Gagnez du temps en vous posant les bonnes questions pour créer un habitat partagé qui répond aux besoins de vos clients et de vos parties prenantes. Notre dossier vous aide à vous poser ces questions et vous oriente sur les moyens pour en trouver une réponse, que ce soit au fondsd de vous même ou ailleurs. Nous travaillons sur l’habitat partagé depuis 4 ans et ce dossier est le fruit de notre travail.
Que votre entourage vous pose la question ou que vous le pitchiez, vous dites vouloir créer un habitat partagé parce que…
- Vous avez assisté votre grand-mère dans les dernières années de sa vie, elle est morte à l’Ehpad et vous vous sentez un peu responsable, alors vous voulez trouver une solution pour éviter cela à toutes les autres grand-mère du monde,
- Vous êtes propriétaire d’une splendide ferme dans le Cantal, vous n’y allez jamais et vous penser que cela ferait une super colocation pour des seniors épris de nature,
- Vous vous ennuyez à mourir, seul dans votre grande maison de campagne et vous aimeriez la transformer en colocation pour accueillir des seniors dans les 5 chambres d’amis,
- Vous êtes un.e pro de l’immobilier, de la finance ou du marketing et vous aimeriez vous reconvertir dans l’habitat senior parce que vous sentez qu’il y a un marché de dingue à aller conquérir,
- Vous êtes un.e pro de l’immobilier, de la finance ou du marketing et vous aimeriez vous reconvertir dans l’habitat senior pour faire quelque chose d’utile à la collectivité,
- Vous êtiez directrice ou directeur d’Ehpad et vous voulez offrir quelque chose de plus sexy que ces mouroirs à tous les vieux qui ne sont pas grabataires,
- etc…
Vous avez une raison. C’est une bonne raison, mais quelle est LA VRAIE raison ?
Essayez de penser plus profondément à vos motivations et à votre impact. Ne vous demandez pas seulement pourquoi vous voulez créer un habitat partagé, mais qu’est-ce que vous apporteriez au marché qui lui fait aujourd’hui défaut.
- Qu’est-ce qui vous permet d’affirmer avec une relative certitude que votre idée mérite de devenir un projet ?
- Que ce projet mérite que vous lui consacriez vos dix prochaines années ?
- Que ce projet mérite que vous en fassiez votre priorité existentielle ?
- Que ce projet vous mérite ?
Vous ne trouverez pas la réponse dès cette première question, aussi vais-je vous en poser 25 autres pour vous aider à balayer tous les aspects essentiels à un tel projet. Toutes les questions que vous devez vous poser avant de vous lancer.
Combien de temps voulez-vous y consacrer ?
Créer une entreprise, c’est un job à plein temps et créer un habitat partagé, c’est créer une entreprise qui demande encore plus de temps pour sortir de terre. Donc, concrètement, vous devez être prête à vous engager sur plusieurs années.
Je dirais, a minima :
- Un an pour se former, comprendre le marché, choisir un business model
- De 6 mois à un an pour trouver une commune accueillante
- De 9 à 18 mois pour rénover ou construire votre habitat
Là, vous en êtes à 3 ans sans gagner un kopek à faire vivre un projet qui ne tourne pas (vous n’avez pas de clients qui paient pour votre service)
Bien sûr, vous gagnerez du temps si vous possédez déjà une maison à aménager… mais ramené au projet global, ce n’est cette étape qui prend le plus de temps.
Par exemple, il aura fallu 7 ans à Stéphane Sauvé pour ouvrir sa première Maison de la Diversité, à Lyon (elle ouvrira en 2024). Parti dans l’idée d’offrir une alternative à l’ostractisme pour les seniors LGBT, Stéphane a vite constaté que le projet immobilier prendrait des années à sortir de terre. Il a donc créé une association, Les Audacieuses et les Audacieux afin de pouvoir passer à l’action en aidant ses publics sans attendre l’ouverture de son habitat partagé.
Sans atteindre ces extrêmes, vous ne pouvez pas passer moins de 3 ans pour lancer votre projet et ouvrir un premier habitat.
Avez-vous la motivation et la résilience nécessaire ?
Quel sera votre rôle dans ce projet ?
- Vous êtes propriétaire d’un lieu, vous pensez qu’il ferait un bon habitat partagé, mais vous n’avez pas l’intention de vous en occuper vous même, vous cherchez donc à le vendre à un porteur de projet ou à votre commune.
- Vous êtes propriétaire d’un lieu, vous pensez qu’il ferait un bon habitat partagé et vous avez l’intention de vous en occuper vous même, vous vous voyez donc comme le gestionnaire d’un habitat partagé qui serait aussi votre maison.
- Vous allez créer une entreprise qui développera un réseau d’habitats partagés, vous vous voyez donc comme CEO d’une future licorne de la Silver économie.
- Vous allez créer une maison atypique qui offrira un service unique à des seniors isolés, vous vous voyez donc comme animateur ou animatrice d’un habitat partagé.
Ces rôles sont bien entendu cumulables… et j’en omet d’autres plus secondaires. Le but est ici de savoir comment vous vous voyez quand vous imaginez votre habitat partagé à moyen terme.
Quels bénéfices attendez-vous de votre projet ?
- Un salaire qui tombe tous les mois,
- La satisfaction d’un projet qui fait le bien,
- Une aventure entrepreunariale hors du commun,
- Des dividendes,
- Une grosse plus value à la revente.
A quelle échéance espérez-vous obtenir ces bénéfices ?
Est-ce que vous visez le court terme, le moyen terme ou le long terme ?
- Créer une entreprise vous offrira une aventure hors du commun dès le premier jour.
- Vous ne pourrez pas vous verser un salaire avant plusieurs mois, voir plusieurs années.
- Les dividendes mettront plusieurs années à tomber.
- La plus value à la renvente sera fonction de votre réussite entrepreunariale, de votre flair et de l’audace de vos investisseurs, mais elle n’interviendra pas avant 5 à 15 ans.
- La satisfaction d’un projet qui fait le bien dépend de votre perception du bien … et de votre bonne foi !
Quel sera le statut juridique de votre habitat partagé ?
Ne partez pas bille en tête sur un modèle. Demandez-vous ce que sera votre projet sur le long terme.
> Dimension du projet : une maison ou un réseau ?
Si vous ouvrez une seule maison, vous pouvez vous débrouiller avec des aides publiques et vos fonds propres. Vous avez donc intérêt à opter pour le statut associatif qui offre l’avantage de faciliter les relations avec les pouvoirs publics et obtenir plus facilement leur aide matérielle ou financière.
Si vous créez un réseau, vous ne pourrez pas vous passer d’investisseurs privés. Soit vous les sollicitez via de l’apport en capital et vous devez donc opter pour une structure qui permet ces apports. Soit vous les sollicitez via le recours à une foncière, ce qui vous autorise le choix du statut associatif.
> Rôle de vos habitants
Si vous souhaitez donner des responsabilités à vos habitants, vous avez intérêt à choisir un modèle juridique dans lequel ils seront parties prenantes. Soit une association, soit une coopérative d’habitants.
Si vous ouvrez un seul lieu, la question est aisée à arbitrer. Si vous en ouvrez plusieurs, vous pouvez créer une société commerciale pour gérer le développement du réseau et créer une association de gestion pour chaque maison en obligeant vos locataires à y adhérer.
Par exemple, la société Vivralliance qui créé des béguinages est structurée avec une société commerciale chargée de la promotion immobilière et une association qui s’occupe de la gestion des lieux, Vivre en Béguinage. Idem pour Homnia, une entreprise qui développe des habitats partagés et accompagnés pour adultes handicapés. Homnia gère le volet immobilier tandis que l’association Le Club des 6 s’occupe de l’animation des lieux.
Que pense le maire de la commune où vous allez vous implanter de votre projet d’habitat partagé ?
N’allez pas croire que cette question est annexe. Pour chacun de vos lieux, et à plus forte raison si vous n’en ouvrez qu’un, le maire doit être votre ami.
Quand je dis le maire, je devrais plutôt dire la mairie et les agences municipales, car vous avez intérêt à bien vous entendre avec tous les acteurs locaux qui pourront faciliter votre implantation et vous envoyer des clients.
En effet, vous allez développer un projet local de petite taille et vous avez intérêt à miser sur le bouche à oreille et la recommandation pour votre prospection commerciale. Les outils digitaux, la publicité et le marketing direct ne sont pas adaptés à un tel produit. Ce qui fonctionne, c’est le bien que diront de vous les autorités locales : les élus, les institutions, le coiffeur, la boulangerie, la pharmacie du quartier, les associations du cru, etc.
La mairie peut ne pas être partie prenante à votre projet, mais elle ne peut pas découvrir votre maison le jour de la Fête des Voisins !
Avez-vous identifié les premiers habitants ?
Vous avez intérêt à identifier les premiers habitants avant l’ouverture et à les onboarder dans votre projet, pour trois raisons :
> Moins de stress pour vous
Cela vous enlève une épine du pied de savoir que votre maison sera pleine dès l’ouverture. Vous pourrez ainsi vous concentrer sur l’exploitation et la satisfaction client et non pas sur la recherche désespérée de locataires.
> Moins de stress pour vos locataires
Pour vos habitants eux-même, démarrer l’aventure dans une maison pleine sera plus satisfaisant. Vous pourrez ainsi constituer un groupe d’habitants qui se connaissent et bénéficient du même statut de “premiers habitants”. Vous pourriez même aller plus loin en organisant des rencontres entre ces futurs habitants avant l’ouverture afin de souder le groupe et de faciliter l’aménagement.
Par exemple, la société Béguinages et Compagnie s’est spécialisée dans l’accompagnement des groupes de futurs habitants d’habitats partagés. L’équipe du fondateur, Jean-François Trochon, rencontre les habitants quelques mois avant l’emménagement. Elle les aide à faire connaissance et se découvrir des hobbies. Elle les accompagne pour se préparer à vivre ensemble dans un habitat partagé. Vous pouvez découvrir le travail de Béguinage et Compagnie dans l’étude de cas que nous leur avons consacrée.
> Moins de stress pour l’avenir
Si vous faites le plein dès le début, c’est que vous avez identifié des canaux d’acquisition efficaces, qui vous permettront de remplacer rapidement les départs pour que votre maison soit toujours pleine. En effet, l’incapacité à remplacer les départs est la cause de faillite de beaucoup de structures qui ne fonctionnent qu’avec une seule maison. C’est le constat que faisait la DGCS en 2016 dans son rapport consacré à l’habitat inclusif.
> Le conseil de Sweet Home
C’est une étape où la mairie peut jouer un rôle clé. Si vous avez le choix, optez pour une commune bienveillante. Vous vous implanterez plus aisément dans une commune où le maire vous accueille les bras ouverts en vous disant qu’il connait une dizaine de personnes prêtes à emménager dans votre maison. A contrario, vous aurez toutes les peines du monde à exister dans la commune dont le maire ne jure que par “sa résidence autonomie qui fait des miracles depuis 40 ans”… et ne fera rien pour vous envoyer des vieux.
Quel sera votre business model ?
Ne me dites pas : les locataires paient un loyer. C’est la base, évidemment ! Mais le montant du loyer que vos clients seront prêts à payer dépendra du service que vous allez leur proposer. Vous devez donc déterminer votre business model selon le type de clients que vous allez cibler et le niveau de service que vous allez leur offrir.
Vous structurez votre business model selon :
- Le niveau de services que vous allez offrir et le nombre de salariés que vous allez recruter pour assurer ce service,
- Le niveau de dépendance de vos locataires, qui détermine le niveau d’aménagement du lieu et le recours – ou non – à des intervenants médico-sociaux dédés à la structure,
- Les aides, financières et en nature, que vous allez demander aux pouvoirs publics.
Les variables de votre business model en habitat partagé
Plus votre niveau de service est élevé, moins les locataires seront impliqués dans la vie du lieu, mais plus le prix sera élevé. Vous vous rapprochez d’une offre de type résidence services seniors.
Plus vous impliquerez les locataires dans la vie du lieu, ce qui peut aller jusqu’à leur en confier l’animation, moins vous aurez besoin de personnel pour assurer cette prestation et moins le prix sera élevé. Vous vous rapprochez d’une offre de type béguinage.
Combien d’habitats partagés avez-vous l’intention de construire ?
C’est une question structurante que vous devez vous poser dès le début. Votre choix déterminera votre business model, le type de partenaires que vous devez aller chercher, mais aussi le type de communes où vous vous implanterez et les aides que vous pouvez espérer percevoir.
En outre, le nombre de maisons déterminera le niveau de service que vous pouvez offrir à vos bénéficiaires et la taille souhaitable de chaque maison (combien de locataires allez-vous y accueillir).
- Plus vous avez de clients, plus vous pourrez optimiser vos charges.
- Plus vous avez de lieux, plus vous pouvez mutualiser vos services.
Sans présumer de la taille de votre entreprise à horizon 2030, vous devez savoir si vous partez sur un projet à 1 maison, 2 à 10 maisons, 10 à 100 maisons ou plus de 100.
> Une seule maison
Vous allez créer un projet frugal, qui sera dépendant des aides publiques pour s’équilibrer. Vous devrez vous impliquer personnellement et à plein temps dans le fonctionnement quotidien de la maison.
Vous pouvez cibler des petites villes ou des communes rurales qui vous accueilleront les bras ouverts, mais ce projet aura plus de mal à s’implanter dans des villes moyennes ou des métropoles.
Vous ne pourrez pas avoir un SAAD intégré : pour des raisons économiques, ce n’est tout simplement pas réaliste, car vous n’avez pas assez de clients pour équilibrer ce service.
C’est un beau projet de vie, mais c’est aussi un sacerdoce et ce n’est pas un projet dont vous dégagerez une grosse plus value à la revente car il n’intéressera que des personnes qui ont le même profil que vous, qui ne sont pas si nombreuses que cela et qui auront l’opportunité de créer leur propre maison, car ce format est subventionné et soutenu par la CNSA via le dispositif hapi.
> 2 à 10 maisons
Vous allez créer un projet modeste, mais moins frugal que la maison unique. Avoir plusieurs maisons vous permettra de mutualiser les coûts fixes. Plus les maisons seront proches, plus cette mutualisation sera facilitée. En effet, si vous pouvez vous contenter d’une comptabilité unique pour des maisons situées aux quatre coins de la France, il est plus difficile de réaliser une économie d’échelle pour les fonctions support qui doivent intervenir sur place, comme la blanchisserie, la maintenance ou l’entretien du jardin.
Vous aurez l’opportunité de créer un SAAD dédié si vous accueillez des publics dépendants.
Votre projet pourrait séduire des investisseurs privés pour contribuer à votre croissance et à votre pérennité, mais vous resterez un petit projet qui n’intéresse pas les gros investisseurs de l’immobilier.
Donc, vous garderez le contrôle sur votre entreprise et si vous avez les moyens de recruter un salarié pour gérer l’animation des lieux, vous n’aurez pas les moyens de faire de la promotion commerciale ou du marketing à grande échelle. Votre chalandise restera donc très locale.
> Plus de 10 maisons
Au fur et à mesure que le nombre de maisons augmente, la taille du projet et son attractivité pour l’investissement privé augmentent. Votrer principal enjeu sera de déterminer un plan de croisssance réaliste afin de développer le bon ADN dans vos premières maisons afin de créer une marque forte et différenciante.
Les investisseurs et les promoteurs immobiliers peuvent vous mettre la pression en vous incitant à ouvrir trop de maisons d’un coup. Si vous n’avez pas pris le temps de construire votre marque et développer les piliers existentiels de votre projet, vous risquez de n’ouvrir que des coquilles vides, sans âme.
Ceci étant dit, la promesse de créer un réseau vous donne aussi la possibilité de communiquer massivement sur votre projet et de sortir de l’approche très locale à laquelle sont condamnés les projets de petite taille.
Par exemple, inspirez-vous de la communication de Jake Rötschein, fondateur de UpsideHöm, un réseau de colocations pour seniors qui a démarré en Floride il y a quelques années. Très actif sur LinkedIn, le fondateur ne loupe pas une occasion pour partager sa vision et l’évolution de son offre. Il a ainsi commencé par proposer des colocations dans un même logement, mais il a vite pivoté en réalisant que si ses clients souhaitaient partager des espaces communs, ils aspirent aussi à une indépendance élevée. Désormais, UpsideHöm propose donc des maisons où les logements individuels sont indépendants et permettent aux habitants d’utiliser les espaces communs seulement quand ils le souhaitent.
Avez-vous besoin d’aides publiques ?
Les aides individuelles touchées par vos clients ou les aides versées à la structure constituent un cocktail séduisant, mais qui va créer une forte dépendance de votre projet vis-à-vis des pouvoirs publics. Ce qui n’est pas souhaitable, à mon avis.
> Commençons par identifier les aides
- Si vous accueillez des locataires dépendants ou souffrant d’un handicap, ils peuvent bénéficier de l’APA et de la PCH qui viendront diminuer le coût de vos prestations de care, notamment si vous avez la possibilité de mutualiser ces aides et d’intégrer votre SAAD.
- Si vous accueillez des personnes touchant une petite retraite, ils seront bénéficiaires de l’APL qui fera baisser le loyer, mais pas le coût des services additionnels.
- Si vous êtes un habitat inclusif, vous pouvez demander au département de financer vos prestations d’animation en percevant l’AVP (aide à la vie partagée).
- Si vous créez du logement social ou très social, vous bénéficiez d’aides spécifiques et vous pratiquez des loyers modérés.
- Si vous avez un deal avec la commune ou les collectivités locales, vous pouvez offrir un loyer très modéré en contrepartie d’aides spécifiques, la principale étant la mise à disposition, par la commune, d’un lieu sans contrepartie financière.
Cette liste n’est pas exhaustive, mais recense les aides les plus courantes.
> Pourquoi se passer d’aides publiques ?
Cela peut sembler pertinent de faire baisser les coûts en demandant des aides, mais c’est une décision de gestion lourde de conséquences. En effet, structurer votrer activité autour des aides publiques revient à prendre un pari sur la pérennité de votre projet et sur votre liberté d’entrepreneur.
Passez-vous d’aides publiques pour assurer la pérennité du projet
Les aides de l’Etat peuvent disparaitre, rien ne garantit leur pérennité ni les modalités de leur versement. Si vous entrez dans le cercle vicieux des aides, vous vous retrouverez donc prisonnier d’un dispositif que vous ne maîtrisez pas.
Passez-vous d’aides publiques pour préserver votre liberté
Les aides de l’Etat sont assorties d’obligations. Pour en bénéficier, vous devrez d’une part faire la danse du ventre devant des fonctionnaires qui ne vous comprennent pas, ne vous aiment pas si vous êtes une entreprise commerciale et ne se priveront pas de vous le faire savoir. Vous pourriez donc être tenté de montrer pate blanche en optant pour une formue juridique qui facilite le recours à ces aides. Créer une association plutôt qu’une société commerciale, revendiquer votre appartenance à l’économie sociale et solidaire, devenir entreprise à mission ou obtenir un label chronophage comme l’agrément ESUS ou le B-Corp. Toutes ces démarches vous prennent un temps de dingue que vous ne consacrez pas à l’essentiel, le développement commercial et la notoriété de votre projet.
Donc, n’ayez recours au robinet de la subvention que si vous mourrez de soif.
Qui va financer votre habitat partagé ?
Vous disposez de plusieurs options et elles sont cumulables :
- Vous, sur les capitaux propres de l’entreprise : vos fonds propres, puis le chiffre d’affaire.
- Des investisseurs privés via de l’apport en capital,
- Des investisseurs privés via de la constitution de dette,
- Des investisseurs privés ou institutionnels, via le recours à une foncière,
- L’Etat, via des mécanismes de subvention, d’exonération et d’aides.
Ne vous contentez pas de branler du chef à chaque proposition, essayez d’évaluer le mix de ces possibilités et la contribution envisageable. Essayez aussi d’évaluer l’effort à réaliser pour obtenir un financement de la part de chacune de ces parties prenantes
Pourquoi doivent-ils accepter de financer votre projet ?
Qu’est-ce que vous pouvez offrir à vos parties prenantes qui pourrait les inciter à vous aider vous plutôt qu’un autre. Je n’ai pas la réponse. Mais vous devez absolument savoir ce que vous avez à offrir si vous voulez espérer “vendre” votre projet à des financeurs, quels qu’ils soient.
Voulez-vous accueillir des publics dépendants ou handicapés ?
Le choix du public que vous accueillerez aura une incidence directe sur votre habitat partagé, son aménangement, son fonctionnement, les aides directes ou indirectes que vous pourrez percevoir. Il aura aussi une incidence sur les publics que vous allez attirer et ceux que vous n’allez pas attirer. Il déterminera si votre projet peut être construit dans une maison rénovée, au 17è étage d’un immeuble de grande hauteur, dans le diffus, etc.
C’est un chois structurant que vous devez faire dès le début et vous ne pouvez pas vraiment tergiverser en vous disant que vous offrirez votre service à tous les seniors, quel que soit leur niveau de dépendance.
Si vous accueillez des publics dépendants ou handicapés, vous pouvez entrer dans le dispositif de l’habitat inclusif. Celui-ci vous ouvre droit à des aides financières, mais il vous contraindra à un modèle spécifique. A vous de voir si le jeu en vaut la chandelle. Pour vous aider, lisez notre article consacré à la création d’un habitat inclusif. Nous y balayons tout le dispositif, avec ses atouts et ses contraintes.
> Pourquoi le choix du public influence tant l’habitat partagé
Parce que, compte tenu de la taille de vos maisons, la dépendance de certains sera subie par tout le groupe. Elle impliquera un niveau de service supplémentaire qui pourra desservir les autres, voire les importuner. Vous devez donc savoir si vous allez accueillir des personnes dépendantes et si vous ne l’avez pas prévu, anticiper ce que vous feriez si l’un de vos habitants le devenait. Ce problème est très bien mis en lumière dans le rapport de la CNSA consacré à l’habitat inclusif et publié en avril 2022. Les autrices ont passé plusieurs semaines en immersion dans 5 habitats inclusifs. Elles montrent comment la cohabitation entre seniors peut devenir un vrai calvaire lorsque la dépendance des uns empiète sur la liberté des autres.
La difficulté quand les gens vieillissent c’est l’arrivée de dépendances, de difficultés qui ne seraient pas prises en compte dans l’habitat. Les gens se sentiraient obligés de partir parce qu’ils ne se sentent pas en sécurité, pas aidés. Pour éviter cette situation difficile, vous devrez prévoir des dispositifs qui permettent aux gens de rester malgré les difficultés physiques et cognitives.
L’habitat doit être adapté, le collectif doit être soutenant.
Anne Labit, sociologue spécialiste de l’habitat participatif
Par exemple, en Allemagne, des habitats qui fonctionnent depuis vingt ou vingt-cinq ans ont prévu l’intervention de professionnels en cas de problèmes, que cela s’articule avec l’entraide, qu’on réserve des logements à des professionnels de santé.
Vos clients auront-ils leur mot à dire sur l’organisation de votre habitat partagé ?
C’est à vous de décider si vous voulez créeer un modèle résidentiel qui s’apparente à la résidence services seniors où un système plus participatif.
L’avantage du modèle RSS, c’est que vous n’avez pas à demander l’avis des habitants pour prendre des décisions. Vous allez donc intéresser des clients qui paient pour un service et profitent de ces services, mais ne veulent pas être impliqués dans la gestion du lieu.
L’avantage du modèle participatif, c’est que vous pouvez déléguer une partie du fonctionnement et de la gouvernance aux habitants. Vous allez donc intéresser des clients qui souhaitent s’impliquer activement
Il existe des entre-deux, mais vous devez avoir conscience que votre modèle ne plaira pas à tout le monde et accepter de ne pas intéresser tous les seniors et être clair dès le départ sur l’organisation du lieu afin de ne pas frustrer des habitants qui n’y seraient pas préparés.
A quel type de seniors voulez-vous vous adresser ?
- Dépendants ou pas dépendants
- Ruraux ou urbains
- CPS + ou CSP –
- Engagés dans la vie du lieu ou pas
Vous devez faire des choix…. et choisir, c’est renoncer.
Pourquoi viendraient-ils chez vous ?
Chaque segment de client a des besoins spécifiques, des attentes particulières. Ils sont prêts à payer pour une offre qui satisfasse ce besoin.
Qu’allez-vous offir à vos clients pour les persuader que votre maison est le lieu où leurs rêves vont se réaliser ?
La maison dont vous rêvez correspond-elle au rève d’un segment suffisamment important de clients pour que votre projet soit rentable et puisse se développer au niveau que vous imaginez ?
Comment se passent-ils de vous aujourd’hui ?
Souvent, les entrepreneurs que nous rencontrons n’ont pas conscience d’avoir des concurrents. C’est presque du déni. Ils disent : “je n’ai pas de concurrents, mon offre est une innovation pure, il n’existe aucun service qui réponde au problème que je résous aujourd’hui”
Et cependant, les gens se passent d’eux depuis des lustres. Soyez conscient que la recherche d’un abri est l’un des besoins fondamentaux de l’être humain, associé au besoin de sécurité dans la célèbre pyramide de Maslow qui hiérarchise les besoins existentiels. Même si vous pensez avoir inventé un service qui va les satisfaire, vous devrez leur démontrer la supériorité de votre solution sur la leur.
J’irai même plus loin : vous devrez démontrer à vos prospects que vous allez leur apporter un service tellement dingue qu’ils vont accepter de faire l’effort de changer complètement leur vie pour en bénéficier. Pourquoi développer des trésors de persuasion vous sera-t-il nécessaire, selon vous ? Oui, exactement, parce que vous vendez un nouveau lieu de vie, et donc l’effort à réaliser par le client pour bénéficier de votre service est colossal.
Rendez vous compte que vous demandez à votre client d’emménager dans votre maison
Pour rejoindre votre habitat partagé, il devra quitter sa maison, la vendre peut-être. Votre client devra se séparer d’une partie de ses affaires. Déménager. Parfois changer de quartier ou même de commune.
Essayez de vous représenter ce que signifie de tels changements. Ce n’est pas un choix aussi anodin qu’acheter une paire de chaussettes, aller chez le coiffeur ou essayer une nouvelle marque de yaourts.
C’est pourquoi, vous devez savoir exactement ce qui va décider votre client à vous suivre… et donc comment il se passe de vous aujourd’hui.
Quelle est la taille de votre zone de chalandise ?
Pour les résidences services, la zone de chalandise est de seulement 20 kilomètres autour de l’implantantion. Concrètement, si vous ouvrez un atlas et que vous tracez un cercle de 20 km autour de votre maison, vous avez la zone dans laquelle vous recruterez vos clients.
> Le conseil de Sweet Home
Je vous recommande d’utiliser OpenRoute, un projet open source développé par l’université de Heideberg. Leur outil vous permet de dessiner votre zone de chalandise, mais aussi de calculer les temps de déplacement à pied, à vélo ou en fauteuil roulant… ce qui est bien pratique pour évaluer le niveau de confort dont vos clients peuvent bénéficier quand ils habitent votre maison…
Combien avez-vous de concurrents dans cette zone ?
Les habitats partagés ne fonctionnent pas dans un environnement clos.
Vous devez donc vous demander où vivent vos clients aujourd’hui et à quelle alternative à vous pensent-ils lorsqu’ils décident de changer ?
Vos concurrents ne sont pas uniquement vos confrères, qui gèrent également d’autres habitats partagés. Vos concurrents sont aussi les autres types d’habitats que vos clients apprécient.
En premier lieu, l’habitat traditionnel. On sait que 85 % des seniors, veulent rester chez eux à leur domicile. Ainsi, l’aménagement du domicile des retraités, est un des concurrents des habitats partagés. Ensuite, d’autres concurrents existent comme les résidences services, l’accueil familial, les résidences autonomie et bien sûr l’Ehpad.
Vous devez impérativement identifier votre concurrence afin de comprendre pourquoi et comment vous pouvez faire mieux. A un niveau macro, en nommant vos concurrents, à un niveau local en identifiant vos concurrents dans la zone de chalandise de votre habitat partagé.
> Le conseil de Sweet Home
Vous pouvez trouver les adresses de ces concurrents sur Papyhappy.
0ù allez-vous trouver vos clients ?
Nous l’avons vu, cela dépend de l’ambition de votre projet. Si vous ouvrez une maison unique dans une petite ville, vous devrez passer plus de temps à rencontrer les commercants locaux qu’à développer votre personal branding sur LinkedIn.
D’une manière générale, vos projets vont fortement dépendre du bouche à oreille et du réseau de prescripteurs que vous allez construire.
Mais si vous ambitionnez de développer un gros réseau, vous devrez quand même être présent sur les réseaux sociaux – et notamment LinkedIn – afin de recruter l’équipe de rêve qui vous accompagnera sur ce projet.
Concernant les clients, vous ne devez pas vous fier à votre instinct, ni à vos facilités avec tel ou tel canal d’acquisition, mais à l’analyse de la demande et des comportements de vos clients. Donc, allez leur parler, comprenez ce qu’ils veulent.
Combien de temps prendra leur emménagement ?
Le délai entre le jour ou votre client vous dit oui et celui où il emménage dans votre habitat partagé peut s’étirer sur plusieurs mois. Le changement de résidence demande un effort conséquent pour faire le deuil de la maison que l’on quitte, organiser matériellement ce déménagment et cet emménagement.
Vous devez avoir conscience de ce délai, en tenir compte dans votre organisation et tout mettre en oeuvre afin de l’écourter.
Pourquoi ?
Parce que votre client ne vous payera pas de loyers tant qu’il n’est pas dans les lieux, peut-être ?
Comment allez-vous lever les freins à l’emménagement ?
C’est à vous d’identifier les freins et d’y apporter une réponse.
Des services comme My Jugaad, qui offre un accompagnement au déménagement pour les seniors se développe justement parce qu’un tel besoin existe et parce que ce choix demande un sacrifice difficile à la personne âgée.
Avez-vous toujours envie de créer un habitat partagé ?
❤️❤️❤️
Cet article a-t-il été utile à votre réflexion ?
Si oui, nous serions super contents que vous le partagiez à votre réseau, il y a sûrement d’autres porteurs de projet qui seraient heureux de gagner du temps en se posant les bonnes questions.
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En la lisant, vous prendrez de l’avance sur vos concurrents sans avoir à réaliser une veille fastidieuse, puisque nous la ferons pour vous !
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Merci d’avoir pris le temps d’écrire cet article complet et d’avoir donné de bons « conseils de Sweet Home »!
Article complet et très intéressant mais surtout très utile.