L’Arabie Saoudite annonce le lancement d’un vaste programme de recherche scientifique. Il veut consacrer 1 milliard de dollars par an à des recherches sur la longévité.
Confronté au vieillissement de sa population et constatant que les saoudiens âgés sont rarement en bonne santé, l’Arabie Saoudite craint que sa population vieillisse à un rythme accéléré et espère découvrir des thérapies pour y remédier.
La première action de ce programme concerne l’étude TAME qui doit prouver l’impact de la metformine sur le vieillissement cellulaire.
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Naissance de la fondation Hevolution
La famille royale saoudienne a lancé une organisation à but non lucratif appelée fondation Hevolution. Elle prévoit de dépenser jusqu’à 1 milliard de dollars par an pour soutenir la recherche fondamentale sur la biologie du vieillissement et trouver des moyens de prolonger le nombre d’années pendant lesquelles les gens vivent en bonne santé.
Si cette promesse se concrétise, l’État du Golfe deviendra le plus grand sponsor des chercheurs qui tentent de comprendre les causes sous-jacentes du vieillissement – et y trouver une réponse thérapeutique.
La fondation n’a pas encore fait d’annonce officielle, mais la portée de ses efforts a été décrite lors de réunions scientifiques.
Direction de Hevolution
Le fonds est géré par Mehmood Khan, ancien endocrinologue de la Mayo Clinic et ancien scientifique en chef chez PespsiCo. Il a été recruté pour occuper le poste de PDG en 2020.
« Notre objectif principal est de prolonger la période de vie saine », a déclaré Khan dans une interview. « Il n’y a pas de problème médical plus important sur la planète que celui-ci. »
Gouvernance de Hevolution
La fondation Hevolution a été créée par ordre royal en décembre 2018. Son président est le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane. Plusieurs acteurs occidentaux sont membres du conseil d’administration. Citons notamment Evgeny Lebedev, un homme d’affaires russo-britannique, le milliardaire américain Ron Burkle, et Andrew Liveris, l’ancien PDG de Dow Chemical.
Quelles recherches la fondation Hevolution compte financer
L’idée, populaire parmi certains scientifiques de la longévité, est que si vous pouvez ralentir le processus de vieillissement du corps, vous pouvez retarder l’apparition de multiples maladies et prolonger les années de vie en bonne santé. Khan dit que le fonds va accorder des subventions pour la recherche scientifique fondamentale sur les causes du vieillissement, tout comme d’autres l’ont fait, mais il prévoit d’aller plus loin en soutenant les études sur les médicaments, y compris les essais de traitements qui ont expiré par brevet ou qui n’ont jamais été commercialisés.
« Nous devons traduire cette biologie pour progresser vers la recherche clinique chez l’homme. En fin de compte, cela ne fera pas de différence tant que quelque chose n’apparaîtra pas sur le marché qui profite réellement aux patients. »
Le fonds saoudien est autorisé à dépenser jusqu’à 1 milliard de dollars par an indéfiniment. Il sera en mesure de prendre des participations financières dans des entreprises de biotechnologie. En comparaison, la division du National Institute on Aging des États-Unis, qui soutient la recherche fondamentale sur la biologie du vieillissement, dépense environ 325 millions de dollars par an.
Hevolution et TAME
La fondation Hevolution n’a pas annoncé quels projets elle va soutenir, mais des personnes familières avec le groupe disent qu’elle a envisagé d’investir 100 millions de dollars pour la technologie d’inversion de l’âge et qu’elle a conclu un accord préliminaire pour financer l’étude TAME.
Cet essai, connu sous le nom de « TAME » (pour « Cibler le vieillissement avec la metformine »), a été présenté comme le premier test majeur de tout médicament à retarder le vieillissement chez l’homme, mais l’étude croupit depuis des années faute d’investisseurs.
Nir Barzilai, chercheur à l’Albert Einstein School of Medicine de New York qui a conçu l’essai TAME, a déclaré à Londres en avril 2022 que la Fondation Hevolution avait accepté de financer un tiers de son coût.
Conflits d’intérêt ?
On pourrait s’interroger sur la recevabilité d’un financement saoudien pour mener une étude de santé publique profitant en premier lieu à la population américaine. Cependant, selon l’American Federation for Aging Research, une organisation à but non lucratif représentant les chercheurs en gérosciences, y compris Barzilai, cela n’est pas un problème.
« De nombreuses institutions aux États-Unis reçoivent des financements Saoudiens et nous le pouvons aussi », déclare Stephanie Lederman, qui est la directrice exécutive de la fédération. « C’est l’occasion pour des milliers de personnes d’en bénéficier, d’abord les scientifiques, puis la population du monde. Il pourrait y avoir beaucoup de gens qui vivent en meilleure santé plus longtemps.»
Quant à Barzilai, attendu qu’il cherche depuis des années à trouver les financeurs de TAME et que pour l’heure personne n’a accepté de mettre au pot, il pourrait difficilement faire la fine bouche devant un investisseur prêt à y mettre 100 millions de dollars !
Valider l’hypothèse de la géroscience
Cet accord de financement de TAME par la fondation Hevolution, s’il est finalisé, serait une approbation de l’hypothèse de la géroscience. Il s’agit d’une idée transhumaniste selon laquelle certains médicaments, en modifiant les processus de vieillissement de base à l’intérieur des cellules, peuvent retarder l’apparition de nombreuses maladies, y compris le cancer et la maladie d’Alzheimer.
Selon l’hypothèse de la géroscience, le vieillissement étant le principal facteur de risque de toutes les maladies chroniques affectant la population âgée, s’attaquer au vieillissement permettra d’obtenir des résultats bien meilleurs en matière de santé que de s’attaquer aux maladies individuelles une à une.
Le terme « géroscience » a été popularisé par Felipe Sierra, l’ancien chef de la division de biologie du vieillissement aux National Institutes of Health des États-Unis, qui a récemment été embauché pour être le directeur scientifique de la fondation Hevolution.
“Le vieillissement est de loin, et je veux dire de loin, le principal facteur de risque de toutes les maladies chroniques”. Felipe Sierra
Les fondements du désir Saoudien de longévité
Le gouvernement saoudien est en partie motivé par la croyance que les maladies du vieillissement constituent une menace spécifique pour l’avenir de son pays. Des études ont montré que les personnes vivant dans les États du Golfe ont un âge biologique supérieur à leur âge chronologique.
Les saoudiens souffrent de nombreuses maladies imputables à leurs modes de vie sédentaire, une alimentation riche et trop peu d’exercice. Même si la population saoudienne est relativement jeune, avec un âge médian d’environ 31 ans, l’obésité et le diabète y sont anormalement élevés… et en croissance. Dans une étude publiée en 2019 dans le Saudi Medical Journal, les responsables saoudiens de la santé publique ont déclaré que la prospérité du pays avait conduit à un « besoin urgent d’établir des programmes de prévention et de contrôle ».
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