Alors que l’arthrose touche un français sur six, les laboratoires peinent toujours à proposer des solutions dignes de ce nom à la souffrance des malades. La recherche sur les thérapies cellulaires, longtemps porteuse d’espoir, ne satisfait toujours pas les attentes qu’elle a fait émerger. En attendant de nouveaux progrès, les patients atteints se contentent de traitements à l’efficacité douteuse. Dans cet article, nous faisons un point d’ensemble sur la situation et l’état de la recherche.
Ce qu’il faut savoir sur l’arthrose
Une remise en contexte s’impose. Vous avez sûrement entendu parler de l’arthrose, et pour cause, selon les recherches, 10 millions le de français seraient atteints aujourd’hui. Mais savez-vous vraiment ce qu’est l’arthrose.
Parmi les personnes victimes d’arthrose, on retrouve 65% des plus de 65 ans, contre 3% des moins de 45 ans. La vieillesse est le principal facteur de risque, mais il n’est pas le seul : diabète, obésité, autres maladies articulaires ou encore hérédité peuvent favoriser le développement de la maladie.
L’arthrose se caractérise par une destruction de plusieurs tissus articulaires, en particulier du cartilage. Elle est à distinguer de l’arthrite qui désigne seulement une inflammation articulaire, sans dégradation du cartilage.
Les patients souffrent de symptômes variés comme une perte de mobilité, des douleurs plus ou moins fréquentes et prononcées, parfois continues, et une déformation articulaire. La maladie peut ainsi devenir très handicapante en fonction des articulations touchées et du degré auquel elles sont affectées. L’arthrose du genou ou des hanches rend chaque déplacement plus douloureux tandis que l’arthrose des mains peut rendre impossible des gestes apparemment banals. Comment tenir un couvert quand on ne peut plus fermer la main ?
Les chercheurs peinent encore à identifier les causes de l’arthrose et ses premières manifestations. Ils considèrent désormais qu’il existe plusieurs arthroses, chacune avec des causes et des manifestations spécifiques. La prise en compte de la situation du patient est donc essentielle pour trouver un traitement adapté, et plusieurs pistes sont à explorer.
Un traitement contre l’arthrose ?
Les traitements contre l’arthrose sont aujourd’hui uniquement symptomatiques. Aucun traitement ne permet à ce jour d’arrêter le développement de l’arthrose et de soulager définitivement les articulations. Avec plus de 15% de la population concernée, on pourrait s’attendre à ce que les laboratoires entrent dans une course effrénée pour trouver un traitement curatif efficace. Les entreprises semblent pourtant frileuses face aux investissements requis pour développer un tel traitement. La faute à l’effet placebo massif lié à l’arthrose (entre 20 et 50% selon les études). Les traitements efficaces éprouvent bien des difficultés pour se démarquer face à un tel biais cognitif.
En attendant ce traitement curatif fantasmé, des marchands de rêves profitent de la lucrative crédulité des patients. Crédulité qui ne peut d’ailleurs pas se résumer à de la naïveté, puisqu’elle illustre surtout le caractère insupportable des douleurs infligées par l’arthrose.
Les traitements de l’arthrose qui marchent
La recherche relative aux traitements contre l’arthrose peut cependant s’appuyer sur quelques certitudes. L’arthrose peut être prévenue en limitant les facteurs de risque. Perdre du poids permet de soulager les articulations, renforcer ses muscles en pratiquant une activité physique régulière y contribue aussi. Attention cependant à ne pas réaliser d’efforts trop importants : les exercices doivent être mesurés sous peine d’endommager davantage les articulations. On ne le répétera jamais assez : pour bien vieillir il faut bouger !
Les patients doivent se contenter d’antalgiques pour atténuer la douleur. Face aux inflammations, ils peuvent utiliser des anti-inflammatoires non stéroïdiens, voire dans certains cas une infiltration de corticoïdes. En cas d’arthrose du genou ou de la hanche à un stade avancé, les médecins prescrivent parfois une prothèse. Il s’agit d’une solution radicale mais qui se traduit souvent par une nette amélioration pour le patient, tant au niveau de la mobilité que de la douleur.
D’autres traitements n’ont pas encore fait la preuve de leur efficacité systématique
D’autres traitements existent, comme l’injection d’acide hyaluronique ou le lavage articulaire, mais les chercheurs débattent toujours de leur efficacité.
Pour le reste les incertitudes sont nombreuses. Peut-on anticiper l’apparition de l’arthrose ? Est-il possible de guérir certaines arthroses ? Sans réponse définitive pour l’instant, la recherche autour de l’arthrose se concentre aujourd’hui dans 3 domaines :
- Identifier des biomarqueurs : les biomarqueurs sont des paramètres physiologiques ou biologiques mesurables qui doivent permettre d’anticiper l’apparition de l’arthrose et de surveiller son évolution. Ils participent à mieux comprendre la maladie, les étapes qu’un patient traverse et les traitements qui pourraient intervenir à chaque étape.
- Lutter contre la dégradation en amont pour prévenir la destruction du cartilage et l’altération de l’articulation. Différentes molécules sont à l’étude, certaines pour stimuler la production de cartilage, d’autres pour limiter l’inflammation par exemple.
- Réparer l’articulation dégradée : parmi les pistes à l’étude on retrouve l’utilisation d’implants artificiels, de cartilage semi-artificiel ou encore de cellules souches.
La thérapie cellulaire, première thérapie curative ?
En 1998, James Thomson isolait pour la première fois des cellules souches humaines embryonnaires et ouvrait la voie aux thérapies cellulaires. Depuis lors, les cellules souches sont la source de beaucoup d’espoirs, et d’encore plus de fantasmes. Elles apparaissent comme la panacée pour toutes les maladies liées à une dégénérescence des cellules. Derrière les cellules souches se cache l’ambition d’améliorer les capacités régénératives du corps, autrement dit de vaincre (même temporairement) la mort.
Les thérapies cellulaires en synthèse
On peut résumer le principe des thérapies cellulaires ainsi : dans les premières heures de l’état embryonnaire, les cellules du corps humain sont indifférenciées. La division cellulaire occasionne la formation de cellules dites pluripotentes, c’est-à-dire que, dans les conditions appropriées, ces cellules pourront s’adapter aux différents organes du corps humain. Prélever des cellules souches, ou en recréer artificiellement, permet de réparer les tissus endommagés, quelle que soit la partie du corps touchée.
Dans les faits le sujet est plus complexe : il existe différents types de cellules souches et les chercheurs peinent à déterminer lesquelles seront les plus efficaces en fonction des tissus touchés. De plus, les scientifiques éprouvent des difficultés pour assurer l’assimilation des cellules implantées dans l’articulation lésée.
À l’âge adulte, les cellules souches sont toujours présentes en très faibles quantités dans certaines parties du corps humain (le sang notamment). Les scientifiques ont développé diverses techniques de prélèvement et de mise en culture de ces cellules au cours de la dernière décennie.
Avantages de l’usage des cellules souches
L’usage de cellules souches autologues (prélevées sur le patient) a de nombreux avantages :
- Une seule injection suffit : nul besoin de suivre un traitement sur plusieurs années. Une fois injectées, les cellules souches se développent par elles-mêmes et ne requièrent pas d’autres interventions ;
- Un traitement contre les inflammations et la dégradation du cartilage : les cellules souches régénèrent le cartilage et, au cours de ce processus, atténuent l’effet des molécules inflammatoires tout en renforçant l’expression des protéines qui réduisent l’inflammation. À terme, les cellules souches pourront éliminer intégralement la douleur.
- Moins d’effets secondaires : comme dans tout traitement il y a un risque d’effet secondaire. Néanmoins l’utilisation de cellules prélevées sur le patient facilite l’accommodation du corps aux nouvelles cellules et réduit sensiblement le risque d’effets secondaires en comparaison d’autres traitements obtenant des résultats similaires.
Le sujet vous intéresse, nous vous recommandons Les 9 causes du vieillissement, un article Sweet Home qui balaye en profondeur les causes génétiques du vieillissement et l’état d’avancement des traitements.
Les traitements à base de cellules souches en France
La majorité des expérimentations actuellement en cours en France utilisent des cellules souches prélevées dans le tissu adipeux. C’est le cas par exemple du projet européen ADIPOA coordonné par centre hospitalier universitaire de Montpellier.
La société Cellprothera s’intéresse aussi aux thérapies cellulaires de l’arthrose. Créée en 2008 – dans la continuité d’une expérimentation lancée en 2002 – cette entreprise se consacrait jusqu’à présent à la régénération du tissu cardiaque à partir de cellules souches sanguines autologues. L’expérience acquise dans le prélèvement et la culture de cellules souches doit lui permettre de diversifier son activité au-delà des seuls tissus cardiaques.
La solution développée par Cellprothera se base sur des cellules souches du sang dites pluripotentes. Cela signifie que lorsqu’elles s’activent, elles peuvent s’adapter et répondre aux besoins de différentes parties du corps, comme le cœur, le foie ou encore le cartilage. C’est pour cette raison que nous commençons nos essais sur le cartilage.
Professeur Philippe Hénon, directeur scientifique de Cellprothera
Cet objectif a convaincu un groupe d’investisseurs publics et privés de soutenir la société à hauteur de 6,8 millions d’euros. Un pari sur le long terme : Cellprothera est encore au stade des essais cliniques en ce qui concerne les thérapies du myocarde, et se lance seulement dans les thérapies de l’arthrose.
En d’autres termes, comptez encore plusieurs années (ou décennies) avant de voir apparaître des thérapies cellulaires fiables accessibles au grand public pour faire face à l’arthrose.
La course aux traitements : les lièvres et la tortue
Il est temps de reconnaître que 22 ans après les travaux de James Thomson, la recherche autour des thérapies cellulaires est encore loin de répondre aux espoirs qu’elle a fait naître. L’arthrose, qui touche simultanément plusieurs types de tissus, rend le problème encore plus complexe.
Si les cellules souches offrent de nombreuses possibilités, les recherches menées jusqu’à aujourd’hui n’ont débouché sur aucun traitement avec une efficacité prouvée Pourtant, des traitements cellulaires sont d’ores et déjà commercialisés aux États-Unis alors que les essais cliniques se multiplient sans jamais parvenir à des résultats concluants. Les effectifs de participants sont trop limités, les méthodes d’injection trop variées, l’effet placebo trop important pour permettre une véritable réplicabilité d’une étude à l’autre.
Le manque de moyen freine la recherche
Les études souffrent toutes d’un cruel manque de moyens, en témoigne le projet européen ADIPOA et ses 150 patients répartis en trois groupes. Si l’on tient compte des désistements inévitables, il est dur de croire que cette étude obtiendra des un effet suffisant pour garantir l’efficacité du traitement testé. Elle devra être répliquée par d’autres études, elles-mêmes étalées sur plusieurs années, qui reprendront une méthode comparable.
Or des thérapies ne seront produites en quantités suffisantes pour être abordables que si elles reçoivent des preuves scientifiques déterminantes de leur efficacité. À ce moment-là, un temps sera nécessaire pour structurer l’écosystème et proposer des thérapies fiables pour tous.
Les laboratoires n’obtiendront pas les moyens nécessaires tant que l’arthrose restera si peu visible dans le débat public. Au contraire des maladies neurodégénératives ou des cancers, il manque à l’arthrose une association influente capable de porter la voix des patients auprès des élus et des entreprises. Aucun traitement fiable ne sera produit tant que cette voix demeurera inaudible.
La promesse de long terme des thérapies cellulaires
Les thérapies cellulaires contre l’arthrose portent donc de formidables promesses sur le long terme. À moyen terme, les patients devront vraisemblablement se contenter de palliatifs moins efficaces et plus intrusifs que les thérapies tant attendues. Nul doute que les tortues des thérapies cellulaires atteindront les meilleurs résultats. Mais le temps nécessaire à les obtenir fera la joie des lièvres charlatans qui savourent ce répit inespéré.
Si vous souhaitez en savoir plus, nous vous invitons vivement à consulter le site de l’INSERM pour mieux comprendre les mécanismes derrière l’arthrose et les traitements à l’étude pour freiner la dégradation et l’inflammation du cartilage affecté par l’arthrose.
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