pourraient bénéficier de la même publicité. Cette reconnaissance permettrait d’enclencher des recherches plus larges pour lutter contre les causes du vieillissement et non plus seulement contre les maladies provoquées par le vieillissement.
Que disent les détracteurs du transhumanisme
Le transhumanisme est loin de faire l’unanimité et de nombreuses critiques s’élèvent à son encontre. Elles sont de trois ordres
Un changement de paradigme et une perte de contrôle démocratique
Les détracteurs pointent du doigt le financement des recherches transhumanistes par les grandes entreprises américaines, notamment les GAFAM. Ils pensent que les transhumanistes sont le pur produit d’une société où les puissances de l’argent règnent en maitres et craignent que les sponsors du transhumanisme californien cherchent aussi à définir la morale applicable.
En France, le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) pointe du doigt la mise en péril de l’autonomie de décision. Comment s’assurer que le non-recours volontaire à des améliorations restera toujours possible ?
“L’enjeu éthique de l’autonomie est fortement engagé par le phénomène de neuro-amélioration. L’individu se croit libre de tout, mais en réalité il est sous l’effet d’une injonction à la performance.” (Avis n° 122 – 2013).
Ces détracteurs craignent aussi qu’une société qui a banni la mort soit une société où l’on ne fait plus d’enfant : si nous vivons éternellement, la natalité va baisser. Or c’est la natalité qui permet au monde de se renouveler.
Un risque de dépendance à la technologie et un creusement des inégalités
Les innovations proposées par les transhumanistes pourraient créer une dépendance à la technologie qui rend possibles les merveilles qu’il promet. Cela revient à remplacer une forme de dépendance par une autre. Les bénéfices des augmentations ne compensent pas les servitudes qu’elles impliquent.
Le désir d’être neuro-amélioré peut sembler être largement partagé, par conformité sociale, mais sa réalisation n’est possible que pour quelques-uns. Le risque est alors grand d’aboutir à une classe sociale “améliorée”, constituée d’une petite minorité d’individus bien informés et disposant des ressources financières suffisantes pour y accéder.
Les technologies transhumanistes pourraient provoquer un creusement des inégalités. La création d’une humanité à deux vitesses entre les augmentés et ceux qui ne peuvent ou ne veulent pas s’augmenter et son relégués au ban de la société.
En 2004, le Vatican publie une note intitulée Communion et service : la personne humaine créée à l’image de Dieu.
“le recours à la modification génétique pour produire un surhomme ou un être doté de facultés spirituelles essentiellement nouvelles est impensable, puisque le principe de la vie spirituelle de l’homme […] n’est pas produit par des mains humaines”.
Une confusion entre croyance et connaissance
Une partie de la communauté scientifique remet en question, preuves à l’appui, les thèses transhumanistes.
Pour ces détracteurs, les promesses les plus spectaculaires du transhumanisme ne sont pas sérieuses. Elles résultent d’une transposition de la pensée informatique et de la logique de l’ingénieur au vivant.
Ça ne marche pas, ça ne marchera pas.
Des neuroscientifiques sont convaincus que le vieillissement est inéluctable, même s’il y a de sérieux espoirs pour qu’il se déroule en meilleure santé, y compris pour la longévité cérébrale. Les progrès des cinquante dernières années permettent de comprendre le cerveau mais peu d’avancées scientifiques ont débouché sur des traitements curatifs.
Que répondent les transhumanistes à leurs détracteurs
L’évolution actuelle des technologies ne permet pas de savoir ce qui sera possible d’ici à la fin du siècle. Il ne fait aucun doute que des technologies qui contribueront à soulager les douleurs et allonger la vie recevront un accueil favorable du public.
À ce jour, le sujet n’intéresse pas les gouvernements, alors que des entreprises privées y investissent des sommes colossales. Par exemple l’Etat saoudien a créée la fondation Hevolution qui injectera 1 milliard de dollars par an dans les recherches sur la longévité.
L’enjeu n’est pas d’empêcher un progrès inéluctable, mais de réfléchir à l’impact qu’il aura sur nos vies et nos organisations.
Les promoteurs du transhumanisme, comme le philosophe Luc Ferry, invitent donc à se pencher sur trois sujets.
- Réfléchir sur l’augmentation de l’être humain et le post humain, c’est réfléchir à ce qui fait de nous des humains. Ce qui nous rend humains, le caractère désirable de cette humanité et les limites qu’elle implique.
- Délimiter précisément les enjeux éthiques du transhumanisme et formaliser les règles et interdits afin d’éviter un transhumanisme sauvage ou la naissance d’une humanité à deux vitesses.
- Créer des circuits de financements publics et règlementer la recherche pour maitriser les découvertes et éviter qu’elles soient l’apanage de sociétés multinationales, notamment les GAFAM.
Conclusion
Quoiqu’on pense du transhumanisme, il a le mérite de poser des questions que les autres n’abordent pas, en s’abritant derrière des paravents divers. Les recherches sur la longévité n’ont pas encore abouti à des résultats tangibles, mais imaginer que l’humanité regarde la découverte d’un traitement allongeant la vie comme une mascarade, c’est mal connaitre les ressorts de nos frères humains !
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